Mysterious Skin : critique à la merveille

Damien Vinjgaard | 25 mars 2005 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Damien Vinjgaard | 25 mars 2005 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Gregg Araki signe probablement son film le plus profond, magnifique et puissant avec Mysterious Skin, extension de ses œuvres cultes The Doom Generation et Nowhere.

Comme son titre l'indique, il est inutile de s'attarder à décrire le nouveau film de Gregg Araki au risque de lever le beau voile du mystère. Abîmer la découverte de cette oeuvre d'une infinie douceur et d'une incroyable clarté, serait d'ailleurs une faute professionnelle digne d'un renvoi immédiat. Mais il faut toutefois en parler un minimum, ne serait-ce que pour dissiper les nombreuses réticences que l'on pourrait avoir à aller visionner un film qui aborde le sujet sensible de la pédophilie.

Le viol d'un enfant. Aucune beauté là-dedans. Araki n'en cherche d'ailleurs pas. Pas même une sordide que des réalisateurs maladroits et franchement demeurés auraient envie de mettre en avant pour promouvoir leur propre capacité à transgresser l'ordre moral. Si ce genre d'outrage était possible pour ce trublion du temps de The Doom Generation et Nowhere, elle semble infaisable aujourd'hui tant son regard est devenu mature, réfléchi et cependant encore emprunt de cette éclat rebelle qui fait l'adolescence.

 

photo, Brady Corbet, Joseph Gordon-Levitt

 

La beauté du film d'Araki, car beauté il y a, est d'avoir su présenter au spectateur l'ensemble des victimes à travers le chemin de deux adolescents, Brian Lackey et Neil Mc Cormick. Sans laisser planer de doutes et sans jouer sur un suspense indécent du genre il a été ou il n'a pas été ?, il forge deux points de vue symboliques et complètement opposés à travers ces deux victimes d'abus sexuels devenus des adolescents errants. L'un a complètement occulté son viol au point de penser, et sa famille aussi, qu'il a été enlevé par des extra-terrestres. L'autre a accepté totalement son état, au point d'avoir perdu tout amour de lui-même et des autres.

 

photo, Michelle Trachtenberg, Joseph Gordon-Levitt

 

On pourrait s'astreindre à ce jeu qui consiste à dénouer dans leurs parcours respectif, les signes de la réflexion que propose Araki. Mais la simplicité du récit n'offre que peu de prise pour le cerveau car la beauté vient d'un autre lieu qui irrigue tout le long-métrage : la peau. Le film s'ouvre sur le visage d'un enfant recevant une pluie inidentifiable mais d'une douceur certaine, comme du sucre glace coloré qui poudrerait les joues, le nez et le front de ce jeune garçon heureux. L'impression de confort et d'enveloppement que provoque cette image n'est que le début d'une succession de touches et de sensations qui les mèneront à l'apaisement.

L'ado totalement inhibé est emmitouflé dans des chemises et des gilets se privant ainsi de contact tactile. L'autre est totalement dévoué à livrer sa peau et à en jouer pour également en oublier l'importance. À partir de ces deux états, Araki filme deux quêtes d'une juste acceptation de son propre épiderme et de sa propre existence. Entre déambulation calme et perte de repère, c'est une lente prise de conscience qui passe par la recherche sensuelle d'une peau où transparaîtrait l'amour. Jusqu'à ce que l'un d'eux trouve, celle, mystérieuse et salvatrice, qui affiche à sa surface sa mortalité.

 

Affiche

Résumé

Une pure merveille.

Autre avis Geoffrey Crété
Une déflagration d'une infinie tendresse et intelligence, où Gregg Araki convoque toutes ses obsessions, pour créer une silencieuse explosion émotionnelle. Son film le plus grand, beau, qui brille de mille feux dans les ténèbres.
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