Le Roi Lion : critique qui rugit

Christophe Foltzer | 17 avril 2022
Christophe Foltzer | 17 avril 2022

Le Roi Lion est ce soir à 21h10 sur M6.

Si Disney en énerve pas mal à force de refaire tous ses classiques en mode films live avec Le Livre de la Jungle, La Belle et la BêteAladdin, Dumbo... il faut reconnaitre que le studio sait se donner les moyens d'y parvenir, même si le résultat est rarement à la hauteur des espérances. Pourtant, avec Le Roi Lion, plus que pour aucune autre adaptation, le studio n'avait pas le droit de se louper.

L'HISTOIRE DE LA VIE

Il faut croire que le studio Disney a pris au mot la philosophie du Roi Lion, le film original de 1994 de Rob Minkoff et Roger Allers : les choses et les gens naissent, grandissent et meurent pour retourner à la terre et tout recommencer sous une autre forme. Car plus qu'avec aucun autre film de sa collection de remakes, Disney n'a donné autant l'impression de tourner en rond, de tenter de se réinventer et de perpétuer sa légende.

La perspective de retrouver Jon Favreau après Le Livre de la Jungle avait ceci d'intéressant que, si l'homme n'est pas un grand réalisateur, il ne baisse jamais les bras face à un défi jugé impossible. Et avec ce nouveau Roi Lion, le pari est de taille puisqu'il ne s'agit ni plus ni moins, que de refaire le même film en passant du dessin animé à l'image de synthèse photo-réaliste.

Une gageure qui comporte un gros risque et qui amène du très bon, comme du très mauvais d'ailleurs, ce qui confère au film terminé un statut de gros point d'interrogation quant à son existence même.

 

photoTout ce que touche la lumière est leur royaume

 

Si nous n'avons rien, au fond, contre la démarche de réactualiser des "vieux" classiques pour s'ouvrir à un nouveau public (plus jeune et ayant bâti son goût du spectacle avec les progrès technologiques de ces 20 dernières années) encore faut-il qu'elle s'accompagne d'une plus-value conséquente pour justifier son existence, hormis la manne financière que le film va représenter pour le studio (car, quoi qu'il arrive, il fonctionnera en salles).

Or, le premier problème, et il est de taille, c'est que ce nouveau Roi Lion n'apporte rien par rapport à son prédécesseur. Pire, il lui enlève même un certain nombre de qualités. Ce n'est un secret pour personne que tous ces remakes à la chaine ajoutent environ une vingtaine de minutes supplémentaires par rapport à leurs modèles. Généralement, c'est pour y insérer de nouvelles chansons, voire, soyons fous, exprimer un quelconque petit point de vue auteurisant de la part de son artisan.

Dans le cas du Roi Lion, et c'est particulièrement problématique, cet ajout ne fait que baisser en qualité un récit pourtant particulièrement équilibré entre comédie, comédie musicale, tragédie et voyage initiatique.

 

photoCopie non conforme

 

C'est bien simple, tous ces petits ajouts épars ici et là alourdissent considérablement le propos, le surlignent inutilement quand ils ne le trahissent pas tout simplement.

Du strict point de vue narratif, on en arrive à une certaine incompréhension face à des choix dramaturgiques douteux qui expédient les enjeux capitaux du récit (traités tout en enchainements expéditifs qui leur enlèvent ainsi tout leur impact) pour se concentrer sur de nouveaux instants de comédie ou quelques (superbes) tableaux contemplatifs qui retombent à plat aussi sec parce qu'ils n'ont rien à faire là.

 

photoIl est mignon, même s'il a le regard mort

 

HAKUNA MATATA

Ainsi, les scènes clés se voient expurgées de leur puissance et de leur sens, qu'il s'agisse de la mort du père, de la prise de pouvoir de Scar, de l'éveil de Simba ou encore tout ce qui touche à Rafiki, le grand sacrifié du film, dont la scène emblématique (celle où il comprend que Simba est encore vivant) est entravée par une installation à rallonge bien trop signifiante pour être vraiment subtile et organique, alors qu'elle est capitale.

On se retrouve alors avec un récit artificiel qui semble prisonnier des figures imposées qu'il doit respecter et décide de les traiter par-dessus la jambe en dépit du bon sens (Can you feel the love tonight, moment capital dans sa mise en scène dans l'original, par exemple, arrive ici de façon abrupte et se déroule en plein jour, ce genre de choses). Oui, Le Roi Lion de Jon Favreau parvient à cet exploit de rater totalement les scènes qu'il devait à tout prix réussir. Et c'est triste. Et énervant.

 

photoUne pensée pour Rafiki

 

Vous nous direz qu'à la limite ce n'est pas si grave, puisque le gros enjeu du film se situait sur le plan technique. Et il faut bien reconnaitre que, de ce strict point de vue, Le Roi Lion nous en met plein la vue et fait preuve d'une beauté absolument saisissante. Nous n'avons, de mémoire, jamais vu un film en images de synthèse aussi abouti et réaliste, qu'il s'agisse dans ses textures (tous les poils des bêtes semblent bouger de façon indépendante), son design (on a réellement l'impression de voir de vrais lions) tout comme dans ses décors (réalistes à s'y méprendre).

Non, décidément, l'équipe d'effets digitaux à l'oeuvre est probablement la meilleure du monde actuellement et le tour de force est phénoménal. Pourtant, il comporte un gros point noir qui handicape sévèrement le film. Toute la grandiloquence et la folie douce du Roi Lion original se retrouvent ainsi enlevées parce que, justement, les personnages sont photoréalistes. Et un lion ne peut pas exprimer autant qu'un avatar dessiné et animé à la main.

 

photoTimon et Pumba, les vraies réussites du film

 

Le gros problème que cela pose en devient alors évident : on se retrouve avec un Simba jeune au regard vide de toute expression, d'un Zazu qui ne regarde jamais personne dans les yeux, de mouvements fluides, certes, mais qui restent accrochés à une certaine normalité.

Et ce, alors même que Le Roi Lion, dans sa direction artistique, exagérait les regards et les expressions des personnages, se permettait quelques envolées bizarroïdes (Je voudrais déjà être Roi, par exemple), pour souligner l'intensité des émotions en jeu. Ici, rien de tout ça, tout reste plat, sur la terre ferme et perd donc forcément en intensité.

 

photoUn Scar toujours aussi machiavélique par contre

 

UNE NOUVELLE ÈRE ?

Pour compenser cet écueil, les comédiens donnent l'impression d'être en constant surjeu, ce qui crée un décalage particulièrement perturbant puisque nous avons une voix très impliquée et forcée, plaquée sur un personnage la plupart du temps monoexpressif. Ce qui est principalement le cas pour Simba jeune.

Bien sûr, cela n'enlève rien au tour de force technique opéré par le film, mais il montre clairement les limites de la démarche et en appelle peut-être à une remise en question de la course au "toujours plus" dans laquelle s'est engagée Disney depuis quelques années.

 

photo le roi lionMouais.... ça ne vaut pas le dessin animé hein

 

Si tous les comédiens impliqués (Donald Glover, Beyoncé Knowles, Seth Rogen ou encore Chiwetel Ejiofor) sont très convaincants dans leurs rôles respectifs, qu'ils modifient des chansons bien connues pour tenter de se les approprier, ils n'arrivent cependant pas à effacer le passé, en dépit de leurs efforts. Et si, au final, Le Roi Lion émeut toujours autant à certains passages, ce n'est pas parce qu'il les traite comme il faut, mais parce qu'il en appelle à une certaine nostalgie et que l'on pense immédiatement aux scènes du film original.

On se retrouve donc avec un objet très bizarre, inutile dans sa raison d'être mais très impressionnant dans sa dimension technique, qui rajoute et pourrit l'histoire originale pour la faire perdre en puissance. Et pourtant, quand on s'émeut d'une scène, c'est toujours parce que le souvenir du "vrai" Roi Lion revient en tête, mais jamais grâce à ce tour de passe-passe sans audace et paresseux que vient de nous infliger Jon Favreau pendant presque 2 heures.

 

Affiche

Résumé

Sur la forme, ce Roi Lion nouvelle génération est très impressionnant mais, dans le fond, il se révèle particulièrement vain, creux et inutile. Pire encore, il gâche cette très belle histoire qui n'avait clairement pas besoin de ça. En ce qui nous concerne, ce modèle vient vraiment de montrer ses limites. Et si on met 2 et pas moins, c'est juste pour saluer l'exploit technique, réellement bluffant.

Autre avis Geoffrey Crété
Tout indique que ce Roi Lion remixé s'adresse exclusivement aux grands fans du dessin animé et leur nostalgie insatiable. Seuls eux pourront être cléments face à cette longue démonstration technologique un peu vaine et très peu inspirée.
Autre avis Mathieu Jaborska
Ultime rejeton de la secte de la refonte numérique, Le Roi Lion aura surtout prouvé que toute la surenchère technique du monde ne transforme pas un placement financier en oeuvre d'art, surtout quand celui-ci parvient à annihiler purement et simplement l'attrait du film d'origine, qui était en plus déjà une contrefaçon.
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Lecteurs

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commentaires
Rico
18/04/2022 à 17:56

Vu hier, c’est abominable

Morcar
18/04/2022 à 12:25

J'avais accompagné des copains à ciné à l'époque, et était sorti franchement pas convaincu, à part techniquement. Les enfants ont voulu le voir hier soir, donc je l'ai revu, et depuis je trouve même que la technique impressionne moins. Il est évident que cette nouvelle version vieillira beaucoup moins bien que l'original. Comme en prime l'histoire, les personnages, etc... sont tous moins bons dans la nouvelle version, d'ici peu il ne restera plus rien pour sauver ce film.

Nyl
18/04/2022 à 10:49

Alors, j'ai fait l'effort de le voir hier. Étant un fan de l'original, j'ai du prendre sur moi.

Bien qu'il y a de bonnes choses , cela reste mauvais à mes yeux.

Les bonnes choses:
-Tout d'abord, mettre en valeur Sarabi. Je trouve que c'est une bonne chose car elle est cruellement absente dans le film et le remake de 2019 a eu une bonne idée la dessus. Et en faire l'amour impossible de Scar est plutôt une bonne idée et moins glauque qu'avec Nala.
-Developper Shenzi en la faisant comporter plus comme une reine des hyènes qu´une parmis tant d´autres. Et cette sorte de rivalité avec Nala
-Développer Zazu, en lui donnant un côté protecteur qui était absent dans celui de 1994 (je pense à la scène au cimetière des éléphants et la fuite de Nala)

Maintenant, les défauts ;
-Les.graphismes. Quand la technique handicape le film, désolé, ça ne passe pas. Toute la magie est gâchée et j'ai bien du mal à m´y mettre. J'ai plus l'impression de voir un documentaire qu'un film .
-Les chansons . Un seul mot . CATASTROPHE. J'ai plus l'impression d'entendre les acteurs lire leurs textes que les entendre chanter. D'un côté, vu l'expression des personnages, je peux comprendre leurs difficultés. Toutes les chansons du film sont ratés, sans exception.
-Simba. Oui, Simba. Je ne l'aime absolument pas dans ce film. Je le trouve profondément agaçant quand il est petit et grand. Comparé à celui de 1994 que je trouve plus attachant .
-L'humour. Oh mon dieu....Il y en a tout simplement trop et cela allonge des scènes inutilement
-Les scènes allongées inutilement,
comme la chasse de Pumba par Nala. Je ne vois pas l'utilité, ainsi que plein d'autres scènes.

Résultat, cela ne vaut pas plus de 2 étoiles pour moi. Il y a de bonnes idées sur certains points , mais le graphisme photo réalisme, l'humour, les chansons ratées et l'écriture du personnage de Simba m´ont fait sortir du film plusieurs fois.
Et bien que je comprends que chacun ait ses goûts, je ne comprends pas comment un fan du film de 1994 puisse apprécier celui là, au vu de tous ses défauts.

BlackHeart666
18/04/2022 à 10:13

Globalement d'accord avec Doubs17. Et j'ai dû voir l'original une bonne centaine de fois.

La magie du cinéma c'est aussi ça : des désaccords, encore et toujours.

Ethan
18/04/2022 à 09:38

@John Spartan
Je te comprends moi c'est pareil

Je suis plus sensible aux dessins ou à de vrais animaux

John Spartan
18/04/2022 à 07:36

J'avais tellement adoré l'original que je me refuse à voir celui là.
Et de toute façon les critiques me donnent probablement raison.

Abibak
17/04/2022 à 21:39

On a l'impression de voir un documentaire avec la musique du roi lion, c'est beau mais le film a perdu toute sa magie

Carine
10/05/2020 à 08:55

Pour ma part le film il est complètement raté. Et cette critique j'y adhère totalement. Cette bd je la regarde sans m'en lasser ils ont bousillé sont originalité et sa particularité dans ce film. Je préfère mille fois la bd que j'ai toujours.

Maxx
07/04/2020 à 23:23

@Flo

Petite correction : pour le dessin animé, des membres de l'équipe d'animation se sont déplacés au Kenya, plus précisément au parc national de Hell's Gate. ;]

Flo
01/02/2020 à 10:24

On peut prendre ce film pour une Remasterisation, puisque reprenant à l’identique la structure de l’autre film, avec des moyens plus modernes. Sa structure narrative fonctionnant toujours parfaitement, et donc ne changeant presque pas.
Mais, Point important… en enlevant tout ce qui faisait très 90’s. Et qui peut paraître bien démodé aujourd’hui: des personnages cartoonesques, surexpressifs au point d’être plus une suite de "Aladdin" à divers moments (plein de références méta, des regards caméra, un Scar aussi théâtral et maniéré que Jafar, etc)…
Et surtout, une Afrique orangée de carte postale (aucun animateur n’est allé là bas), les chansons d’Elton John, la musique de Hans Zimmer… tout ça fait très « clip des 90’s ».

Alors que dans la version actuelle, l’Hyperréalisme de l’animation (car ça reste un film d’animation) change un peu le sens de l’histoire en la rendant plus directe, plus « brute ». Et où la seule fantaisie du film, c’est que ces animaux parlent et chantent – le film aurait été encore plus « ultime » s’il avait été entièrement muet, juste avec des grognements, presque à la « Disney Nature »…
Ainsi lorsque les personnages se battent, meurent, ou que Scar dit froidement aux Hyènes à propos de Simba « tuez-le »… le fait que le film ait l’air si réel le rend plus terre-à-terre, bien moins gentillet.
Et y imprime aussi, avec ce réalisme, un conscience plus Écologique. Pas seulement dans les scènes où Scar se voit reprocher d’avoir épuisé les ressources de la terre des animaux… mais aussi parce que comme le film n’a pas été tourné sur place, aucune flore et faune africaine réelle n’a donc été souillée, même d’un iota.

– bien sûr, on peut prendre aussi cette méthode d’une manière plus inquiétante. À savoir qu’à l’avenir, la seule manière de voir de beaux paysages sauvages et préservés serait uniquement en les recréant en CGI. Glaçant –

Il n’empêche que par sa technicité impressionnante, surtout en sortant à la suite d’un "Spider-Man FFH" interrogeant aussi les frontières entre les informations réelles et celles artificiellement fabriquées…
Et bien ce "Roi Lion" vaut un peu plus que son statut de spectacle de divertissement calibré pour Tout le Monde – et pour ceux qui n’ont pas vécu la sortie de l’originel… ou du Roi Léo de Tezuka. ????

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