Critique : Neverland

Fabien Braule | 21 février 2005
Fabien Braule | 21 février 2005

Peter Pan serait-il un sujet inépuisable pour Hollywood ? On ne compte plus à ce jour les multiples versions de l'œuvre majeure du romancier britannique James M. Barrie qui, tour à tour, auront bercées de souvenirs délicats et fantasmagoriques des millions d'enfants, et ce jusqu'à la dernière version encore présente dans nos esprits (et plutôt réussie) de P.J. Hogan. En adaptant aujourd'hui pour le grand écran le roman de l'écrivain Alan Knee (L'homme qui était Peter Pan), le cinéaste Marc Foster bouleverse, par un habile jeu de mise en abîme, tout un pan de la culture anglaise victorienne.

S'il y a bien un sujet sur lequel nous n'attendions pas le cinéaste de A l'ombre de la haine, c'était celui du film pour enfant, coloré et gorgé de bons sentiments. Dans une certaine mesure, Neverland n'est pas le film escompté, parce qu'il tient davantage à une tristesse quotidienne et incurable, balayant les bonheurs possibles et imaginaires d'une famille qui ne l'est pas moins. Et de tristesse, Neverland, de par son aspect biographique, en regorge. Non pas que le film de Foster soit un grand drame dépressif, loin de là, mais il contient finalement plus d'instants chargés d'émotions douloureuses que de réelle magie. D'ailleurs, on comprendra d'avantage cette tournure en arpentant les différentes étapes de la vie de Barrie, parfaitement mises en avant dans le film avec, comme principal évènement, le décès à 13 ans du frère aîné de James, David, qu'il idolâtrait.

En se focalisant sur la rencontre de Barrie et de la famille Llwelyn Davies, Foster s'attaque à l'imaginaire et à son processus de création. Les jeux se succèdent, les évasions aussi, en passant du Far West aux Mers agitées du Sud. Ces instants, tous issus de l'imaginaire, se confondent d'avantage à rendre grâce à un temps passé, révérence subtile et nostalgique au cinéma d'antan. Les pastiches se succèdent, de Morricone à Curtiz, en passant par une esthétique qui ne sera pas sans remémorer à certains celle du Casanova de Fellini ; et Foster de tisser avec les enfants la trame fantastique, visionnaire et subtilement mélancolique de Peter Pan en ouvrant ainsi les portes de Neverland. À ceci près qu'intervient au même moment le plus grand défaut du film, remettant partiellement en cause le choix de son réalisateur. L'émotion qui émane de ces quelques séquences semble formatée, chassant toute forme de naturel. Foster, à l'inverse de Burton ou de Cuarón, ne sait satisfaire suffisamment son univers, tant et si bien que la magie n'opère pas plus loin que la scène en question, sans jamais laisser le spectateur dans un état second, quelques minutes durant. Au contraire, mais c'est aussi là l'enjeu du film, le cinéaste préfère y laisser des plumes sur les trois premiers quarts, afin de renouer dans sa dernière partie sur une forme élégiaque et tourmentée. Le montage alterné embrasse ici la naissance et la mort, la joie et le deuil (marquant là l'une des plus belles rencontres de cinéma, en la présence de Johnny Depp et de Kate Winslet, habités l'un et l'autre par leur rôle) et on se préfèrera à stigmatiser dans notre esprit ces quelques touches plutôt qu'un ensemble à l'homogénéité discutable.

La mort n'aura sans doute jamais été aussi présente dans une adaptation de Peter Pan à l'écran, effaçant avec elle toute forme d'innocence. Neverland, à défaut d'être le film pour enfants attendu, est une intelligente métaphore sur le Paradis, ce pays de Nulle Part dont on ne revient jamais, seulement en rêve…

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