Ocean’s Eight : critique zéro pointé

Geoffrey Crété | 5 février 2023 - MAJ : 06/02/2023 10:29
Geoffrey Crété | 5 février 2023 - MAJ : 06/02/2023 10:29

Il y a eu Ocean's ElevenOcean's Twelve et Ocean's Thirteen, tous réalisés par Steven Soderbergh, avec George Clooney, Brad Pitt, Matt Damon et d'autres acteurs de premiers plans. Plus de dix ans après la fin de la trilogie, il y a désormais Ocean’s Eight avec Sandra BullockCate BlanchettAnne HathawaySarah PaulsonHelena Bonham CarterMindy Kaling ou encore Rihanna. Un film dérivé, qui aurait mieux fait d'être laissé à la dérive plutôt qu'en salles.

OCEAN'S ZERO

Ocean's Eleven avait brillé pour deux raisons. La première était la présence d'une armée de stars (George Clooney, Brad Pitt, Matt Damon, Julia Roberts). La deuxième, plus importante, était Steven Soderbergh, qui avait transformé ce pur film de studio opportuniste en exercice de style ultra-léché et mû par l'amour du cinéma, seule force capable de réhausser un scénario de film de casse classique.

 

photo, Helena Bonham Carter, Sandra Bullock, Cate BlanchettOn est là pour quoi déjà ?

 

Le réalisateur de Traffic avait poussé l'exercice plus loin encore dans Ocean's Twelvedéconstruction vergineuse qui exposait clairement son regard désabusé et moqueur sur le job. Plus dans les clous, et donc bien moins remarquable, Ocean's Thirteen avait enterré tout ce beau monde. Du moins jusqu'à ce que le studio décide de raviver ce qu'il considère être une marque, avec une toute nouvelle équipe et une note d'intention aussi famélique qu'opportuniste : rassembler un casting d'actrices, coller Ocean's dans le titre avec un prétexte parfaitement inutile (la sœur de Danny Ocean est de la partie), et recommencer.

Exit Clooney, Pitt et Damon, bienvenue à Sandra Bullock, Cate Blanchett, Anne Hathaway, Sarah Paulson, Helena Bonham Carter, Mindy Kaling, Awkwafina et Rihanna. Inutile de chercher le contexte, la raison, la passion : il y aura un casse (de bijoux, puisqu'on parle de femmes), du glamour (bis), de l'humour (en théorie), du petit twist (en théorie). Et surtout, de la désolation face à un machin absolument dénué d'intérêt, platement exécuté, et d'une vacuité spectaculaire à tous les niveaux.

 

CastingL'entrain du film en une image

 

COPIE CARBONNE 

Dès la première scène, Ocean’s Eight sent le renfermé. Debbie Ocean (Sandra Bullock), face caméra, subit un petit interrogatoire en vue de sa libération de prison, avant de sortir respirer l'air pur. Exactement comme le début d'Ocean's Eleven. Sauf que Gary Ross, réalisateur du premier (et plus fade) Hunger Games, n'est pas Steven Soderbergh : l'intro n'a aucune patte, aucun style, aucune énergie. Comme le film.

Steven Soderbergh imprimait le cool à tous les niveaux, des dialogues ironiques à la musique charmante, en passant par une photographie soignée qui donnait une identité aux décors. Ici, ça parle trop, dans des décors trop impersonnels, et ça marche trop vite, comme dans un défilé de mode sur le béton, nettoyé pour accueillir les stars et leur donner un fond prêt à accueillir un shooting.

 

photo, Mindy Kaling, Helena Bonham CarterOn s'amuse bien

 

Maquillages, coiffures, vêtements, lumière, montage : il n'y a aucun style dans les premiers instants de ce spin-off, si ce n'est celui d'une entreprise chic et toc à laquelle personne ne semble croire, devant et derrière la caméra. Difficile de comprendre ce qui a pu motiver une actrice comme Cate Blanchett à accepter un rôle si oubliable, qui n'a à peu près rien à faire pendant le film hormis prendre le relais de Brad Pitt (il mangeait tout le temps quand elle mâche du chewing gum, et elle confronte Debbie à ses mensonges).

Ocean’s Eight ne prend d'ailleurs même pas la peine de s'amuser avec cette galerie de personnages, et se contente d'aligner les clichés avec des présentations aussi sommaires que leur psychologie (une bijoutière indienne avec une maman chiante, une star de cinéma pimbêche, une Asiatique pickpocket, une hackeuse avec des dreads, une créatrice de mode loufoque évidemment incarnée par Helena Bonham Carter).

 

photo, Cate Blanchett, Sandra Bullock Hey Cate, ça te dirait un joli chèque et la frange de Pollux ?

 

SHIT RIGHT LIKE A DIAMOND

Non seulement le film ne cache même pas le copier-coller du premier opus (au lieu de l'amour d'une femme à récupérer pendant le plan, il y a une vengeance contre un méchant homme), mais il se pavane en plus dans le Met Gala, grande messe de la mode blindée de stars qui fait ici office de miroir parfait de la connerie de l'entreprise.

Si encore l'évidente mise en abyme (des stars jouant des voleuses qui évoluent parmi des stars) avait été traitée, dans l'esprit de la rencontre entre le vrai Bruce Willis et la fausse Julia Roberts dans Ocean's Twelve ; mais non, le bal des paillettes et sourires détartrés ne sert ici que de gentille toile de fond, et l'idée originale du casse qui se résume à une histoire de collier, de vomi et de chiottes en sous-sol. 

Il faut voir avec quelle paresse le scénario déballe une pseudo-surprise dans sa conclusion, gardée dans la manche sans aucune autre raison que celle de pouvoir la brandir à la fin, pour donner un peu de matière à ce triste vol qui ferait passer l'affaire des bijoux de la castafiore pour un James Bond. 

 

photo, Awkwafina, Sarah Paulson, Cate Blanchett, Sandra Bullock, RihannaLecture des premières critiques (et du box-office)

 

LE RÂLE DES ACTRICES

On aurait pu espérer que les actrices mènent la danse et s'en donnent à cœur joie pour occuper le terrain, laissé vide par un scénario d'une connerie ahurissante. Là encore, déception absolue. D'ordinaire parfaite de roublardise dans les comédies, Sandra Bullock est ici éteinte sous un maquillage de Mercedes volée. Son rôle, lors du casse, de belle plante coincée entre une flute de champagne et une perruque, illustre bien la chose.

Derrière elle, au-delà d'une Cate Blanchett qui devra se contenter de trimballer sa frange et gagner un costume d'Abba à la fin, c'est pire encore. En plus d'avoir zéro psychologie, nuance ou arc narratif, les personnages oscillent entre la bouffonerie et la narcolepsie, la faute à des dialogues absolument dévitalisés et un sens du timing comique aux abonnés absents. C'est bien simple : celui qui parviendra à décrocher un rire, voire un franc sourire, devrait avoir droit à une médaille.

 

photo, Anne Hathaway, Helena Bonham CarterOccasion manquée pour Anne Hathaway 

 

La seule qui aurait pu s'en sortir est Anne Hathaway, dans le rôle d'une star de cinéma censée être grotesque et satirique. Censée, car la caricature est si molle que l'actrice s'accroche comme elle peut à trois ou quatre pauvres répliques. Dans une autre version du film, plus vive et maligne, nul doute aurait-elle eu un boulevard pour incarner une pouffe hollywoodienne de haut vol.

Dans cette version, Ocean’s Eight se serait amusé avec le décor du Met Gala, aurait offert des personnages savoureux à ces talentueuses actrices, et aurait tenté de tordre un peu les codes du genre plutôt que les appliquer comme un mauvais élève. Peut-être même que les clins d'œil aux films précédents auraient été moins stupides et inutiles que ce "C'est ton frère ?", balancé par un personnage sans aucune logique ni payoff. Mais peut-être que dans ce monde parallèle, personne n'aurait validé ce projet sous cette forme, épargnant ainsi un morceau douloureux pour tout le monde.

 

photo

Résumé

Pas une once d'imagination, d'esprit et de cinéma dans ce produit dérivé gênant et transparent. Ou comment gâcher le talent d'excellentes actrices et donner des arguments aux rageux face à ce Ocean's Eleven au féminin.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(2.1)

Votre note ?

commentaires
Morcar
06/02/2023 à 10:06

Personnellement, je ne l'ai pas trouvé mauvais. C'est un film de casse assez ordinaire, mais au moins il ne se la pète pas comme Ocean's 12 et 13. Le premier Ocean's 11 se la jouait lui aussi simple film de braquage, et c'est suite à son succès qu'ils ont pris la grosse tête.
Au moins, vous me direz, avec Ocean's 8 ils n'ont pas de quoi se prendre la grosse tête... Vu le nombre choisi, on peut imaginer qu'ils avaient en tête d'en faire une nouvelle trilogie (8, 9 et 10), mais on n'est pas prêt de la voir... ^^

Yarum44
02/11/2020 à 09:39

Vu hier soir et pas du tout d'accord. Certes, c'est léger mais n'attendons-pas cela de ce type de films de braquage.
Même si c'est tout much (spoil), l'idée du "double casse" est bien vue.

Kyle Reese
01/11/2020 à 21:18

Pas vu et je ne perdrais pas mon temps à le regarder mais quand même, imaginer le talent gâché d'une telle brochette d'excellentes actrices dans un projet plus opportuniste tu meurs ...
c'est totalement navrant. Que cela serve de cas d'école au moins.

Myso
23/04/2020 à 05:39

Marre de cette Féminisation de la société, à vomir

Babar77
27/05/2019 à 21:47

Tous ces films qui accouchent de leur pendant féminisé souvent en lien avec une impulsion concurrentielle. ça me fait penser à toutes ces super héroines type batgirl, spider-woman, she-hulk, supergirl... tout ce bordel pour vider les poches de post-ados attardés à qui on vend des histoires à dormir debout.

Thekiller
26/05/2019 à 22:14

Un film purement féminin, donc très creux.

dany15
26/05/2019 à 10:53

Fille ou pas, c'est de la daube

Mr Vide
26/05/2019 à 10:00

Ce n'est pas parce qu'on trouve mauvais un film avec des filles que l'on est misogyne ! Ça suffit ces raccourcis de cerveaux réduits!

Zanta
26/05/2019 à 01:20

Une belle daube, ce film.
Il aurait mieux fallu laisser la marque au chaud.

VuASaSortie
16/07/2018 à 23:44

Sympa, sans prétention ou prise de tête. A voir !

Plus
votre commentaire