Sweet Girl : critique patate douce sur Netflix

Simon Riaux | 20 août 2021 - MAJ : 20/08/2021 18:52
Simon Riaux | 20 août 2021 - MAJ : 20/08/2021 18:52

Dans Sweet Girl, Jason Momoa et Isabela Moner interprètent un père et sa fille, embarqués sur l'autoroute de la vengeance, celle qui n'a pas de péage, de limitation de vitesse ou de service d'ordre. Celle où on roule sur la finesse en klaxonnant la subtilité, quand on ne tamponne pas la diplomatie après l'avoir aspergée de kérosène. Celle où Netflix tient un restauroute éternel, qui ne ferme que quand nos yeux sont clos.

LA NUIT TOUS LES POINGS SONT GRIS

L'amateur de castagne le sait, le catalogue Netflix est une brochette de promesses mal cuites. Pour un inoffensif quoique sympathique Tyler Rake, un interminable, mais salement radical The Night Comes For Us, il se sera fadé d'interminables cauchemars filmiques, des hordes de The Old Guard, des attentats tels Le Dernier Mercenaire... D'où une relative méfiance quand se profile un récit de vengeance à l'apparence ultra-balisée, emmené par un comédien dont on sent qu'il lui suffirait de quelques déroutes au box-office pour devenir un vieux soudard de l'action mal réchauffée.

La méfiance est d'autant plus grande quand on constate que Sweet Girl est le premier long-métrage réalisé par le producteur Brian Andrew Mendoza, qui était derrière l'embarrassant Braven. Soit une série Z où officiait déjà Jason Momoa, qui y livrait au monde sa meilleure imitation de grizzly anthropophage. Il était aussi question de revanche, de justicier solitaire plus doué pour élonger les cartilages que réciter le cantique des cantiques, le tout fabriqué avec un je-m'en-foutisme patenté. Or, la timide bande-annonce du long-métrage qui nous intéresse laissait à craindre un filmage et un niveau d'exigence assez comparables.

 

Photo Jason Momoa'J'aurais dû passer le permis"

 

Le fait est que, pour ce qui est de la mise en scène (exception faite des scènes de dézingage), il ne faut pas s'attendre à Byzance. Les cadres sont plus tristes qu'une gastroentérite à Neumours, ne cherchent jamais à travailler ce qu'ils déposent à nos yeux, et s'avèrent incapables de dynamiser l'essentiel du récit, à savoir de trop longs dialogues. Un constat d'autant plus évident que l'opérateur se contente de laisser la caméra flotter mollement à coup de steady-cam parkinsonien, comme pour s'assurer que nous ne nous assoupissions pas, anesthésiés par une photographie grisâtre, qui semble avoir pris en grippe le concept de style.

 

photo, Jason Momoa, Isabela Moner"T'as cru que t'allais réviser tes tables de multiplication ?"

 

STEPHANE SIGALE

Puis vient le premier tuto à base de salade de doigts et de carpaccio de duodénum, et on découvre soudain un découpage nettement plus pertinent. Sans génie, mais avec une attention soutenue envers les notions d'impact et de gravité, la mise en scène capture quelques jolies joutes, plusieurs bris d'os appréciables, et notamment une plaisante jongle de cervicales. Il faut dire que si Momoa n'a jamais fait preuve de plus de finesse qu'une boule de bowling lâchée sur un jardin d'enfants depuis un hélicoptère, son engagement physique fait toujours plaisir à voir, tout comme l'investissement émotionnel qu'il met dans chacun de ses rôles.

 

photo, Jason MomoaSweat dad

 

Une intensité qui rend Sweet Girl mollement divertissant dans un premier temps, jusqu'à ce que l'intrigue s'autorise de plaisants à côté, grâce à un casting plus malin qu'il n'y paraît. On se souvient que la jeune Isabela Moner avait marqué par sa justesse dans Transformers 5 : The Last Knight (si si) et Sicario : La Guerre des cartels. Elle rappelle ici que, même face à une partition très convenue, elle non plus ne se repose pas sur ses acquis. Forcément, quand le film a la bonne idée de la confronter à des seconds rôles aussi bons en parfaits salopards que Justin Bartha ou Manuel Garcia-Rulfo (lui aussi passé par le Bayhem et le second Sicario) ou encore Amy Brenneman (Heat), le plaisir en est décuplé.

Puis vient ce qui achève de faire du métrage une bonne surprise : un twist épais, énorme, bourrin à en décorner une vache, mais que la mise en scène comme l'intrigue assument totalement, jusqu'à la conclusion du récit. Mieux, ce retournement va jusqu'à éclairer et faire gagner en cohérence quelques zones grises ou évènements un peu lourdauds de séquences qui l'ont précédé. Enfin, il donne du relief à une confrontation réussie à la base, entre un père ivre de rage et un assassin glacial, hésitant sur l'attitude à employer. Rien qui révolutionne le genre, mais de quoi assurer une digestion idéale à qui dégustera Sweet Girl avec la viande grillée et le houblon distillé qu'il appelle de tous ses voeux.

 

affiche officielle netflix

Résumé

À condition de supporter une mise en scène grisâtre et une photo moins belle que le visage d'un adolescent déminant un champ de gravier, voici une série B qui offre son lot de surprises et de scènes d'action divertissantes.

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Lecteurs

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commentaires
Kaiiny
24/08/2021 à 22:46

Barbant du début à la fin

Nicococo
24/08/2021 à 11:17

J'adore lire les critiques de Simon Riaux.
Que de tournures de phrases magiques MDR

Zarbiland
24/08/2021 à 08:24

Quelle purge. Je n'en reviens pas. Je m'attendais à un film sympa, c'est tiré par les cheveux, ridicule au possible. J'ai décroché au bout de 45 minutes. Faut pas déconner quand même

Jayjay
23/08/2021 à 21:08

Invraisemblable téléfilm. Cependant Momoa s'essaie au drame (un poil trop larmoyant oui) et ça lui va bien je trouve.

Kastad
23/08/2021 à 19:24

Film excellent.
Excellents acteurs, mise en scène intelligente, emotion père fille....
Bien mieux qu'un John Wick...

Kelso
22/08/2021 à 23:43

ça se regarde sans trop de lassitude, l'intérêt reste là mais bon rien d'exceptionnel, on va dire que ça fait le taf si il y à rien d'autre à voir. Les acteurs sont plutôt bons et ça fait plaisir de revoir Isabela Moner qui avait réussi à rendre correct le film Dora l'exploratrice mdr, elle à clairement un certain potentiel. Sinon aucun problème pour ma part avec la photographie, qui est plutôt au dessus de ce que propose Netflix en général. Mais pour parler de Netflix, il y a beaucoup de très bons films chez eux, malheureusement c'est ceux dont on ne parle pas beaucoup, celui-ci fait partie des moyens mais pour moi c'est pas plus mauvais qu'un John Wick ou autre incompréhensiblement surcôté.

Franken
22/08/2021 à 20:01

Sinon le film, comme dit avant, est tristement banal.

Par contre, je considère le twist tout pété, je l’avais senti venir (c’était même ma première intuition au retour du père, après la scène sur le quai, tout voulait nous le crier) avant de l’oublier, le film reprenant platement son déroulement...

Mais dès que c’est révélé, le film vire au gros n’importe quoi.
Ce saut de l’ange m’a bien fait marrer, vous avez vu la configuration des lieux ?

Franken
22/08/2021 à 19:50

@rientintinchti

Ce discours bêta et prémâché d’adolescent qui se rêve rebelle mais n’a pas les moyens de l’être peut tout à fait être tenu (à quelques exceptions notables) pour les autres plateformes SVOD, pour toutes les chaînes de télé, pour une grosse part de la production littéraire, pour l’art contemporain, etc...

Franchement, nous apprendre que Netflix veut (attention, c’est rude!!!) nous fidéliser à moindre effort et prendre notre argent, c’est d’un niveau de réflexion qui confine au mauvais sketch !

Bien vu, l’éveillé !!

nino
22/08/2021 à 11:42

Exact!
Une nuit, je m'étais endormi devant Netflix...quand je me suis réveillé, je me suis senti tout bizarre, tout pâteux!
Ils te programment mentalement durant ton sommeil, c'est terrible!
J'en ai discuté avec Florian Philippot: ça sera son prochain combat d'ailleurs, une fois qu'il en aura fini de jouer le sauveur des français épris de liberté.

rientintinchti
22/08/2021 à 11:23

@Jakemall
ce que tu dis n'est pas incompatible avec ce que je dis. J'ai moi-même reconnu qu'il y a quelques perles sur netflix.
Les quelques oeuvres de qualité disponibles sur netflix sont une necessité pour mieux faire passer leur propagande et leur programmation mentale.

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