Critique : Le Chien jaune de Mongolie

Magali Cirillo | 2 février 2006
Magali Cirillo | 2 février 2006

Il y a vraiment des jours où l'on maudit son rédacteur en chef, qui, comme par hasard, vous envoie à la projection d'un petit film mongol (« ah bon, ça existe ? Mais ils ont l'électricité là-bas ? ») tandis que d'autres petits veinards vont pouvoir passer du bon temps avec Munich, Jarhead ou Les Bronzés 3. La vie est vraiment trop injuste. Et c'est donc armé d'une conscience professionnelle sans faille que l'on traîne ses Converses à ladite projection, prêt à endurer 1h33 de supplice. Et là, ô surprise, on se rend compte, non sans honte, que l'on mérite de se flageller avec des orties sauvages tant nos préjugés nous aveuglent. Car, avouons-le, Le Chien jaune de Mongolie est un petit bijou de poésie.

Déjà remarquée et multi primée en 2004 avec L'Histoire du Chameau qui pleure, la réalisatrice Byambasuren Davaa renoue avec un genre particulier, à mi-chemin entre le documentaire et la fiction et, telle une funambule, évolue tout le long du film sans jamais tomber d'un côté ou de l'autre. L'histoire qu'elle nous raconte est simple et universelle : une petite fille trouve un chien errant mais son père ne veut pas qu'elle le garde et lui demande de l'abandonner. Elle décide donc de le cacher. Une histoire qui pourrait très bien arriver en France, finalement. Mais voilà, elle se passe en Mongolie, chez une famille de nomades et ça, ça change tout. Tout d'abord parce que ce pays offre des paysages enchanteurs. Tantôt arides, tantôt fleuries, parfois traversées par un troupeau de moutons débonnaires, les steppes mongoles sont mises en valeur par de longs plans larges et de lents travellings. Ensuite, parce que cette histoire fait écho à une vieille légende locale, celle d'une jeune fille malade et d'un chien jaune (d'où le titre) relayée par toute une philosophie bouddhiste qui parsème le film de réflexions pleines de sagesse.

Mais ce qui est le plus troublant et le plus intéressant n'est pas de découvrir des différences entre cette famille et nous, mais de voir combien on se ressemble dans nos différences. Tout au long du film, on suit la famille Batchuluun, des nomades qui se battent pour concilier traditions et progrès, dans leur vie quotidienne. Alors bien sûr ils vivent dans une yourte et ils ne regardent pas la Star'Ac' le samedi soir, bien sûr, leurs habitudes sont souvent surprenantes, parfois désopilantes, comme le ramassage de bouses et l'utilisation qu'ils en font, mais une famille, reste une famille, avec des parents patients et débordés et des enfants qui ne manquent pas d'énergie. Il faut dire que Byambasuren Davaa a particulièrement bien réussi son casting. Les enfants Batchuluun sont trois adorables garnements qui feraient fondre l'ogre le plus féroce. Toujours prêts pour faire des bêtises, l'héroïne Nansaal, sa sœur et leur petit frère rivalisent de malice. L'un tente d'avaler une statue de Bouddha, l'autre se perd en gardant le troupeau, tous sont désarmants d'espièglerie et d'innocence : « Dis maman, c'est vrai qu'en ville les gens font pipi dans leurs maisons ? » demande même la sœur cadette. Du coup, et c'est surprenant, on rit beaucoup et surtout on ne s'ennuie pas une seconde malgré le rythme langoureux.

Le Chien jaune de Mongolie ne fera certainement pas huit millions d'entrées. Il passera probablement inaperçu, mais cette parenthèse de fraîcheur a vraiment de quoi séduire les spectateurs les plus blasés. Il suffit juste de lui laisser sa chance.

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