Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan - critique qui tousse pour un

Lino Cassinat | 3 avril 2023 - MAJ : 04/04/2023 22:43
Lino Cassinat | 3 avril 2023 - MAJ : 04/04/2023 22:43

Après Astérix et Obélix : l'Empire du Milieu, Pathé lance la deuxième étape de sa croisade MMXXIII à la reconquête du cinéma français. Place à l'action-aventure, place à l'opération dépoussiérage du divertissement bien de chez nous. Rallumer la flamme de la grande production industrielle, d'aucuns désespèrent que quelqu'un n'y arrive un jour. Pour porter la torche : François CivilVincent CasselRomain DurisPio MarmaïEva Green et consorts se réunissent sous l'égide de Martin Bourboulon, qui emballe tout un diptyque adapté des Trois Mousquetaires, le roman le plus célèbre et célébré d'Alexandre Dumas, dont Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan est le premier volet. Verdict ?

CAPEs, ÉPÉEs ET GROS DENIERS

Le mot d'ordre est clair : reconquête. Les appels du pied sont tout aussi limpides : l'œuvre choisie est l'un des objets littéraires les plus populaires du patrimoine littéraire français, mais également du patrimoine cinématographique global avec 37 adaptations à ce jour de toutes nationalités. Surtout, le genre invoqué ne laisse aucune place au doute. Plus qu'un film d'action capable de s'exporter facilement, Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan tente de ressusciter le genre historico-littéraire, et donc par là même, le divertissement français, balayé depuis la fin des années 90 par la comédie et quelques fameux carambolages nommés Arsène Lupin, Belphégor, le fantôme du Louvre ou encore, l'honni Vidocq.

La guêpe n'est pas folle : ayant appris du bide de L'Empereur de Paris, Pathé parie sur le film de cape et d'épée plutôt que sur le polar en costume. On pourrait en rire, trouver cela désuet. On aurait légèrement tort : par essence, le genre est plus riche en spectacle, et son dernier âge d'or n'est pas si éloigné. Citons Le BossuLe Hussard sur le toit, ou encore la légende Cyrano de Bergerac : toutes des productions les plus chères de leur temps, toutes (multi-)millionaires, toutes des réussites artistiques. En élargissant, on peut aussi inclure Robin des Bois, ou un certain Pirates des Caraïbes, dont on pense ce que l'on veut, mais dont l'impact sur la culture populaire est indéniable. Preuve qu'il y a un intérêt du public.

 

 

La gageure est donc moins inscrite dans le genre lui-même que dans son exécution, et Pathé espère le renouveler tout en le continuant. Mais par-dessus tout, en changeant de mode de production, Pathé espère donner au public ce qu'il désire (ou plutôt ce que Pathé s'imagine que le public désire). Du spectacle, des stars, oui, mais aussi un retour du premier degré, un récit sérialisé pour s'inscrire dans la durée, et un investissement technique garantissant une fabrication soignée, de bonne tenue. Rattraper le temps perdu, se tourner vers les recettes hollywoodiennes sans dissoudre son identité. Mais ce que Pathé parvint à accomplir avec Le Chant du loup, il n'arrive pas à le reproduire ici. 

Il faudra attendre le second volet pour juger l'œuvre globale, mais on peut déjà affirmer qu'un échec semble consommé : celui de l'action. S'il y'a du mérite à essayer de secouer le cocotier, sur ce point, Martin Bourboulon cède aux mauvaises sirènes de la modernité et échoue à peu près autant de fois qu'il tente : beaucoup. Par extension, il apparaît évident que de modernisation (puisque c'est apparemment de ce dont il s'agit), cette œuvre n'aura saisi et intégré que la surface du mot. Comprendre : du cliffhanger, de la scène post-générique, une photo cracra, saupoudrez de quelques totems progressistes pour plaire aux "jeunes", emballé c'est pesé. Sauf que non.

 

Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan : photo, François CivilUne des rares séquences qui emballent un peu

 

AMOUR, GLOIRE ET CHIFFONIERS

La messe est (presque) dite dès le prologue. Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan s'avance avec une séquence d'embuscade nocturne. Tout est réuni pour nous livrer un tableau viscéral, rêche : la pluie, le feu, la nuit noire, la confusion, François Civil qui éructe dans une boue ensanglantée. Martin Bouboulon a envie d'en découdre. Nous aussi. Et soudain : un plan-séquence d'action pesant avec raccords invisibles, mi-Alfonso Cuarón mi-Netflix, et surtout mi-figue mi-raisin. Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan tombe dans le panneau du dispositif le plus en voie de ringardisation, et le plus à même de plomber le rythme et la puissance dramatique d'une bonne castagne s'il est mal agencé.

La majeure partie des séquences de baston sont filmées de cette manière, et toutes tapent à côté de la cible à cause d'un défaut de chorégraphie, de pulsation rythmique, de logique d'action. De mise en scène en somme. La caméra a beau se faufiler avec précision et accomplir moult mouvements alambiqués, tout cela n'est pas suffisant en l'absence d'un travail du temps et de l'espace. Ni l'un ni l'autre ne sont découpés, et tout passe dans un flux visuel uniforme et légèrement brouillon. On est chez les fines lames, mais aucune pose, aucun geste, aucun ferraillage de nos bretteurs ne vient imprimer la rétine. Quitte à se battre comme des chiffonniers, on aurait préféré un découpage millimétré à l'ancienne.

 

Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan : photo, Louis Garrel, François CivilQui se fait encore gronder ?

 

À ce titre, il est regrettable que l'implication physique des comédiens, hormis François Civil, laisse à désirer. On ne s'essaiera pas à déduire si cela vient d'un manque d'envie du casting ou d'un manque de direction, mais force est de constater qu'à part notre acteur principal, personne ne se salit vraiment la casaque. Sans doute également soucieux de pouvoir traverser les frontières de l'Europe et de se conformer à une certaine censure, Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan s'astreint à une forme de propreté qui diminue encore son impact. Autant vous dire qu'au bout du 74e histrion embroché sans qu'aucun fluide vital ne soit versé, on a plus l'impression que ce beau monde se bat contre des mannequins en carton-pâte.

Il faudra se consoler sur l'emballage de Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan. Si la photo sombre-ocre ne manquera pas de diviser et joue parfois contre la lisibilité de certaines séquences (l'embuscade pendant le rendez-vous secret de la reine est à ce titre une aberration), il convient tout de même de saluer le travail de mise en valeur des costumes et décors. On se prend occasionnellement à se projeter à la table du pusillanime Louis XIII, ou dans la valse ivre d'une scène de bal masqué (ohé ohé). Pas de quoi créer un véritable sentiment d'intensité cependant, d'autant plus que les personnages qui habitent ce récit sont à l'aune des danseurs : des anonymes déguisés qui virevoltent et s'en vont sans laisser une trace.

 

Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan : photo, Eva GreenUn jour je rejouerai dans un bon film

 

héros, patrie et modernité

Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan passe en effet à côté de sa promesse d'aventure romanesque également à cause d'un défaut d'incarnation. C'était à craindre dans une certaine mesure, et ce volet fonce dans le plus gros piège qui l'attendait : à se précipiter sur les péripéties et le mouvement des corps, il néglige ses personnages et les mouvements du cœur. Et quelque part, plus encore que la demi-teinte générale des nombreuses cascades, l'échec principal du film est bien dans l'absence quasi totale de coloration des personnalités qui traversent le récit, incapables de déblatérer leurs répliques vides et lourdement littéraires sans avoir l'air de se péter le frein en direct.

Que Richelieu soit réduit à la plus simple expression d'un méchant de film passe encore, à la rigueur. Qu'il soit à peine compensé par Milady, dont le développement est renvoyé au second volet qui porte son nom, on veut bien le tolérer. Mais comment comprendre qu'Aramis et Porthos soient réduits à l'état de silhouettes spectatrices, de fantômes chichement caractérisés (a fortiori quand on sait combien coute Romain Duris au casting) ? Impossible de retrouver l'esprit de camaraderie du livre, tout cela qui plus est pour faire place au personnage le plus transparent des Trois Mousquetaires : D'Artagnan : D'Artagnan lui-même, dont les motivations demeurent une drôle d'énigme une fois rendu au générique de fin.

 

Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan : photo, Vincent CasselQuand t'as la chance d'échapper au massacre de personnages sous-écrits

 

Impossible de s'investir dans un personnage aussi uniforme, d'autant plus lorsqu'il faut attendre l'ultime seconde du cliffhanger final pour que celui-ci se retrouve enfin personnellement impliqué dans le récit. Sa trajectoire, complètement déconnectée du récit, se retrouve ainsi animée uniquement  un rêve : "servir mon Roi et la France", sans autre forme d'explication. C'est maigre. Mais surtout, cela résonne curieusement avec la toile de fond du récit, préoccupé par la menace de sécession d'une minorité religieuse. Sans voir le mal partout, autant dire que la pente est glissante, tant les valeurs héroïsées renvoient au mieux à rien, au pire à une forme de patriotisme ambigu et suranné.

Et on en revient encore à l'apparence de la modernité. L'héroïsme sent toujours la vieille France et la fétichisation de figure d'autorité, mais chat perché : Constance Bonacieux est incarnée par Lyna Khoudri et Porthos est bisexuel, c'est bon, on est en 2023. Un tour de passe-passe aussitôt annulé par l'ultime image du film qui laisse amer. Une calèche s'enfonce dans la nuit sombre. À son bord, une femme en détresse, enlevée par des brigands, crie à l'aide. Elle appelle notre héros amoureux au secours, évidemment en retard de quelques secondes, comme le veut le cliché. La princesse est dans un autre château, et on craint fortement que la suite ne soit bâtie sur les mêmes vieilles pierres du cinéma français.

 

Les Trois Mousquetaires Partie 1 :

Résumé

Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan, nouveau Cyrano de Bergerac ? Sire Seydoux nous donne son pardon. Il quarte du pied, escarmouche, il coupe, il feinte, mais hélas donc : la fin de l'envoi point ne touche.

Autre avis Antoine Desrues
Les Trois Mousquetaires est indéniablement efficace, mais au détriment de ses personnages, et plus généralement du charme qui définit le film de cape et d'épée. On est loin de la honte absolue d'Astérix, mais pour le grand retour du film d'époque à la française, on repassera.
Autre avis Judith Beauvallet
Si le film reste une surprise relativement bonne pour ses décors, ses costumes et son atmosphère, il déçoit tout de même beaucoup de par ses chorégraphies de combat et l'écriture de ses personnages. On en garde essentiellement le bel écrin qu'il représente pour Eva Green, qui brille toujours en femme fatale ultime.
Autre avis Geoffrey Crété
Pas grand-chose à reprocher ou retenir dans ces nouveaux Trois Mousquetaires un peu trop propres. C'est suffisamment bien emballé pour assurer le spectacle en surface, mais pas assez pour véritablement utiliser les personnages et l'univers.
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Lecteurs

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commentaires
mamar47
28/08/2023 à 16:07

Soporifique...

Milady
20/08/2023 à 11:56

@Valdo
et...le pistolet à plusieurs coups sans recharger qu'utilise Milady!!
Elle a 2 pistolets. Un dans la main gauche et un dans la main droite !

valdo
22/07/2023 à 20:01

Oui, mais des lunettes comme ça, non! Les branches sont ne sont inventées qu'au 18ème siècle!!!
Donc, il y a ça, le parapluie...et...le pistolet à plusieurs coups sans recharger qu'utilise Milady!! Genre de pistolet inventé qu'au 19ème siècle puisqu'avant il fallait recharger à chaque coup tiré et ça prenait un certain temps!!!
ça fait beaucoup comme anachronisme...et avec un peu de chance, m'étonnerait pas que l'on voie une montre se balader par ci, par là!
Tout cela montre un certain je m'en foutisme!
Bon, sinon, j'ai arrête définitivement au bout d'une heure en m'y reprenant plusieurs fois. Jamais pu rentrer dedans.

Pierre86
21/07/2023 à 22:43

Pour ceux qui imaginent que le personnage portant des lunettes est anachronique, je précise que les lunettes sont inventées au moyen-âge.

Hulwart
19/07/2023 à 07:02

Film sans panache mou et décevant on s'ennuie, personnage trop vieux pas crédible dialogue récité sans conviction a voir sans plus.

@quebecois
03/07/2023 à 10:48

"Louis XIII n'avait pas de frère" : Eh si, Gaston de France, comme dans le film. Effectivement au centre d'une conspiration (la conspiration de Chalais, du nom du comte de Chalais, aussi dans le film) visant à destituer Louis XIII.

Eleonore
29/05/2023 à 11:37

Une info:
Les épées utilisées dans ce film ne sont pas des fleurets (comme dit dans la critique) mais des rapières.
Merci.

Ledoc77
13/05/2023 à 16:20

Le parapluie bordel…
Choc king

quebecois
04/05/2023 à 14:36

Ce film m'a beaucoup déçu...plein d'incongruités...1ère scène, d'Artagnan arrive dans Paris, la nuit, pluies torrentielles et on voit des gens qui tiennent des parapluies (le parapluie comme tel n'existait pas en 1627 ou 28. Anne d'Autriche était espagnole ! Celle du film parle un excellent anglais ! Louis XIII n'avait pas de frère, pourtant, on assiste au mariage de son frère (je crois que le réalisateur a confondu avec le frère de Louis XIV, Philippe d'Orléans) donc, une "attaque" de Protestants pendant le mariage n'a sûrement jamais eu lieu...des "libertés" du réalisateur ??? Puis, ce voyage en Angleterre pour récupérer les ferrets de la Reine, wow ! Le tunnel de la Manche était déjà construit ? Puis à travers les centaines d'invités au "bal" de Buckingham, D'Artagnan a immédiatement repéré Buckingham en quelques secondes...bref, c'est un film qui aurait pu avoir été réalisé par des "non-Français"...Je suis très déçu !!!

bragelone
01/05/2023 à 20:03

decevant...
aucune direction d'acteurs..
vincent cassel est bien trop vieux pour jouer athos
romain duris est un aramis sans consistance.
mise en scène des productions en costume francaises datant des annees 1990...
seule Eva Green échappe au naufrage.
bref économisez 12euros.

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