Critique : Entre ses mains

Sandy Gillet | 20 septembre 2005
Sandy Gillet | 20 septembre 2005

Estampillé de « thriller intime » par sa réalisatrice Anne Fontaine, Entre ses mains fait plus penser à la volonté de filmer la rencontre de deux comédiens qui prennent décidément de plus en plus de place dans le paysage du cinéma français. Si l'on ne s'en plaindra pas, Isabelle Carré et Benoît Poelvoorde sont en effet tout simplement remarquables, on sera par contre un peu plus sceptique quant à ce nouveau sous-genre cinématographique déjà largement galvaudé ici.

Car qui dit thriller dit aussi suspense et de ce nectar dont le maître Hitchcock savait nous repaître à satiété il n'y a en a point tant l'histoire, la quasi non mise en scène, le jeu des acteurs éventent la chose dès le premier face-à-face, dès les premières minutes. Va pour l'intime alors se dit-on. Que nenni encore, la caméra d'Anne Fontaine s'évertuant à constamment créer de l'espace autour et entre ses personnages de telle sorte que les vrais moments « d'intimité » surgissent là où l'on ne les attend pas provoqués principalement par des regards : à la fois doux, sensuels et généralement perdus à ma gauche, équivoques, durs et le plus souvent fuyants à ma droite. Leur captation brute suffit en fait au film à s'élever du simple téléfilm bas de gamme (et non il ne s'agit pas ici d'un pléonasme) auquel il semblait être promis à quelque chose de suranné et diaphane plus que bienvenue étant donné donc la minceur des enjeux dramatiques et scénaristiques.

Dire dès lors qu'Entre ses mains est porté littéralement par son duo d'acteurs est un pas que nous franchirons allégrement. Isabelle Carré en agent d'assurance opérant dans les faubourgs de Lille est littéralement saisissante de vérité. Sa démarche, ses codes vestimentaires et bien entendu ses regards en font l'icône idéale et idéalisée de la Madame Bovary des temps modernes. Une héroïne « flauberienne » que seul la rencontre avec Jack l'éventreur peut tenter de sauver d'une vie bien terne et finalement sans vie. Que penser ensuite du personnage composé par Poelvoorde si ce n'est qu'il procède à l'évidence d'une volonté assumée de casser une image qui de toute façon lui collera à la peau jusqu'à la fin de ses jours cinématographiques. L'intention est cependant louable et le pari est au final largement gagné même si le pitre cathodique et le Ben de C'est arrivé près de chez vous refait subrepticement surface au détour d'une intonation ou d'une phrase dont on ne saura jamais vraiment si elles sont voulues ou improvisées.

On l'aura donc compris, de «thriller intime» point de trace ici (à quand un film catégorisé d' «épopée intime» ?), par contre de film qui se rapproche ostensiblement d'un cinéma «classique» à la Claude Sautet (pour le regard porté à ses personnages et la volonté de les voire explorer en vase clos toutes les données d'une situation donnée) a plus de chance de parler au plus grand nombre. À ceux-là nous leur dirons donc d'aller voir et apprécier Entre ses mains pour ce qu'il est à savoir un petit objet cinématographique à l'humanité affleurante doublée d'une étude de mœurs presque jamais consensuelle. Équilibre certes difficile et au demeurant pas toujours respecté mais dont il tire au final sa grande force intrusive auprès du spectateur.

Retrouvez l'interview du producteur Philippe Carcassonne en cliquant sur sa photo :

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