Sorry to Bother You : start up critique
C'est le premier film de Boots Riley, et c'est l'une des premières claques de 2019. C'est un de ces films difficiles à décrire tellement il crée son propre univers, ses propres règles, sur son propre tempo. Un petit ouragan pop et choc avec Lakeith Stanfield, Tessa Thompson, Jermaine Fowler, Steven Yeun, Danny Glover et Armie Hammer, à ne pas manquer le 30 janvier.
FOIRE PLEIN LES FOUILLES
C'est l'histoire d'un type fauché, qui cherche si désespérément un travail qu'il intègre un centre de telemarketing avec un sourire insensé. C'est l'histoire d'une révolte, qui pousse les employés de cet endroit à manifester contre la direction de RegalView. C'est enfin celle de WorryFree, une étrange compagnie qui propose un emploi et un logement à vie, quitte à réduire en esclavage les plus démunis.
Sorry to Bother You, c'est tout ça, et bien plus encore. C'est le premier film comico-déluré de Boots Riley, connu comme rappeur, et qui passe derrière la caméra avec notamment Forest Whitaker comme producteur. Ça ne ressemble à rien de connu, sauf peut-être à un mélange hautement instable et réjouissant entre Spike Lee, Charlie Kaufman et Gregg Araki.
Impossible d'en dire plus sur ce WTFilm drôle, corrosif, absurde et spectaculaire, qui relève autant du brulôt politique que de la fable d'anticipation, avec un casting sensationnel mené par Lakeith Stanfield, Tessa Thompson, Steven Yeun, Jermaine Fowler, Danny Glover et Armie Hammer.
Lakeith Stanfield, vu dans Atlanta
START UP NATION
La critique au lance-flamme du système capitaliste est si assumée et étalée à l'écran qu'elle se passe presque de commentaire. Si Stéphane Brizé était croisé avec Terry Gilliam, ce serait pour s'appeler Boots Riley, tant le cinéaste allie un discours acerbe et extrême sur la société et les puissants, et un goût immodéré pour le grotesque et le délire.
Des costumes (les boucles d'oreille de Tessa Thompson, vouées à devenir cultes) aux décors, en passant par la direction d'acteur (Armie Hammer, qui prouve qu'il est un acteur au potentiel comique encore trop inexploité) et quantité de détails (la crise de la photocopieuse en arrière-plan, l'hommage-tacle à Michel Gondry), Sorry to Bother You déborde d'une énergie souvent dévastatrice, qui occupe les plans, arrière-plans et personnages.
Par sa franchise presque candide, il rappelle Assassination Nation, sorti dans une trop grande discrétion fin 2018. Le coup de massue n'est pas là pour faire dans la nuance, mais pour mettre l'adversaire à terre, à tout prix. Et comme Boots Riley a lui aussi l'intelligence de tirer son récit vers la fable sardonique, il élève son film vers un divertissement azimuté et explosif, qui résonne longtemps dans l'imaginaire.
Une rencontre qui finira de manière absolument improbable
OGRE SAM
Sorry to Bother You souffre néanmoins du mal classique des (premiers) films, auxquels il manque une véritable rigueur d'écriture, dans le timing comique et le rythme. Des personnages et intrigues secondaires semblent délaissés, trop présents ou trop peu creusés pour justifier pleinement certaines scènes, notamment du côté de Steven Yeun et Danny Glover.
Probablement parce que l'univers du film est féroce, il menace d'engloutir les personnages, et les empêche de véritablement prendre vie. Lakeith Stanfield et Tessa Thompson sont des bombes atomiques de charisme, mais Cash et Detroit restent au final trop vaguement définis pour réellement attirer l'empathie. Dans le cirque Sorry to Bother You, les protagonistes sont plus des pantins au service d'un propos, que de véritables humains.
Deal with it
C'est certes la limite du premier film de Boots Riley, mais en rien un problème de taille tant le résultat ne manque pas d'arguments et d'inventivité. Au bout de l'épopée, le spectateur aura la sensation de ressortir sonné d'un puits vertigineux et insolite, version post-moderne de celui d'Alice avec ses monstres, ses esprits dérangés et ce goût de douce folie qui tord la réalité. Toujours avec humour et clarté, mais jamais sur un ton moralisateur et solennel, le réalisateur mène la farce délurée et délirée avec brio.
Et au-delà du discours type bombe atomique artisanale lâchée avec en fond un rire de grand môme punk, il y a la démonstration à l'écran d'un cinéaste à suivre. En parfaite maîtrise de sa caméra, capable d'assembler des scènes excellentes et diriger des acteurs pour en tirer des numéros fous, il prouve qu'il est un des talents sur lesquels compter ces prochaines années.
Lecteurs
(4.3)05/02/2019 à 16:53
En total accord avec la critique. Un très bon 1er film qui fait vraiment penser à un Terry Gilliam sous acides (déjà qu'un Terry Gilliam "regular" ça peut arracher vite). Dommage que le rythme soit super bancal et que le film parte un peu trop dans tous les sens mais quel courage de sortir ça dans l'Amérique actuel!
SPOILER : à noter (qu'est ce que j'étais surpris et en même temps content) de voir les présences au générique de fin des incroyables Alec Gillis et Tom Woodruff Jr. pour leurs hallucinants make up! De vrais artistes ces mecs.
30/01/2019 à 16:17
Assez d'accord avec Saiyuk pour Armie Hammer. Peu importe ce qu'il fait, il est toujours bon, en tout cas dans les films que j'ai vu. Par contre, il n'a pas encore eu le rôle qui lui permette de crever l'écran. C'est dommage car je pense qu'il a les épaules pour vraiment accéder au rang de star.
25/01/2019 à 14:45
j aime bien Lakeith Stanfield avec sa tête de fonsdé il m'a fait bien rire dans Atlanta ^^ --> prochain film à voir!
25/01/2019 à 06:19
LE film qui m'a le plus marqué ces derniers mois, je suis en train d'en faire la traduction justement. L'équivalent au niveau grosse claque cinématographique ? Peut-être dans la peau de John Malkovitch ...
24/01/2019 à 20:08
LA REDAC...
Oui oui j avait bien compris ce n était point un reproche mais une constatation générale aussi bien côté critique que publique...
24/01/2019 à 18:01
@Saiyuk
Call Me By Your Name a récemment été l'occasion parfaite pour le voir dans un beau et grand rôle dramatique par exemple. Alberto Giacometti, The Final Portrait, également.
Comme Sorry to Bother You est dans un registre plus comique, on insiste donc simplement sur cette facette de son talent.
24/01/2019 à 17:35
"Armie Hammer, qui prouve qu'il est un acteur au potentiel comique encore trop inexploité..."
Moi je trouve surtout que c'est le potentiel total de l'acteur qui en plus d’être inexploité ce trouve être peu reconnu. Je n'ai vu que Social Network, Lone Ranger, et Agents trés speciaux, mais dans aucun des films il n'a a avoir honte de sa prestation, et dans Social il peut même en etre assez fier...espére pour lui que sa carriére sera encore plus fourni.
24/01/2019 à 15:44
En favori pour la sortie dvd. Ça a l'air totalement barré. Je prends.