The Thing : critique gelée
Assez mis à l'écart lors de sa période la plus productive, les longs métrages de John Carpenter ont sûrement désormais acquis la reconnaissance qu'ils méritaient. Parmi les nombreuses références que sont Christine ou Halloween, The Thing s'est imposé comme la plus grande réussite du cinéaste.
VIDE GLACIAL
Tout commence par un vide, un creux laissé par The thing form another world, réalisé en 1951 par Christian Nyby et, en sous main, Howard Hawks. Ce « monster movie » classique, laisse en effet une empreinte cinématographique chez le jeune Carpenter. Le monstre d'alors n'est qu'une chose humanoïde, contre lequel on se barricade en vain puisque la porte s'ouvre vers l'intérieur (la scène située en fin de film est hilarante) ; mais trente ans plus tard, le réalisateur décidera quand même d'établir un pont avec ce souvenir. Il dévoile son acte lors de la visite de Kurt Russell dans la base norvégienne.
Le nihiliste barbu, pendant fictionnel de Carpenter, découvre un cercueil de glace dans lequel se dessine une empreinte indicible, celle qui marqua le futur cinéaste. Après avoir donné une vision moderne du western dans Assaut, le réalisateur se place à nouveau devant les restes du cinéma de son enfance et entame un dialogue de cinéphage. Quelle pourrait être la forme d'un monstre de nos jours, maintenant que la vision de celui-ci n'a plus la surprise charmante de l'âge d'or ? Quelle présence pourrait encore effrayer ?
Kurt Russell, toute barbe dehors
Ces interrogations se traduisent dans le film par une paradoxale série d'absences. Absence d'explication d'abord, sur le pourquoi d'une chasse au chien-loup, armé d'un fusil à lunette. Ce renversement des proportions provoque le malaise, et ce malaise excise une ouverture fantastique dans le réel. Absence de héros ensuite, puisque Kurt Russell n'assumera ce rôle qu'au bout d'une demi-heure et dans le seul but de sauver sa propre vie. Absence de point de vue enfin, qui permet de traiter en ellipse tous les évènements fondateurs. Dans cette avancée anarchique, seule compte alors la contagion de l'effroi à la limite même du vraisemblable puisque, et ce n'est qu'un exemple, le problème de l'accès à la réserve du sang n'a toujours pas été résolu.
LE MONSTRE DE L'ABÎME
À l'intérieur de ce récit flottant, John Carpenter oppose alors l'homme et le monstre. Pour ce dernier, au vu sûrement de la multiplication des sous-genres horrifiques et dans la continuité de son dialogue cinématographique, il opte pour une autre absence, celle de la forme. Se nourrissant des êtres environnants, la chose se distingue par sa difformité. Visqueux et sec, plissé et acéré, agressif et défensif, le monstre ne dévoile d'accrocheur qu'un il fixant le spectateur du fond des chairs. Parce qu'inidentifiable, seul le sentiment impalpable et incontrôlable de sa présence enclenche la peur. Comme si Carpenter avait mis en images le réflexe de Pavlov du cinéma d'épouvante.
Reste alors l'effroi, ce pic de dégoût qui surmonte toute montée de frayeur. Le réalisateur de Prince des ténèbres le dispense dans la défaite de l'Homme, le seul être auquel peut s'identifier le spectateur dans le film. Plus qu'un simple combat perdu, c'est un déchaînement sadique qui se déroule sous nos yeux : un cou qui s'étire jusqu'au déchirement, un ventre béant aux dents acérées, des bras croqués à la moitié, des joues absorbées. Si le froid du récit avait anesthésié les parties nerveuses, les pics gore agissent comme des lacérations du nerf optique et rendent douloureusement palpable pour l'audience la fragilité de la chair.
Lecteurs
(4.4)08/01/2019 à 08:28
Bonjour,
Fait exceptionnel !!!
Pour une fois !
De la rédac' aux intervenants, tout le monde semble unanime !!
(:-o)
@EL : Epinglez ce sujet SVP ! IL fera date...
;-)
07/01/2019 à 17:36
Cinéma + Amour + Talent + Respect= THE THING.
Il est parmi les 10 films que j'emporterai sur une île déserte!
07/01/2019 à 15:43
Classique! L'économie de mots, de lieux, y'a que ça de vrai dans le cinéma!
07/01/2019 à 15:13
Bonjour,
une référence en la matière.
Je le montre toujours aux "jeun's" de mon entourage qui n'ont connu que l'ère du fond vert...
Et ils sont toujours ébahis par la qualité des effets spéciaux...
Faut dire que le gars des maquillages s'en est donné à coeur joie , vu qu'il avait carte blanche.
Il a fini à l'hosto tout de même.
Je ne m'en lasse pas.
07/01/2019 à 11:41
Un film fortement inspiré des mythes lovecraftiens et notamment les montagnes hallucinées. Sans doute la meilleure adaptation de ce type de science-fiction avec Alien.
07/01/2019 à 10:39
Un des meilleurs de Carpenter, peut-être son meilleur. Un des meilleurs des années 80 certainement. La paranoia qui se distille comme un poison. Un film nihiliste qui ferait peur au plus nihliste des gilets jaunes.
Petite réserve pour ma part, le monstre à la fin est un peu trop classique et pas trop raccord aux formes et transformations hallucinantes qu'il prend tout au long du film... La tête qui se transforme en araignée, quelle idée incroyable nom d'une pipe.
07/01/2019 à 10:09
Combien de films aujourd'hui possèdent l'âme sinistre de ce chef d'oeuvre? L'impression de voir l'humanité s'éteindre avec ce groupe de chercheurs sur ce petit bout de banquise. Inégalable, tout dans ce film tend vers l'efficacité géniale de te faire fondre sur place de malaise et de trouille. Le nihilisme de Russel, le cadrage de Carpenter, la musique, le mystère... le monstre est nous, pas un survivant, même le spectateur sort contaminé de ce film d'un temps révolu.
07/01/2019 à 10:07
Dans mes 5 films préférés, tout genre confondu.
Vu un nombre incalculable de fois.....
06/01/2019 à 23:46
S'était vraiment un putains de film !
06/01/2019 à 23:36
Putain rien à redire!!! Julien Welter j'ai juste envie de te serrer dans mes bras pour te remercier de cette critique excellentissime!