Collision : critique

Erwan Desbois | 6 septembre 2005 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Erwan Desbois | 6 septembre 2005 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Rares sont les premiers films aussi ambitieux et aboutis que cette Collision (traduction française presque trop douce du titre original Crash) que l'on reçoit de plein fouet de la part de Paul Haggis, scénariste de Million dollar baby. Avec plus d'une dizaine de personnages principaux, ce dernier se place crânement dans la lignée de grandes fresques chorales comme Magnolia ou Short cuts, avec lequel Collision partage également un lieu (Los Angeles) et un regard ironique sur l'humanité. Haggis et son co-scénariste Robert Moresco sont aussi ambitieux que Robert Altman en son temps, puisque les bribes de vie des différents protagonistes dont l'on est témoin dans Collision sont reliées les unes aux autres pour former un seul récit, aussi multiple et tentaculaire que peut l'être L.A.

Un procédé ludique et accrocheur qui fonctionne à merveille car Haggis et Moresco ne tombent jamais dans le maniérisme et parviennent à créer un ensemble très homogène, dans lequel peu de scènes et de personnages sont en-deçà du niveau global. Les deux hommes profitent pleinement du rythme soutenu et de la galerie de personnages qu'offre cette construction scénaristique, et les mettent au service d'un regard sans concession sur les rapports humains et communautaires de nos jours. Avec la même foi en l'homme qui était déjà à l'œuvre dans Million dollar baby, Collision part du principe que chaque individu est important en tant que personne et peut réaliser de grandes choses ; mais démontre dans le même temps comment ces notions de libre-arbitre et d'interdépendance sont aujourd'hui viciées par la haine insidieuse et la suspicion que s'inspirent les différentes communautés sociales.

 

photo, Michael Peña

 

Dans cette situation de repli sur soi et de psychose permanente, la bonté naturelle de l'homme (tous les héros de Collision ont leur instant de grâce) est plus que mise à mal et laisse la place à des pulsions incontrôlables de peur et d'autodéfense. La mort rôde alors autour de tous les personnages, et se rapproche peu à peu d'eux dans la seconde moitié du film qui n'est plus composée que de séquences choc (un accident de voiture, une interpellation policière, un braquage en pleine rue…). La puissance de celles-ci est démultipliée par la mise en scène percutante de Paul Haggis, qui s'appuie en particulier sur une belle maîtrise du format cinémascope et nous projette constamment en première ligne de l'action.

 

photo, Terrence Howard

 

Mais c'est sa liberté de ton qui impressionne le plus et fait de Collision une œuvre unique. Ni dénonciateur misanthrope ni bête mouton hollywoodien, Haggis trouve sa propre voix en teintant son humanisme d'ironie. L'ironie du destin et de la condition humaine, qui fait que rire et larmes se répondent continuellement (sur ce point, l'épilogue autour d'une voiture brûlée est exemplaire), que les rôles peuvent s'inverser en une fraction de seconde entre bons et méchants, et que la mort finit par frapper là où on ne l'attendait pas après s'être abstenue dans des situations qui paraissaient pourtant désespérées.

Devant la complexité des personnages et la qualité des situations et dialogues, il n'est pas surprenant que tant de stars (Don Cheadle, Matt Dillon, Thandie Newton, Ryan Philippe…) aient eu envie de prendre part à l'aventure. Tous apportent leur pierre à l'édifice dans des rôles le plus souvent à contre-emploi – même des acteurs « catalogués » comme Sandra Bullock ou William Fichtner étonnent alors qu'ils n'apparaissent que le temps d'une ou deux scènes – et participent à faire de Collision un exemple de cinéma américain à son meilleur, lorsque ses branches indépendante et commerciale se complètent au lieu de s'opposer.

 

Affiche française

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