Critique : L'Effet papillon

Eric Dumas | 15 décembre 2004
Eric Dumas | 15 décembre 2004

Film entièrement construit autour de la théorie du chaos, L'Effet papillon se base également sur l'utilisation d'une formule interrogative hypothétique bien connue : Et si… ? Œuvre sur le regret et le remords, sur l'incapacité de connaître la perfection, mais aussi sur la volonté farouche de vouloir faire le bien autour de soi, le film fait penser à d'autres œuvres telles que Smoking / No smoking (uniquement d'un point de vue narratif), d'Alain Resnais, qui imaginait la vie autour de différentes propositions, ou Retour vers le futur, de Robert Zemeckis, et son interdiction absolue de modifier quoi que ce soit dans le passé sous peine de perturber les couches temporelles et ainsi détruire le présent originel. Les scénaristes de Destination finale 2 (Eric Bress et J. Mackye Gruber) signent l'histoire (qui porte des traces des deux auteurs) mais également la mise en scène d'un film qui sombre petit à petit dans la cruauté et le désespoir.


Parce qu'il est incapable de se remémorer certains moments marquants tragiques de son enfance, le héros, sur les conseils de son psychiatre, note la totalité de sa vie dans des carnets. Persuadé d'avoir guéri avec le temps, Evan va replonger, au sens propre, dans sa mémoire et réveiller des souvenirs qu'il avait bien fait d'oublier. À la recherche de la perfection dans sa vie (on pense à Un jour sans fin, de Harold Ramis), il ne va cesser de fouiller dans son passé pour retrouver un point de départ et une action susceptibles de remettre de l'ordre dans sa vie et dans celle de ses amis. Doté d'une structure narrative « complexe », réfléchie et intéressante, le film avance pas à pas vers la reconstruction d'une vie « idéale ». Elliptique, amnésique et sélective, la narration, à l'image de la mémoire du héros, va mettre en lumière uniquement les éléments nécessaires à la poursuite de l'histoire. Construite autour de trois périodes de la vie des quatre personnages du film (l'enfance, l'adolescence et le début de l'âge adulte), elle est le point fort de L'Effet papillon.


Même si le film comporte un axe fantastique, le drame qui lui offre ses bases est davantage orienté sur des aventures humaines. Les voyages temporels offerts par le « don » du héros ne servent pas d'alibi aux traumatismes des personnages, mais plutôt d'enveloppe à l'œuvre et de complice à la théorie. Les relations familiales complexes et éprouvantes sont autant d'expériences que les retours dans le passé et les vies futures. La tragédie humaine reste la meilleure source d'inspiration pour n'importe quel art et le nombrilisme engendré, révélateur et authentique pour les auteurs. Le film soulève, ainsi, une grande question maintes fois posée : la perfection est-elle de ce monde ? Quelle que soit sa forme, peut-elle être atteinte à quelque niveau que ce soit (en amitié, en amour ou autre) ?


En essayant de ne jamais sombrer dans le second degré, les réalisateurs construisent un film à tiroirs qui ne peut s'empêcher de frôler l'exagération. Néanmoins, en conservant une ligne directrice forte et courageuse, celle de rester sérieuse malgré les accents excessifs de leur histoire, le film parvient à souligner que, dans la vie aussi, les accumulations de peines et de douleurs existent et ne sont pas uniquement des caractéristiques cinématographiques. Malheureusement, la fin du métrage reste un élément décevant parce qu'elle aurait dû être plus courageuse et poursuivre l'idée sombre, généalogique et pathologique du film, défaut amplement corrigé par la director's cut et sa fin pessimiste (que l'on peut découvrir sur le DVD 2 de cette présente édition).


Doté d'une réalisation soignée et d'un jeu d'acteur sans failles, le petit « reproche » que L'Effet papillon peut susciter est cette triste incapacité, de plus en plus fréquente, de ne pas pouvoir se détacher de ses oripeaux de « teen movie » avec ses caractéristiques techniques (acteur venant de la télévision, photographie parfaitement lisse et reconnaissable, situation géographique habituelle, citations filmiques…) et cette prétention commerciale de vouloir faire du neuf avec des codes cinématographiques datant de la période classique.

Heureusement, par un premier degré affirmé, un scénario courageux, une mise en scène solide et une narration maîtrisée, L'Effet papillon parvient à passer au-dessus des récurrences liées à la forme et se place parmi les bonnes surprises de cette année cinématographique 2004.

Résumé

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