The Wonder : critique à jeun sur Netflix

Ange Beuque | 16 novembre 2022 - MAJ : 16/11/2022 23:31
Ange Beuque | 16 novembre 2022 - MAJ : 16/11/2022 23:31

Après avoir traité de la transidentité dans l'oscarisé Une femme fantastique puis magnifié Julianne Moore dans Gloria Bell, Sebastián Lelio s'empare du roman d'Emma Donoghue, également scénariste, pour formaliser The Wonder sur Netflix. Au programme : une opposition entre science et mysticisme comme dans Le Nom de la rose ou un bon épisode de Lost. Il embarque Florence Pugh qui, peut-être nostalgique de la campagne suédoise de Midsommar, s'immerge dans les délices pastoraux irlandais aux côtés de Niamh Algar, David Wilmot, Toby Jones ou encore Ciarán Hinds.

Le nom du trèfle à trois feuilles

Quand une jeune fille de onze ans (Kíla Lord Cassidy), qui vit dans la campagne irlandaise du XIXe siècle, prétend survivre sans manger depuis quatre mois, qui est-ce qu'on appelle ? À notre gauche : une infirmière commodément nommée Mrs Wright épaulée par un journaliste (Tom Burke). À notre droite, une nonne (Josie Walker). L'enjeu de cet octogone théologique : détecter la fraude... ou entériner le miracle.

Tout au long du film, science et religion assurent la garde alternée de l'enfant et répondent parallèlement de leur perception devant un aréopage de vieux mâles blancs endimanchés. Dans leur sillage, The Wonder est traversé d'oppositions binaires : les croyances contre les preuves, la femme qui a voyagé en butte à la communauté isolée, le témoin solitaire qui doit résister à la force du groupe, le relevé des constantes vitales versus la collection Panini des saintes...

 

The Wonder : photo Josie Walker, Toby Jones, Kíla Lord Cassidy, Niamh Algar, Florence PughFlorence in Wonderland

 

Si nombre de personnages répondent à un archétype, le scénario parvient à les nuancer. Le médecin du village questionne l'inconnu scientifique, la nonne n'a rien d'une harpie malveillante et l'infirmière est à deux doigts de perdre pied devant cette énigme, allant jusqu'à s'approprier les armes et symboles adverses (baptême, résurrection, purification) pour ne pas perdre la partie.

Tout film de costume qu’il soit, The Wonder traite de problématiques éminemment contemporaines. En substituant à la religion toute forme de croyance, il recouvre parfaitement la ligne de fracture de nos sociétés confrontées aux heurts tectoniques de la post-vérité. Par sa mise en abîme inaugurale, le long-métrage élargit sa focale et étend sa réflexion aux histoires qu'on se raconte, de quelque nature que ce soit... y compris fictionnelle. Dommage que cet axe prometteur ne soit pas davantage alimenté par l'intrigue.

 

The Wonder : Photo Florence Pugh, Josie WalkerAnd after all You're my wonder, wall

 

À la merveille de réalisation

Que la trame se déroule dans la campagne irlandaise du XIXe siècle octroie plusieurs points de résonance. D'un point de vue historique, elle s'appuie sur la pratique avérée du jeûne à l'époque victorienne, appliquée par de juvéniles européennes soutenant être élues de Dieu. Le calvaire d'Anna évoque d'ailleurs largement la destinée de la bien réelle Sarah Jacob, si bien qu'on s'étonne presque de ne pas apercevoir le si commode label "inspiré d'une histoire vraie".

Les événements se déroulent également une dizaine d'années après la Grande Famine qui a ravagé l'Irlande entre 1845 et 1852, offrant un substrat idéal de traumatismes à ce besoin pathologique de croire en une transcendance, tout en conférant une portée quelque peu ironique au jeûne choisi d'Anna.

 

The Wonder : Photo Florence Pugh, Kíla Lord CassidyUn peu d'hydroxycalories et il n'y paraîtra plus

 

The Wonder s'est donné les moyens de ses ambitions par une reconstitution remarquable. Déroulée au gré de pérégrinations superbement composées, la campagne irlandaise est sublimée par la photographie d'Ari Wegner (qui avait déjà capturé Florence Pugh dans The Young Lady). Sa subtilité chromatique renvoie aux peintures de Vermeer, quand ses intérieurs évoquent les clairs-obscurs du Caravage.

 

The Wonder : photo Kíla Lord Cassidy, Tom Burke, Florence PughLa petite dénutrition dans la prairie

 

Du thaumatrope au trope traumatique

Hélas, l'équilibre que tente d'atteindre The Wonder entre thriller surnaturel et drame historique reste perfectible. En dépit de quelques trouvailles malaisantes (les bruitages en guise d'habillage sonore, les prières sinistres, les yeux peints sur la photographie...), le film ne déconcerte jamais vraiment malgré son envie de se déployer à la lisière du fantastique.

Le mystère au cœur du scénario manque un peu de combustible, l'enferrant dans une routine cyclique de surveillance de la fillette, discussion quelconque puis périple à travers les Midlands tour à tour accrocheuse, contemplative ou redondante. Dans son dernier tiers, le drame brut prend d'ailleurs le pas sur l’ambiguïté et l'enquête tendance who-fed-it.

 

The Wonder : photo Florence PughL'apprentie du docteur marche

 

Reste la prestation de Florence Pugh, toujours aussi magnétique. Certes, le scénario aurait pu la pousser bien plus loin dans ses retranchements : la scène où elle perd patience avec l'enfant est aussi agréablement crispante que brève, et sa relation avec le journaliste se révèle bien trop programmatique pour convaincre. Mais l'étoile montante d'Hollywood livre une nouvelle performance impeccable de sobriété.

Très à l'aise en costume (après The Young Lady et Les Filles du Docteur March), elle s'inscrit dans les pas du Johnny Depp de Sleepy Hollow, s'accrochant à la rationalité jusqu'à déterrer, comme d'autres la tourbe, les secrets familiaux honteux. Sa déambulation iconisée toute de bleu vêtue dans les Highlands n'est pas sans renvoyer ironiquement à la présumée Vierge Marie.

The Wonder est disponible sur Netflix depuis le 16 novembre 2022

 

The Wonder : Affiche US

Résumé

Si la promesse du menu se révèle légèrement plus alléchante que son contenu, sa digestion des histoires qu'on se raconte confère au film suffisamment de consistances pour éviter la disette. The Wonder peut surtout compter sur son authentique merveilleux miracle : Florence Pugh elle-même.

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Lecteurs

(4.4)

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commentaires
Tetragrammaton
07/12/2022 à 23:17

Je me suis endormie devant le film

AlGatt
18/11/2022 à 12:31

Film magnifique visuellement - prenez le temps d'admirer la photographie des intérieurs, les jeux d'ombres et aussi des extérieurs austères gorgés d'humidités - et à l'interprétation irréprochable, notamment celle de Florence Pugh. Alors oui, elle ne joue pas ici la petite soeur de Black Widow et il y a un peu moins d'action que dans le MCU, mais le cinéma c'est aussi (et finalement surtout) des films comme ça, qui prennent le temps de nous raconter une histoire de la meilleure des façons possibles.

Miss M
17/11/2022 à 11:33

Ennuyeux au possible. Un énième film en costume pour Florence Pugh qui devrait urgemment se défaire de ce genre de rôle insipide et niais au possible. La chute était prévisible depuis le début. Rien n'offre à être ému, bouleversé ou emporté dans cet avatar supplémentaire d'histoire d'époque sur fond de fanatisme religieux.
L'actrice est très brillante oui, mais ça ne suffit plus à justifier pareilles pertes de temps.

thick
17/11/2022 à 10:06

Je crois le mot que cherche RTT est thick comme disent les jeunes yankees. Pas mince, pas grosse. Just thick

Madolic
17/11/2022 à 09:11

Je n'oses plus lire les critiques ici, ça spoil ou pas ?

rientintinchti2
16/11/2022 à 23:23

Cé nul, pas d'action sa flinge pas. Aucun gunfight, aucune baggare dans des bars. sa cogne pas. Y a pas la baggare et pas de karaté. Cé vrémen dommage. Je mattendai a mieu
ya memme pas desplosion.
Ceci est un avis objectif

Loozap
16/11/2022 à 23:03

C'est un film qui fait frissonner

rtt
16/11/2022 à 20:41

suis-je le seul à trouver la tête de florence PUGH ÉNORME , genre pti corps grosse tête ? ça me pertube de fou

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