Raging Fire : critique Donnie Yen vs Nicholas Tse

Mathieu Victor-Pujebet | 7 juin 2022 - MAJ : 07/06/2022 16:24
Mathieu Victor-Pujebet | 7 juin 2022 - MAJ : 07/06/2022 16:24

En août 2020, le petit génie du cinéma d'action hongkongais, Benny Chan, décède d'un cancer à l'âge de 58 ans. Tombé malade durant son tournage, le cinéaste qui a collaboré avec Johnnie To, Jackie Chan et Louis Koo laisse derrière lui un ultime long-métrage, Raging Fire, actioner bourrin qui confronte un policier intègre interprété par Donnie Yen à son ancien apprenti passé du côté obscur joué par Nicholas Tse. Le film est d'ores et déjà disponible en France en VOD, DVD et Blu-ray.

Duel of the fates

Ce duel au sommet s'invite dans des décors tels qu'un centre commercial désaffecté, une banale rue passante et un dangereux quartier dans les bas-fonds de Hong Kong. Les environnements qui accueillent les bastons de Raging Fire sont plutôt génériques sur le papier, cependant, leur ampleur est décuplée par des arrière-plans sculptés par des échanges de coups de feu ou des personnages qui se castagnent méchamment.

L'action est minutieusement répartie dans les différents niveaux de profondeurs de champ, de la même façon que la caméra aérienne de Benny Chan enchaîne organiquement plusieurs échelles de cadre en un seul mouvement. Le cinéaste fou derrière Big Bullet et Who am I ? habite son espace avec précision et lui injecte constamment une richesse stimulante et spectaculaire.

 

Photo Donnie Yen, Nicholas TseLe choc des titans

 

Un travail de spatialisation qui se conjugue à un découpage qui donne corps à l'action, à coups de dilatations du temps et de cadrages minutieux. La lisibilité et le caractère spectaculaire du mouvement s'en trouvent alors décuplés, tout en conservant (quasi-)toujours un rapport palpable à la castagne. Un refus du cartoonesque qui témoigne de la capacité de Benny Chan à réellement écouter les chorégraphies et de les sublimer sans pour autant les caricaturer.

Des chorégraphies entre brutalité et fluidité qui puisent elles-mêmes dans la vélocité de Donnie Yen et Nicholas Tse. Les deux acteurs enchaînent les cascades et les affrontements en n'hésitant pas à se laisser malmener par les coups et les interactions avec le décor. Un investissement physique qui continue de donner de la matière organique à l'action de Raging Fire, et en renforcer un peu plus l'impact.

 

Photo Donnie YenQuand Yen a plus...

 

Raging boulle

Une générosité de mise en scène et d'acting qui se voit cependant heurtée à la structure très classique d'une amitié brisée qui mue en un antagonisme sanglant. Un enjeu dramatique déjà vu et un peu mécanique qui laisse trop peu de place à une intrigue renouvelée qui renforcerait l'investissement émotionnel du spectateur.

Une architecture de récit balisée et habitée par l'habituel policier héroïque futur papa, son apprenti révolté en quête de vengeance, mais aussi sa compagne qu'il s'agira de secourir et le bon copain flic vite sacrifié au cours du récit. Une galerie d'archétypes, certes pas insupportables, mais qui continue d'agencer une narration sans grande surprise qui étouffe l'identification du spectateur.

 

Photo Nicholas Tse, Donnie YenJe t'aime, moi non plus.

 

Ajoutons à ça l'intégrité du personnage de Donnie Yen qui se retrouve confrontée à sa hiérarchie ripou qui cherche par tous les moyens à l'empêcher de faire son boulot. Bureaucratie parasitée par la pègre et protocole qui réduit la marge de manoeuvre des enquêteurs, la thématique de la corruption policière, seule réelle accroche politique du long-métrage, n'est cependant abordée que par des motifs déjà-vu et systématiques.

Loin de la bouffonnerie d'un Hard Day ou de la noirceur d'un Bad Lieutenant, Raging Fire n'apporte pas grand-chose à ce thème éculé au possible, donnant la sensation d'un portrait un peu gadget des problématiques de la police hongkongaise. Pire, ces mésaventures en uniforme aboutissent à une scène dans le dernier tiers du film où les collègues de Donnie Yen se manifestent auprès de leur hiérarchie pour que le héros reparte sur le terrain affronter son fameux rival.

Le spectateur a alors droit à la fameuse scène où un groupe soutient publiquement le personnage principal pour donner de la valeur à ses actions. Le scénario de Benny Chan, Ryan Wai-Chun Ling et Yaoliang Tang choisit alors la mécanique séquence fraternelle, au détriment du portrait âpre et réaliste du corps policier hongkongais.

 

Photo Donnie YenDu Donnie Yen tout craché

 

Free Fire

Mais si ces stéréotypes alourdissent considérablement son récit, Raging Fire fait tout de même preuve d'un artisanat indiscutable. En témoigne la légendaire chaleur et bienveillance de Donnie Yen dont la prestance imprègne chaque plan du film. Pas l'ombre d'un contre-emploi surprenant pour l'interprète principal de la saga Ip Man, néanmoins, sa prestance et son charisme exalte presque automatiquement l'empathie du spectateur.

De la même façon, si le type d'antagonisme qui oppose le bonhomme à son rival Nicholas Tse a déjà été filmé un milliard de fois, l'attente créée autour de leur rencontre pendant une bonne moitié de film rend leur confrontation sanglante par la suite particulièrement réjouissante. Un duel vu et revu qui finit par passionner grâce à une iconisation bien appuyée qui donne de l'ampleur à l'ensemble.

Ajoutons à ça quelques séquences qui ne lésinent pas sur le sentimental, comme le touchant décès d'un protagoniste en première partie de film ou une fatidique scène de procès. Le récit mécanique de Raging Fire en devient étonnamment stimulant de par son sens de la dramatisation et de l'emphase. Dommage que ce jusqu'au-boutisme s'étende à des séquences de souvenirs cul-cul à coups de ralentis sur de grands sourires et d'accolades très (très) amicales. Une bromance qui en devient un peu artificielle, appuyée jusqu'à frôler le ridicule.

Raging Fire est disponible en DVD, Blu-ray et VOD depuis le 26 mai 2022

 

Affiche officielle

Résumé

Tendre bromance qui tourne à la rivalité musclée, flics ripoux et gun fights sanglants : la formule est connue, mais le sens du cadre de Benny Chan, la physicalité de Donnie Yen et Nicholas Tse, ainsi qu'un premier degré très réjouissant, font de Raging Fire un gros délire fou et généreux. 

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(3.3)

Votre note ?

commentaires
Neji
13/03/2023 à 16:08

L'ultime film de Benny C. qui nous laisse une pépite franchement, c'est tellement généreux la bande-annonce ne laisse même pas entrevoir la moitié du potentiel du film, la mise en scène des scènes d'action des courses poursuites des combats et dingue dans la narration c'est parfois too much, mais ça passe amplement.
Ça rappelle aux bonnes heures du cinéma hongkongais un petit bonheur.
Les deux acteurs ,les deux protagonistes ,charisme parfait, il colle à l'image rien à dire au top.
Bon la musique un peu gnangnan, ça pour ma part ça a toujours été de défaut du cinéma asiatique au niveau musique ça part vraiment dans le kicth ou le mauvais goût.
Du pur cinéma d'action de qualité un paquet de tâcherons du cinéma américain ou hexagonal devrait en tirer des leçons.
À visionner d'urgence pour tous les amateurs du genre

Drogos
08/06/2022 à 18:09

Il y en a marre de ces anglicismes On n'écrit pas vs, car on ne dit pas versus

Geoffrey Crété - Rédaction
08/06/2022 à 11:24

@The insider38

... et bien vous avez donc votre réponse. Le film a été vu en festival il y a des mois, et vient de sortir en DVD BR. C'est donc le créneau réel pour en parler, et s'adresser au grand public.

The insider38
08/06/2022 à 10:54

Geoffrey crête : Oui je sais , je l’ai acheté, mais je l’ai vu en salle ( étrange festival) en octobre 2021

Mokuren
08/06/2022 à 09:21

Faut que je le voie, celui-là !

Danysparta
08/06/2022 à 01:56

Excellent dernier film de Benny Chan en attendant de voir le grand Donnie Yen (58ans) dans JOHN WICK 4.

Daahma
08/06/2022 à 01:52

J'ai visionné le film il y a 2 mois déjà en streaming. Benny Chan est un de mes réalisateurs préférés il a marqué le cinéma hongkongais et il a laissé des oeuvres cultes en héritage, j'ai été triste de savoir son décès si jeune si talentueux. Mais le film m'a laissé déçu. Les scènes d'action sont bien foutues, et les images sont esthétiques mais pour le reste l'histoire c'est du vu et rerevu. Par contre attention ne regardez surtout pas en VF car le doublage est catastrophique. Regardez en Vostfr pour mieux s'imprénier du jeu des acteurs. La VF est affreuse sincèrement c'est médiocre en français.

cepheide
07/06/2022 à 22:36

Dommage que le doublage hk et VF soient si mauvais.
Quelques scènes sont zappables mais qd il y a de l action , c est tellement au dessus de tout le reste

Geoffrey Crété - Rédaction
07/06/2022 à 20:00

@The insider38

Il est sorti en DVD et BR le 26 mai, donc tout récemment.

The insider38
07/06/2022 à 19:53

Pourquoi seulement maintenant la critique, le film est visible depuis un an?

Plus
votre commentaire