Kiss Kiss, Bang Bang : critique

Laurent Pécha | 6 septembre 2005 - MAJ : 03/06/2018 14:15
Laurent Pécha | 6 septembre 2005 - MAJ : 03/06/2018 14:15

Voilà presque dix ans qu'on n'avait plus de nouvelles de Shane Black, scénariste aussi talentueux que cinéphile qui entre 1987 et 1996 révolutionna l'univers du film d'action en popularisant à l'extrême un genre (le buddy-movie) avec L'Arme fatale 1 & 2. Il réussit à créer un style immédiatement reconnaissable fait d'histoires recyclant habilement les codes du genre tout en les modernisant grâce à des dialogues cinglants et des affrontements particulièrement musclés (Le dernier samaritain, Last action hero et Au revoir à jamais). 

Dire que Shane Black manquait aux films d'action des studios hollywoodiens est une évidence tant aucun n'a su jusqu'alors dépasser en efficacité et souvenirs jubilatoires un Arme fatale ou un Au revoir à jamais. On accueille donc le retour du maestro et ce Kiss kiss bang bang avec une joie d'autant plus grande qu'il s'est décidé à franchir le pas en mettant en scène son script. Si le résultat n'est pas aussi définitif que les films précités, on pardonne aisément au réalisateur débutant tant son Kiss kiss bang bang (en France pour éviter une confusion avec un titre antérieur, le film s'intitule Shane Black's Kiss kiss bang bang) regorge d'idées et laisse entrevoir la naissance d'un cinéaste certes roublard mais ayant incontestablement un univers qui ne demande qu'à s'étoffer pour être complètement fascinant.

 

 

À l'instar d'un Quentin Tarantino avec qui il partage un impressionnant background cinéphile et un goût immodéré pour le roman policier, Shane Black aime jouer avec son public en lui proposant une histoire somme toute ultra classique (une fois le mystère levé) qu'il va s'évertuer à déstructurer en usant de toutes les possibilités narratives du medium cinéma (voix off, arrêt sur image, flash-back,…). Mais là où d'autres utiliseraient sagement ces techniques de narration comme on a pu le voir des centaines de fois dans d'autres films, Shane Black innove à l'image de cette voix off qui interpelle sans cesse de manière désinvolte le spectateur ou encore demande d'arrêter le film et de revenir en arrière parce qu'elle a oublié de raconter un élément clé de l'histoire.

 

 

Joyeux bordel totalement maîtrisé par son auteur (on comprend très vite que rien n'est laissé au hasard), Kiss kiss bang bang ne se contente pas seulement d'épater la galerie avec sa relecture intelligente, drôle et parfois imprévisible du film noir (une séduisante ambiance d'être dans un Chandler sous amphétamines), il se permet aussi de mettre en scène des personnages de chair et de sang dont la volonté à forcer leur banale destinée parvient à émouvoir plus d'une fois. À ce titre, les performances des comédiens sont de bout en bout bluffantes : du revenant Robert Downey Jr en héros malchanceux, gaffeur à l'optimisme béat en passant par la star en devenir Michelle Monaghan en héroïne débrouillarde au cynisme éprouvé par sa découverte de Los Angeles, sans oublier Val Kilmer en privé gay aux méthodes d'investigation radicales, tous contribuent à élever les débats de manière souvent flamboyante bien aidés par des répliques savoureusement imagées et référentielles (les réfractaires aux fins multiples du Retour du roi vont être aux anges).

 

 

Mais tout est loin d'être parfait dans cette première œuvre énergique et éminemment généreuse (un gunfight final digne des meilleures production Joel Silver). On regrette ainsi que l'astucieuse utilisation de la voix off soit trop vite oubliée au milieu du récit donnant un côté gimmick à la chose, on reste parfois sur la défensive devant le style manipulation-séduction opéré par Shane Black (genre, nous, vieux cinéphiles, on nous l'a fait pas aussi facilement). 

 

Résumé

Toutefois, impossible à la fin de la projection de ne pas garder en mémoire les séquences instantanément jubilatoires (une petite dizaine) et se dire que le petit nouveau a un bel avenir devant lui…en espérant qu'il ne faille pas attendre de nouveau dix ans pour en avoir la confirmation.

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