Half Nelson : Critique

Vincent Julé | 7 septembre 2006
Vincent Julé | 7 septembre 2006

Il y avait le dogme, amorcé par Lars von Trier, où chaque film devait répondre à un cahier des charges précis dans sa mise en scène. Il faut maintenant aussi compter sur l'appellation « Sundance » pour toute une catégorie de films indépendants américains. Derrière un prétendu souci de réalisme, se mettent alors en action une série d'automatismes, allant de la caméra à l'épaule au grain volontairement sale en passant par la performance des acteurs ou le recours à une B.O. pop-rock, voire post-rock. Presque un genre à part entière, avec ses codes, ses thèmes, ses réalisateurs et ses castings de guest stars. Ainsi, dès son premier plan avec un Ryan Gosling en loque humaine la main dans le slip, Half Nelson retrouve cette même identité, à la fois visuelle et humaine. Le réalisateur Ryan Fleck suit ainsi ce jeune professeur d'Histoire de près, de très près, en multipliant les gros plans et les mises au point, parfois à outrance. Peut-être croit-il ainsi toucher à la réalité la plus crue, la plus pure.

 

 

Toujours est-il qu'il réussit à créer une forme, un espace, où les acteurs et principalement Ryan Gosling peuvent laisser exprimer leur talent. Il ne convainc qu'à moitié lors de ses cours sur le changement dans l'Histoire, où la dialectique du personnage devient, images d'archive à l'appui, la démagogie du film. Mais une fois sauvé par le gong, il retrouve ses démons et ses désillusions, et redevient un paumé fumeur de crack. Deux mondes qui vont tisser des liens entre eux pendant une heure par l'intermédiaire de son amitié avec une jeune élève. Passé ce cap, le film implose en douceur, fait tomber les barrières et trouve une nouvelle dynamique. Ryan Gosling semble alors ne jamais avoir été aussi bon, comme s'il avait évolué avec son personnage, son jeu devenant plus décomplexé, plus désespéré. Il faut le voir entrer dans la salle des profs, livide comme un linge, lunettes de soleil sur le nez et pansement aux couleurs du drapeau US sur la lèvre. Half Nelson est parsemé de ces petits moments drôles, touchants et précieux, même s'il faut parfois patienter pour y avoir droit. Heureusement, on a entendu pire que les morceaux de Broken Social Scene comme musique d'attente.

 

Résumé

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commentaires
Flo
31/10/2023 à 13:55

Le duo Ryan Fleck et Anna Boden ne sort pas de nulle part, ils ont attiré l’attention de la critique avec ce film dramatique, typique d’un certain genre américain : social, pédagogue, économe et visuellement sale.
Au delà de la posture auteuriste, ce parti pris de mise en scène (sûrement involontaire) contribue à créer continuellement une sensation de malaise, égale à celle du personnage principal, professeur cool, expert en dialectique, également coach sportif et idéaliste… Mais aussi malade à cause de ses addictions cachées – Ryan Gosling, dont la jeunesse et la fragilité en fait un presque contemporain de ses jeunes élèves, et empêche ainsi tout paternalisme.
L’intérêt c’est aussi l’évolution du protagoniste par rapport à l’une de ses élèves, qu’il va suivre avec attention (Shareeka Epps, tout en sobriété) : au lieu d’être dans une intrigue à la Will Hunting et cie, c’est la jeune (qui a ses propres problèmes à résoudre, mais qui reste une fille ordinaire) qui va essayer de soutenir le plus âgé, dont le parcours suit systématiquement une pente descendante. Sorti de sa classe, il échoue en tout et ne trouve aucun soutien suffisant. La référence dans le titre, c’est une prise de lutte d’où on ne peut pas s’extirper
Le but est de toucher le fond complètement, et ensuite il sera inutile de raconter la difficile remontée… celle-ci est d’emblée acquise, comme dans toute bonne histoire à l’Américaine.

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