Critique : Ricky Bobby : roi du circuit

Flore Geffroy | 11 août 2006
Flore Geffroy | 11 août 2006

Ricky Bobby n'a pas de problème de couple. Ricky Bobby n'a pas de souci d'argent. Ricky Bobby n'a qu'a un seul problème : il veut aller viiiiiiiiiiiiiiiite. Depuis tout petit (vraiment tout petit), déjà, la vitesse est son obsession. Certains collectionnent les lépidoptères exotiques ou les capsules de bières. Ricky Bobby, lui, est né le pied au plancher et un levier de vitesse dans la cervelle. Et sur les circuits du mythique Nascar, Ricky Bobby est le meilleur. Indéniablement… mais peut-être plus pour longtemps ?

Will Ferrell EST Ricky Bobby, symbole de l'éternel optimiste, chantre de l'Américain moyen et de l'Amérique profonde, qui picole de la bière fade, ne sait pas ce qu'est la métaphysique (et d'ailleurs s'en fout), ne jure que par ses champions sportifs et jauge son prochain à la grosseur de son portefeuille. Avec son museau de furet, ses yeux trop rapprochés, son accent traînant de sudiste nature, il humanise son personnage semi-benêt, tout en déclenchant le rire chaque fois qu'il ouvre la bouche ou presque.

Adam McKay, le réalisateur et complice de Will Ferrell depuis la nuit des temps (enfin, au moins depuis Saturday Night Live, dont Will Ferrell fut longtemps l'un des piliers), aurait pu se contenter de dresser le portrait d'un bouffon béat de sa beauferie et d'accumuler les gags. Ricky Bobby apprend à conduire les yeux fermés ; avec un cougar dans sa voiture ; Ricky Bobby à l'hôpital sur une chaise roulante ; en livreur de pizza ; Ricky Bobby poursuivi par un Frenchie qui veut lui rouler une pelle… Voilà du rire résolument premier degré, peut-être, mais sacrément efficace. Ce serait tout que ce serait déjà bien. Mais voilà. Le tandem McKay/Ferrell sublime leur héros de pacotille, en l'affublant d'une faille cachée, vaguement shakespearienne, qui donne à la comédie tout son côté tragique (à moins que ce ne soit une tragédie avec son côté comique, comment savoir, au fond ?). C'est cette faille-là qui le fait courir, le nourrit, l'illusionne, qui pourrait même le faire douter (Ricky Bobby ne DOUTE pas) : « Si tu n'es pas premier, tu es dernier ».

Autour de ce formidable personnage pétant d'énergie, il fallait des faire-valoirs à la fois imposants et modestes, et des comédiens pas ternes qui puissent tenir la distance face à l'écrasant Will Ferrell. Mission réussie : John C. Reilly, en meilleur pote de Ricky Bobby, est génial de beauferie ; Sacha Baron Cohen (Ali G, ça vous dit quelque chose ?) est Jean Girard, le coureur français à l'accent épouvantable, adepte du French Kiss avec les messieurs (On retrouvera l'énergumène en novembre dans Borat, un autre délire qui promet). Le trait ne fait pas toujours dans la dentelle, peut-être. Et alors ? Le public américain a fait un accueil fracassant au film dès son premier jour d'exploitation. Il y a largement de quoi ! Sans casser le suspense (?), guettez, dans le désordre : le séjour à l'hôpital, le repas de famille et l'action de grâce, « Je suis en feu ! Je suis en feu ! », les leçons de conduite, « I love crêpes », Marie Laforêt, et un finish haletant (de rire). Voyez le film en version originale, pour ne rien rater des accents au choix délicieux ou à couper au couteau. Et puis attendez deux trois minutes avant de vider votre siège sitôt le générique de fin : quand y'en a plus, y'en a encore…

De San Diego, Flore Geffroy, vitesse limitée à 110

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