Les pires titres français de films étrangers, entre promesses de sexe et invasion de Very Bad trucs

Par La rédac
29 juillet 2024
Les pires titres français © Canva

Quand un film étranger sort en France, le distributeur se charge parfois de traduire le titre. Et parfois, il fait n’importe quoi.

Les titres, c’est important. Certains films doivent une partie de leur succès à leur titre, d’autres les rendent responsables de leur échec. C’est pourquoi, lors de l’export d’une production étrangère en France, les traducteurs sont tentés de les changer. Souvent, c’est pour coller aux habitudes culturelles des cinéphiles locaux. Parfois, c’est pour s’en mettre plein les fouilles en trahissant les intentions originales. Et de temps en temps, ça donne de véritables absurdités sémantiques, des Very bad titres.

Friand de traductions foireuses et d’adaptations bancales, Ecran Large revient sur les plus cons, les plus opportunistes, les plus laids et les plus mensongers des titres français, à travers plusieurs catégories bien connues de ceux qui fréquentent les multiplexes. Attention, il y a de l’absurde, du salace et du carrément scandaleux dans le lot.

Entre la trahison et le génie, on hésite parfois

Les angliches

C’est quand même pas pour rien s’il y a un jeu de mots sur « rock » dans le titre original de Good Morning England

Parmi les cas aussi fréquents qu’absurdes, on trouve évidemment les titres anglais mais français mais anglais quand même. C’est-à-dire qu’il s’agit de titres anglophones, composés dans une langue plus ou moins correcte, mais qui sont bien la version française des titres originaux, dans le sens où les distributeurs français préfèrent parfois utiliser les sonorités de l’Anglais, mais en se tournant vers un Anglais plus facile (ou plus hasardeux) que celui du véritable titre.

C’est ainsi qu’on se retrouve avec des noms de films comme Exit, titre français de Cutterhead, un très bon survival claustrophobe danois dont le nom original fait référence à la machinerie dont les personnages sont prisonniers. Mais “Exit” c’est plus facile à comprendre m’voyez, c’est écrit sur les panneaux lumineux vert et blanc au-dessus de la porte du couloir dans les salles de ciné. Et puis, de toute manière, ça ne vaut pas Good Morning England, dont le titre original The Boat that Rocked a été changé en nom de boutique attrape-touristes.

Message de service : Night and Day est toujours le meilleur des Mission Impossible

Le film Just Married (ou presque) (oui car le franglais, pourquoi pas) avec Richard Gere et Julia Roberts, de son côté, s’appelle en réalité Runaway Bride, correctement traduit au Québec par La mariée est en fuite. On peut encore penser à l’intriguant Skinamarink devenu le banal et cliché The House en “français”, The Man Who Wasn’t There devenu le plus pragmatique The Barber, In Time devenu Time Out (quitte à faire n’importe quoi, autant aller même à l’encontre du scénario), ou encore le poétique Infinitely Polar Bear devenu le Boney M-esque Daddy Cool.

En bonus, on citera encore Knight and Day devenu Night and Day, titre qui n’a plus grand-chose à voir avec le film mais qui permet d’éviter aux spectateurs français de se confronter à un redoutable jeu de mots. Un contre-exemple positif, néanmoins : Tucker & Dale vs. Evil devenu Tucker et Dale fightent le mal, une façon franglaise et humoristique de mélanger les codes et de faire écho au ton comique du film.

Les « Very Bad »

L’état des équipes marketing au début des années 2010

Dans le domaine des titres anglophones traduits par un autre titre en anglais à côté de la plaque, il y a la sous-catégorie immanquable initiée par Very Bad Trip (qui, on le rappelle, s’intitule en VO plus sobrement The Hangover, ou “la gueule de bois” dans la langue de Jul). Avec le choix des deux adjectifs d’affilée pour bien accentuer le côté foufou de cette histoire d’ivrognes, cet enchaînement des enfers s’est développé comme une traînée de poudre pour symboliser une certaine idée de la gaudriole à l’américaine.

On pense en particulier au génial The Other Guys d’Adam McKay, parodie du buddy cop movie péniblement retraduite en Very Bad Cops. Mark Wahlberg et WIll Ferrell ont même souffert une deuxième fois avec Very Bad Dads. Malheureusement, l’idée a fini par dépasser nos amis Yankees. Une comédie déjantée finlandaise ? Autant l’appeler Very Cold Trip

Les trop longs

Quand t’arrives sur le sable

Pourquoi ne pas mettre en avant notre belle langue française en écrivant des romans en lieu et place des simples titres originaux ? C’est peut-être dans un bel élan proustien que les traducteurs les plus francophiles ont déballé des formules occupant la moitié de l’affiche. Le crétin Space Balls devient ainsi le plus raffiné La Folle histoire de l’espace. Dans le même champ lexical, Meatballs devient – inspirez un grand coup – Arrête de ramer, t’es sur le sable. Une audace inspirante puisque le méga-navet Arrête de ramer, t’attaques la falaise, cette fois bel et bien français, lui emboitera le pas la même année.

Mais les spécialistes des titres plus longs qu’ils ne devraient l’être, ce sont évidemment les distributeurs français de films d’horreur, lesquels aiment affubler le titre original ou leur traduction d’un sous-titre qui rassure le quidam trépané en quête de jump-scares (soit l’idée qu’ils se font du spectateur moyen). Dans cette catégorie, vous avez le choix : Jeepers Creepers devient Jeepers Creepers – le chant du diable, Hatchet devient Butcher : la légende de Victor Crowley, Event Horizon devient Event Horizon : le vaisseau de l’au-delà… Le mystère, c’est suranné.

Ceux qui promettent du cul

Attention, un bisou ! Ça va être torride !

Si la France est considérée comme le pays du romantisme, les traducteurs nous réduisent surtout à un peuple d’obsédés. Dans le domaine du racolage facile, l’Hexagone n’a pas son pareil pour promettre de la sensualité et des parties de jambes en l’air, même quand c’est totalement hors sujet. Sexy Dance (Step It Up), Sex Crimes (Wild Things), Sexe Intentions (Cruel Intentions), Sex Academy (Not Another Teen Movie), Sex Friends (No Strings Attached), la liste est très longue et a sans doute amené à faire de nombreux déçus dans les salles de cinéma.

Mais forcément, on pense surtout au cinéma d’exploitation, en particulier du côté des Italiens, où la moindre tension érotique (ou plus si affinité) est transformée en beauferie décomplexée. Par exemple, La figlia di Frankenstein est devenu Lady Frankenstein, cette obsédée sexuelle (parce que). Le pauvre Lucio Fulci, pas toujours gâté côté traduction, en sait quelque chose. Si Una lucertola con la pelle di donna est désormais appelé Le Venin de la peur, il a pendant un temps été titré… Les Salopes vont en enfer. La classe.

Ceux qui promettent un autre film

Une créature de rêve

Toujours rayon déception, on peut citer les adaptations qui trahissent complètement les intentions du titre original. Ainsi par exemple, l’étrange et scientifique Weird Science est devenu chez nous Une créature de rêve. Autant dire que les ados qui ont signé pour matter la fameuse créature ont du être décontenancés devant ce teen movie génial, qui se paie allégrement leur tête. Certes, il y a bien une créature de rêve, mais c’est le sujet d’une comédie absurde, pas d’un soft-porn hormonal. Toutefois, il faut remonter avant les années 1980 pour trouver des traductions françaises dont on se demande si leurs auteurs ont vraiment vu les films en question (peut-être pas).

Bien sûr, il y a les titres originaux parfois poétiques transformés en formules génériques et choc, à ranger avec leurs semblables dans les rayons de vidéoclubs. Le chef-d’œuvre Profondo Rosso devient Les Frissons de l’Angoisse et perd de son identité. Mais dans certains cas, c’est comme si l’ayant droit français se trompait sur le contenu qu’il distribuait.

Allons profaner quelques sépultures

Que dire des Révoltés de l’an 2000 (¿Quién puede matar a un niño?), qui ressemble à un post-apo italien de seconde zone alors qu’il s’agit d’un film d’épouvante espagnol avec des enfants flippants ? Quel rapport ? Et que dire de l’exemple le plus célèbre : Invasion of the Body Snatchers, devenu L’invasion des profanateurs de sépulture ? Une traduction littérale qui fait du grand classique de la science-fiction parano un sous-Hammer au rabais. Au moins, on ne peut pas leur retirer l’effet de surprise.

Les opportunistes

Quand tu apprends que tu joues dans la même saga que Seagal

Very Bad Trip a marqué les esprits, mais des titres opportunistes et des sagas montées de toutes pièces par les traducteurs, il y en a pléthore. Quatre ans après Piège de Cristal, Under Siege sort chez nous sous le titre Piège en haute mer, avec succès. Il n’en faut pas plus pour lancer la mode des pièges en France. Outre la sortie de Under Siege 2 sous le titre Piège à haute vitesse, Striking Distance devient Piège en eaux troubles et le Knock-off de Tsui Hark Piège à Hong-Kong. La formule est pratique et hantera la filmographie de ce bon vieux Steven Seagal dans nos contrées.

Parfois, c’est aussi simple que ça : faire passer une carrière pour une longue franchise via les titres. Les ZAZ sont donc condamnés à fournir des suites à leur légendaire Y’a-t-il un pilote dans l’avion ? Ruthless People est subtilement renommé Y’a-t-il quelqu’un pour tuer ma femme ?(l’humour français résumé en une phrase). Quant à la saga Naked Gun, elle deviendra la saga Y’a-t-il un flic ? Une mode qui va au-delà de leur œuvre, puisque la parodie Repossessed fut titrée Y’a-t-il un exorciste pour sauver le monde ? (WTF).

« What have I done ? »

Enfin, impossible de passer à côté de la liste hallucinante de films Django. Officiellement, il n’existe que deux Django. Mais ce n’est pas ce qui a arrêté les producteurs italiens, qui se sont mis à tous appeler ainsi leurs mystérieux pistoleros, fabricant un cadavre exquis foutraque. Une mode qui ne s’est pas arrêtée chez eux, puisque les traducteurs français en ont remis une couche sur des films n’ayant strictement rien à voir avec le personnage, qu’il soit une copie ou pas.

Produit en 1965, soit un an avant Django, El proscrito del rio Colorado sort déjà bel et bien chez nous sous le titre Django le proscrit ! Le coup d’envoi d’une longue période, où se succèderont Sous la loi de Django, Django ne pardonne pas, Django le taciturne, Poker d’as pour Django, Django, prépare ton exécution, Tire, Django, tire, A genoux Django, Django ne prie pas et des dizaines d’autres les années suivantes. Tous n’ont rien à voir ni avec le film original, ni avec son protagoniste. La plupart ont vu leur héros renommé Django dans le titre… et dans la VF ! C’est ce qu’on appelle un mythe d’export.

Ceux qui font mal

« Bonjour et bienvenue à mon TED Talk sur le mal »

C’est la dernière grande tendance du cinéma d’horreur en France : voir le mal partout. Le principe est simple : caser le mot « mal » autant que possible. Probablement est-ce là une directive issue d’une quelconque étude de marché sur les ados habituellement ciblés par ces campagnes marketing, aujourd’hui sous l’influence du manichéisme catho du Conjuring-verse. Toujours est-il que le gimmick vire à l’obsession. La saga Annabelle par exemple est particulièrement passée à la moulinette du mal. Le deuxième opus, Creation, a été promu La Création du mal. le troisième, Annabelle comes home, La Maison du mal.

Ces dernières années, ils se multiplient presque autant que les Django dans les salles de quartier des années 1960. Ne serait-ce qu’en 2023, Cobweb est devenu La Maison du mal (oui un autre), The Nun 2 La Nonne : la malédiction de Sainte-Lucie (encore un titre court), Hermana muerte Les Ordres du mal et Pet Sematary : Bloodlines Simetierre : aux origines du mal (oui, un autre).

Quand tu vois un rédacteur du mal écrire un article du mal sur Ecran Mal

En 2024, en plus d’un Tarot converti en Les Cartes du mal, Blumhouse en fait les frais à son tour. Plus tard cette année, la firme sortira AfraAId, depuis retitré – on vous le donne en le mille – L’IA du mal. Oui, ils ont osé. Le pompon étant décroché par Child’s play : la poupée du mal, puisque la seule et unique spécificité de ce remake… est de ne pas contenir de surnaturel ! Du conformisme, on passe au mensonge.

Les racistes

Oui

Récemment, on a parlé des ravages de la VF de Bloodsport, qui a rendu le film raciste en prenant bien trop de libertés sur certains dialogues. Malheureusement, ce racisme occidental décomplexé se retrouve aussi dans certaines « traductions » de titres, notamment pour des films d’arts martiaux venus d’Asie dans les années 70 ou 80. Et là, c’est le bingo avec des titres racistes donc, mais aussi à rallonge et souvent mensongers, qui font passer les films en question pour des comédies potaches voire des parodies parce qu’il était visiblement inconcevable de les prendre au sérieux.

C’est donc parti pour 50 nuances de jaunes, qu’importe qu’on parle de productions hongkongaises ou philippines, puisque les racistes savent se montrer inclusifs : Quand les jaunes voient rouge, titré en anglais Unsubdued Furies, ce qui donnerait « Fureurs insoumises » transposé en français; Camp d’amour pour chiens jaunes, histoire de rendre cette histoire de femmes emprisonnées encore plus crade et racoleuse; Super femmes contre chiens jaunes parce que les femmes occidentales valent mieux que les hommes japonais (un peu de féminisme voyons) ou encore Boxer contre dragons jaunes, mais cette fois ce sont des dragons et pas des chiens, et c’est toujours ça de pris.

Ne jugez plus jamais nos jeux de mots débiles après ça


Il y a aussi la tentation irrésistible de faire des jeux de mots en mettant en avant toute la richesse du champ lexical de l’Asie :
Il faut battre le Chinois pendant qu’il est chaud, Nous y’en a « riz » le bol, Ça branle dans les bambous qui n’est pas un film de boules, J’irai verser du nuoc-mam sur tes tripes, Tchin… Toc Karaté, Au karaté, t’as qu’à réattaquer, ou encore Les coolies en ont ras le bol (le bol de riz, vous l’avez ?).

Sinon, vous connaissez Bruce Lee fait la Java à Bornéo, le film sans Bruce Lee mais avec Bruce Li ? Et d’autres fois, ça se passe juste de commentaire : Miss Judoka règle ses comptes au karaté, On n’attrape pas un petit dragon en lui mettant du sel sur la queue (??) ou bien Un Petit coup dans les baguettes, à ne pas confondre avec Un coup de boule dans les valseuses….

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Brad Majors

Et vous ne citez pas The Banger Sisters, qui devient Sex Fan des Sixties, qui ne veut strictement rien dire dans aucune langue.

zakmack

Il était temps de parler de ce vrai problème qui pollue depuis trop longtemps les affiches de cinéma ! Mention spéciale pour les titres racistes, on a de la peine à le croire 🙂

Steph42

« crazy in Alabama » est devenu « La Tête dans le carton à chapeaux », pas vu mais ça m’a tellement marqué ce nom de film pourri…

penny-jammer

Ils déconnent à plein tube comme dirait Annette

motordu

L’article est très drôle, merci Very Bad Sexy Écran Large !

mcinephilly

Sympa ! À quand un article sur les titres Québécois ?

sly

Cruel intentions devenu Sex intentions, plus racoleurs.
Not another teen movie qui devient Sex academy