Critique : Jeepers creepers 2

Eric Dumas | 4 octobre 2007
Eric Dumas | 4 octobre 2007

Le premier Jeepers Creepers – sous-titré en français Le Chant du diable – avait créé une surprise réjouissante pour les fans de cinéma fantastique. Le film annonçait, dans une certaine mesure, la vague actuelle du « revival » horrifique réaliste tel qu'on le trouvait dans les années soixante-dix (The Texas Chainsaw Massacre 1974 / 2003 – Dawn of the dead 1978 / 2004 ou encore le futur The hills have eyes 1977 / 2005), avec un sens du premier degré particulièrement appréciable, à l'heure où toutes les productions du genre étaient devenues des copies, des répliques plus ou moins inspirées du néanmoins excellent Scream de Wes Craven.

Force est de constater, bien tristement alors, que les deux opus n'ont en commun que le titre, la créature et le nom du réalisateur. En effet, si Jeepers Creepers, l'original, offrait une première heure réussie, lorsque le monstre n'était qu'une silhouette, une légende menaçante, à la limite de la rumeur – ce qui fonctionnait assez bien vu les accusations qui pesaient sur le cinéaste –, il s'autodétruisait dans la révélation physique du monstre. Malheureusement, ce second volet tend vers la partie la moins intéressante de l'œuvre, celle où l'on a déjà connaissance des aptitudes et besoins du prédateur. Si le premier parvenait à créer une tension liée à l'atmosphère réaliste et suffocante (notamment due à la chaleur, la poussière et l'isolement), le second essaye d'aller plus loin encore mais échoue, peut-être parce que les idées de mise en scène semblent se perdre derrière un budget renforcé et un excès d'esthétisme. La photographie, certes magnifique, prive le film de toute authenticité. Remplaçant les teintes ocres et sépias naturelles par des teintes dorées, brillantes et parfaitement contrastées, des noirs granuleux par des cieux scintillants et étoilés, la tendance est au luxe et aux effets spéciaux décuplés. Le nombre de plans retouchés numériquement est d'ailleurs très parlant : 5 dans le premier contre 140 dans le second ! Par malheur, l'argent aura, en plus de cette maladie de toujours vouloir exploiter un filon, estompé les idées de mise en scène qui se perdent dans des mouvements de caméra qui, même s'ils contribuent à donner au film son rythme, restent vains et creux. On ne remarquera qu'en de très rares endroits des mouvements de grue, nous rappelant l'isolement de cette route et de ces protagonistes. Le semblant d'unité de lieu et de temps n'apporte rien à l'histoire, le suspense et ses ficelles ne marchent pas tant ils sont éculés, l'utilisation d'un humour de bas étage dépite comparativement au premier opus, et les personnages, sans relief et caricaturaux, ne sont là que pour mourir. On appréciera, à l'inverse, le rythme soutenu de l'histoire et le soin apporté à la musique qui, sans être transcendante (elle est de bonne qualité et a le mérite d'être orchestrale et bien écrite), emporte bon nombre de séquences.

Reste alors un jeu de massacre plaisant, qui s'apparenterait par moments à un mauvais décalque de Jaws, tour à tour terrestre et aérien, où le réalisateur confirme la rumeur qui veut qu'il soit sensible aux charmes des jeunes hommes. Ce second volet est ouvertement un film donnant une réponse à ses opposants : une confirmation. En accumulant les plans sur les jeunes mâles torses nus, en faisant de son monstre un prédateur sexuel reniflant la chair fraîche, doté d'un orifice supplémentaire pour s'enivrer du parfum moite des victimes, en multipliant les coups de langue et les clins d'œil aguicheurs, et en faisant quasiment disparaître toute féminité (à l'exception de trois « cheerleaders » inutiles et d'une conductrice quasi masculine), le réalisateur « transfert » sur son monstre le fantasme que se font de lui ses détracteurs.

Bien décidé à voler la vedette à ses congénères « slashers » que sont Freddy Krueger, Jason Voorhees ou Michael Myers, ce Creepers (qui serait un être humain sous le coup d'une malédiction) commence à s'installer et à avoir une certaine envergure cinématographique, toutes ailes déployées. Nul doute que d'ici quelques années un autre cycle de vie lui sera offert ; le monstre devra de nouveau se nourrir de chair fraîche, et reviendra à l'occasion sur nos écrans pour nous faire partager ses festins carnassiers.

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