MARÉE HAUTE
Toi qui pénètre dans le monde d’Aquaman, prépare-toi. Car ici, tout est grandiloquent et gargantuesque. Il y a des océans sans fin et des déserts immenses, des villages sur Terre et des royaumes sous la mer, des soldats en armure et des hippocampes guerriers, des dinosaures oubliés et des monstres titanesques. Des raz-de-marée et des portails magiques, des princesses aux pouvoirs spéciaux et des princes énervés. Des animaux mignons et des bestioles sorties des cauchemars.
Aquaman, c’est une épopée hallucinée, qui déborde tous les côtés, pour le meilleur comme pour le pire. Ça ne ressemble à rien d’autre dans l’univers étendu DC, lancé par Man of Steel en 2013, et à presque rien au rayon blockbuster. Artisan très respecté, lancé avec Saw et qui a gagné en ampleur et maîtrise au fil des films, James Wan opère sur DC comme sur la saga Fast & Furious lorsqu’il a signé le septième épisode : il injecte une dose de folie débridée et baroque, hautement instable mais potentiellement exaltante.
Le résultat avec Aquaman est à double tranchant. Le film invoque Star Wars, Avatar, Abyss, Indiana Jones, Le Seigneur des Anneaux et Jules Verne, rappelle la folle démesure d’un Jupiter : le destin de l’univers, et se place plus que la plupart des films de super-héros dans la lignée de l’imagerie des comics. Quitte à ressembler à un jeu vidéo. Aquaman, c’est donc un tourbillon multicolore, curieux et exténuant, capable aussi bien d’exaspérer qu’émerveiller.
Jason Momoa en Aquaman, la troisième est la bonne ?
LA PISTE AUX ÉTOILES DE MER
En près de 2h20, Aquaman va très loin. Trop pour une partie du public, c’est certain. L’aventure d’Arthur et Mera se déroule sur Terre et sous les mers, les mène d’un temple caché dans le Sahara à un royaume cauchemardesque dans la fosse des Mariannes, et les confronte à quantité d’ennemis plus ou moins ridicules, jusqu’à un climax sous forme de gigantesque bataille entre Pacific Rim et Sauvez Willy.
Comme s’il s’était dit qu’il n’aurait probablement plus jamais cette occasion, avec un tel budget et un tel super-héros, James Wan pousse tous les curseurs au maximum. Quitte à saturer les yeux et les neurones avec une telle explosion de couleurs, de lumières, de mouvements et d’univers, qui se superposent et s’accumulent au point de ne jamais vraiment avoir le temps d’exister et respirer.
Mais l’ambition est aussi claire que folle, et à l’écran, c’est hallucinatoire tant James Wan va loin. Les fonds verts et incrustations sont devenus un problème majeur pour bien des blockbusters, qui tentent de les masquer au mieux malgré une production industrielle ? Wan intègre d’office cette donnée, et lisse tout le film autour des effets parfois approximatifs. De quoi les noyer dans une mélasse assumée, plus harmonieuse dans l’extrême.
Le film parle d’un super-héros capable de parler sous l’eau et communiquer avec les animaux sous-marins ? Il le montrera sauter au milieu de dauphins, utiliser la gueule d’une baleine comme refuge, ou mener un armada de requins et raies.
Un film avec de biens sales bêtes
Les héros visitent le peuple des Trench, connus pour être sauvages et sans pitié ? Ils plongeront dans un enfer aquatique terrifiant, qui lorgne clairement vers le film d’horreur. Avant de découvrir une partie du monde complètement folle, qui repousse encore les limites de l’univers du film.
Des costumes aux coiffures, des vaisseaux aux armures, Aquaman ressemble à un film kamikaze, qui se contrefiche du bon goût et n’a peur de rien. C’est certes un pari risqué, qui risque clairement de repousser beaucoup de spectateurs, mais dans le paysage actuel, c’est comme une bulle d’air. Car ici, il n’y a pas de bureaux du gouvernement, de rues de métropole américaine, de parking sombre ou de planète générés par ordinateur. Il y a bien plus, et probablement bien pire. Mais c’est beaucoup plus drôle.
Mention spéciale à la robe tentacules-méduses de Mera
ENTRE DEUX EAUX
Ce trop-plein aux airs de pot pourri va régulièrement trop loin, ou manque sa cible. L’impression d’assister à un enchaînement mécanique de scènes utilitaires, où une discussion formatée est interrompue par une explosion, est vite ridicule. Tout semble traité en accéléré et dès qu’il s’agit des personnages, le film avance par à-coups, incapable de les laisser respirer.
La relation entre Arthur et Mera, soi-disant inspirée par À la poursuite du diamant vert de Robert Zemeckis, est particulièrement ratée. L’écriture est pataude, d’une paresse souvent spectaculaire, avec des dialogues qui ne sont pétillants et charmants que dans l’esprit dérangé de producteurs et scénaristes à la cinéphilie atrophiée.
Patrick Wilson s’en sort miraculeusement bien, malgré l’écriture
Probablement talentueux dans d’autres circonstances, Jason Momoa et Amber Heard ne réhaussent jamais les scènes, et oscillent entre une légèreté appuyée et un premier degré hilarant lorsqu’une phrase parfaitement débile est prononcée dans un mouvement de cheveux et de hanche savoureux.
L’humour est d’ailleurs l’un des gros ratés du film, tant Aquaman n’est jamais drôle. L’intention est là, mais trimballer ce métalleux mouillé, tatoué et musclé à droite à gauche, en lui donnant des répliques sorties d’une autre décennie (« Permission to come aboard »), ne suffit pas. Ce n’est certainement pas pour rien si Arthur et Mera sont à peu près les seuls porteurs de cette légèreté, tandis que tous les autres semblent jouer dans du Shakespeare : la drôlerie n’a rien à faire ici, et James Wan n’a pas l’air d’y croire.
ÉBULLITION
Sans surprise, le film joue sur plusieurs tableaux, avec des grands écarts parfois aberrants. La musique de Rupert Gregson-Williams offre quelques beaux moments (dont une entrée dans Atlantis aux accents de Tron), le compositeur Joseph Bishara (Annabelle, Conjuring et Insidious) apporte sa touche horrifique à la superbe scène des Trench (qui confirme la forte influence de Geoff Johns), mais ailleurs, l’utilisation d’un remix de Depeche Mode ou de Pitbull relève de l’infamie.
L’histoire est en pilotage automatique avec des dialogues surexplicatifs digne d’un jeu vidéo, et tout ou presque aurait mérité plus de temps à l’écran (au hasard, les dinosaures). Black Manta, lui, pourrait même être retiré du film sans réellement endommager l’intrigue. La caméra de James Wan est heureusement virevoltante, et cadre l’action avec un découpage clair et précis – choses devenues trop rares dans la galaxie des super-héros. Il offre ainsi une poignée de scènes très ludiques, avec parfois une brutalité bienvenue, et où il rappelle son appétit pour les mouvements amples et aériens.
Bien des moments laissent le terrible choix au spectateur de rire ou d’embrasser ce blockbuster outrancier. Mais James Wan assume tellement cette folie que l’aventure est souvent charmante, avec ses pieuvres percutionnistes, ses lacs sous-marins de lave ou ses délires Lovecraftiens. Quand il filme le baiser des deux héros, c’est littéralement sur fond de gigantesque feu d’artifice, dans un travelling à la Brian De Palma qui semble gentiment se moquer du cahier des charges hollywoodiens.
Le signe que derrière cette superproduction, il y a bien un réalisateur. Pas en pleine possession de ses moyens, vu les enjeux de studio, mais bien plus présent que dans quantité de films du genre.
« jusqu’à un climax sous forme de gigantesque bataille entre Pacific Rim et Sauvez Willy. »
Merci pour le fou rire de cette comparaison improbable 😀
Apres tant d’années de lobotomisation par le MCU beaucoup ne vont pas etre prêts à tant de grandeurs !
Vu comme vous en parlez, je suis foutrement hypé et j’ai bien envie d’aller voir cet OVNI.
Si en plus, ça ressemble à Jupiter Ascending meet Avatar, c’est tout bon pour moi 😀
Roh vous etes jamais content on dirait ! Il a l’air qd meme vachement cool ce film ! L’histoire change de ce qui ce fait habillement en plus. Je suis deja decu avant d’aller le voir mnt.. je vais arreter de lire vos critiques car j’ai l’impression de ne plus aimer le cinema !
Ça donne bien envie, je vais essayer d’y aller samedi !