Ready Player One : critique rétro-futuro-ludique

Simon Riaux | 3 janvier 2023 - MAJ : 04/01/2023 16:27
Simon Riaux | 3 janvier 2023 - MAJ : 04/01/2023 16:27

Depuis Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal, unanimement vomi par le public et la presse, suivi d’un Tintin accueilli dans une regrettable indifférence, Steven Spielberg n’avait pas embrassé à bras le corps le cinéma d’aventure. Maître encore incontesté du grand huit hollywoodien, son retour aux affaires ludiques était scruté avec d’autant plus d’impatience qu’à l’occasion de Ready Player One, il s’intéresse au jeu vidéo et à la virtualité.

WAR ON EVERYONE

La communauté des joueurs et les univers qu’ils explorent ou ressassent forment depuis les années 90 un véritable champ d’honneur où Hollywood se sera systématiquement cassé les dents, à coup d’adaptations opportunistes de licences, de tapinage éhonté en direction de produits culturels dont l’industrie ignore tout. Par conséquent, voir Steven Spielberg, gamer devant l’éternel, parmi les architectes majeurs de la geekerie contemporaine, ausculter tout un pan de la culture populaire via le medium vidéoludique était une promesse fantasmatique presque intenable.

 

Photo Tye SheridanTye Sheridan se connecte à l'OASIS

 

Le metteur en scène en est d’ailleurs bien conscient, et ne cherche jamais « l’idée révolutionnaire », ou la disruption technologique. Ready Player One se veut plutôt une œuvre somme (et quelle somme !), un condensé d’idées déjà muries par le cinéaste et les meilleurs de ses prédécesseurs. La grammaire du film pioche donc entre l’énergie cinétique des Aventures de Tintin, le Speed Racer des soeurs Wachowski et la conscience de classe des westerns fordiens. La caméra préfère ainsi trouver le point de jonction entre l'âge d'or hollywoodien et la frénésie d'un Hardcore Henry, plutôt que de rêver une trouvaille quelconque.

Ce mélange aboutit à des séquences logiquement plus virtuoses que novatrices, où Steven Spielberg s’amuse énormément avec la caméra, n’oubliant pas que le jeu vidéo n’est finalement que l’aboutissement du concept de plan-séquence. Course urbaine rythmée par un T-Rex et King Kong ou charge guerrière emmenée par tous les héros vidéoludiques des trente dernières années, le réalisateur ordonne une armada de références transformées en pluie de saynètes ultra-spectaculaires, mais le cœur de son film est ailleurs.

 

Photo Tye SheridanLe héros Spielberguien dans toute sa splendeur ?

 

FAN TOYS

Plutôt que de proposer une goulée de nostalgie, ou un trampoline rêveur pour trentenaires avachis, Steven Spielberg adresse ici un manifeste esthétique et politique d’une rare virulence. Sa représentation du divertissement de masse est d’une noirceur étouffante. En 2045, des hordes de fans décérébrés revivent à l’infini des époques fantasmées et singent des héros dont ils ignorent les causes, engraissant des corporations cyniques, qui leur vendent des songes aseptisés pour les détourner tant de la misère du réel que de la médiocrité de leurs existences.

Spielberg entend s’adresser directement à ces lumpen-spectateurs, leur donner la dose de références et d’hommages qu’ils attendent pour mieux – littéralement - les pulvériser une fois réunis à l’écran. C’est d’ailleurs le passionnant parcours de Wade (Tye Sheridan), joueur bovin obsédé par le créateur de l’OASIS, qui sera amené à comprendre les répercussions dans la réalité de ses affects de joueur, tout en changeant de perspective sur la création qu'il adule.

Le temps d'un dialogue hilarant entre le protagoniste et l'industriel qui veut le rallier à sa cause, Spielberg rappelle que son Ready Player One n'est pas une déclaration d'amour aux années 80, tant il moque les icônes de cette période, et rappelle combien Hollywood les a dévoyées pour mieux appâter le spectateur complaisant.

 

PhotoQuand la pop culture part en guerre

 

Plutôt que d’appréhender les artistes comme autant de totems ou fiches Wikipedia comme un sordide bingo à explorer, le conteur tente de rappeler leur dimension essentiellement organique. Curiosité et découverte sont les moteurs de Ready Player One, les seuls antidotes qu’il propose au désenchantement du monde.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si lors d’un surréaliste hommage à l’un des cinéastes qui compta le plus dans sa carrière, Steven Spielberg adopte le point de vue du néophyte, quand la plupart de ses héros jonglent aisément avec les clins d’oeil qui surabondent. Il n’a que faire de l’enfilage de perles, de l’élitisme culturel paré de collectionnite obsessionnelle, stigmates à ses yeux de la médiocrité de l'époque.

 

Photo Olivia Cooke, Win Morisaki, Philip ZhaoUn bien beau gang

 

LA PROMENADE DU RÊVEUR SOLITAIRE

S’il pousse ainsi à une redécouverte « pure » du cinéma, du jeu vidéo et de leurs zones de frictions, c’est que l’artiste se préoccupe ici de son héritage. Plus encore qu’une homérique équipée technoïde, le métrage se veut un questionnement profond et angoissé sur le lien que Steven Spielberg tenta de tisser avec ses contemporains, ce qu’il en restera et son incapacité à être véritablement compris.

Derrière la figure quasi-autiste du génial Dave Halliday se cache bien sûr un Steven Spielberg démiurge, inquiet que son art ne l’ait condamné à être imprimé sur des t-shirts plutôt que dans des cœurs. Steven Spielberg était déjà le géant troublé du BGG : Le Bon Gros Géant, recyclant les rêves en fiction de son cru, il est ici un spectre bienveillant et incompris.

 

PhotoUn Géant de fer qui va être mis à contribution...

 

« Êtes-vous un avatar ? », lui demande Wade, conscient que se joue dans la présence de ce fantôme désolé un enjeu fondamental, « Thanks for playing my game » lui répond l’auteur, sibyllin. Le metteur en scène est-il cet angelot décati, incapable de se lier à ceux qu'il aime, ou son vieil ami, désolé d'avoir perdu le seul être qui le comprenait ?

Ce même trouble existentiel anime Art3mis, qui veut combattre l’OASIS mais en use pour masquer une marque de naissance haïe, ou encore Aech, incarnation parfaite des questionnements genrés de son époque. Ces héros vénèrent des époques et des symboles qu'ils n'ont pas connus, c'est pourquoi Ready Player One les voue à un holocauste salvateur (littéralement et étymologiquement), afin de ressusciter l'appétit indispensable à toute vie culturelle. 

À l’heure où majors et studios se tirent la bourre pour raffiner les produits les plus inodores et incolores possibles, Steven Spielberg revient avec non pas son chef d’œuvre, mais bien le rappel, spectaculaire et salutaire, de ce qui constitue une œuvre et son cœur palpitant.

 

Photo

Résumé

Véritable coup de boule asséné à l'industrie de la nostalgie, Ready Player One est un Terminator venu défibriller les cinéphiles anesthétisés par des années de références aseptisées et de culture geek dégénérée.

Autre avis Geoffrey Crété
Grosse impression que Spielberg est passé à côté de son sujet et son film, passionnants sur le papier, mais étonnamment simple et dénué d'énergie et vibrations à l'écran. Ready Player One manque d'un souffle, d'un cœur, et d'un grain de folie qui en auraient fait un grand film d'aventure générationnel.
Autre avis Alexandre Janowiak
Ready Player One manque parfois de rythme et a plusieurs défauts notamment la direction artistique assez faiblarde de Columbus. Mais à côté, c'est une réussite majeure techniquement et visuellement, Spielberg offrant un trip hallucinant dans cet OASIS dinguo et emplie de nostalgie.
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commentaires
Neji
05/01/2023 à 02:33

Cette daube pour enfants, incohérences technique de gamer , musique en mode Goonies année 80 insupportable, acteur principal vraiment pas top.
Et le pillage culturel en veux-tu en voilà , je trouve aucune virtuosité a cette chianli, insupportable cette niaiserie d'ados ainsi que la culture pop geek exploiter de la pire des façons.
C'est creux sans âme aussi vite vu aussi vite oublié .
Le super vilain du film est tout bidon à aucun moment on sent une pression dans la narration pour nous donner un sens dramatique aux événements vécu par nos deux fameux protagonistes la donzelle elle est charmant jeune homme.
On devine la fin avant même qu'elle arrive le scénario est cousu fil blanc.
Au Finale cette daube est insoluble est-ce que Spielberg est complètement cramé est-il complètement dépassé par son époque.
Loin de moi de dire que c'est un mauvais cinéaste mais pour refaire des films magiques comme dans les années 80 ou 90 on en est loin.
Au Finale il va sûrement terminé à faire des films intimistes sur sa propre existence ou sa propre introspection sur les poneys ou sur sa façon d'avoir vécu avec ses parents ou je ne sais quoi.
Ou finir producteur ça serait certainement la meilleure des choses, financer des jeunes réalisateur avec des idées novatrices.

Kyle Reese
04/01/2023 à 20:30

Toujours le même problème de crédibilité. CAR ... ça se prend des pains, ça court, ça saute, ça vole dans le cyberspace etc MAIS ... aucun ne sont équipés d'un système qui permet de simuler tout ça en même temps. Même les joueurs de IOI n'ont qu'un système pour courir indéfiniment. (d'ailleurs ça existe vraiment ces trucs là). Leur boss est juste assis sur un bon gros fauteuil très confortable.
Donc perso ça me fait complètement sortir du film à chaque fois. Et là les équipes de Spielberg ont fait preuve d'un manque d'imagination en essayant même pas de créer un équipement adéquat.

Le pire à la fin quand les passants se battent dans le monde virtuel dans la rue ... n'importe quoi. ET tu fais comment pour éviter les obstacles dans la vrai vie et les voitures si tu te retrouve dans la rue.

Même dans le culte et pourtant pas formidable Le Cobaye le perso avait un équipement un petit peu plus poussé. Quand on veut faire un film réaliste avec la VR on ne fait pas n'importe quoi juste pour le fun. Il y a des règles à respecter.

Pourtant il y a de bon moment dans le film. Mais quand tu as joué ne serait-ce que 5 minutes dans un jeu VR tu sais que tout ce que tu vois n'a pas de sens.

Vulfi
04/01/2023 à 15:26

Un des meilleurs divertissements de ces dernières années. Tout n'est pas parfait (le méchant caricatural, l'ambiance p-ê trop "lisse") mais c'est quand même très bien écrit, bien joué et surtout super beau à voir. C'est le gros point fort du film.

Dans Ready Player One, on a enfin des scènes d'action immersives, bien montées et fluides : exit les effets de coupe intempestifs pour masquer le manque d'idées (coucou Matrix 4). La première scène de course est à ce titre un modèle du genre.

Je comprends les très grandes attentes et j'entends parfaitement les avis mitigés comme celui de Geoffrey. Mais si Spielberg ne réalise évidemment pas un chef d'oeuvre avec Ready Player One, il propose un divertissement très correct. Par les temps qui courent, je lui en suis avant tout très reconnaissant.

Steefun
04/01/2023 à 12:53

Je rejoins entièrement @Ludwig Van et la plupart des commentaires : né en 85, fan de pop culture, de Spielberg (en général) : je m'attendais à adorer ce film... Au final quelle horreur, rien à sauver. Même l'empilage de références me met plutôt mal à l'aise (laissez le géant de fer tranquille !)

Vous aviez qu'à le faire vous même !
04/01/2023 à 09:32

..

Ringo
03/01/2023 à 23:11

Un film en mode "game over"... sans aucun intérêt tant les personnages sont insipides et ne risquent finalement jamais rien. Et ce méchant qui colle un post-it sur sa chaise... trop de clichés tuent le film (mon dieu le geek neuneu responsable de tout ça dans le film...). Grosse déception, même dans les scènes d'action. Spielberg n'est clairement plus frappé par la grâce pour ce genre d'actionner, c'est vraiment dommage. En même temps, il a tellement donné pour le cinéma, on ne peut lui en vouloir. Peut-être n'était-il pas fait pour produire du cinéma avec des effets spéciaux "modernes", ces derniers emportant avec eux la magie qu'il savait insuffler autrement...

vavastupide
21/04/2022 à 06:53

aie ça pique le problème avec ce film, c'est qu'il désactive le réel par lequel pourtant il donne une lecture psychologique, une intelligence sensible, aux avatars numérique de son metavers. Avec la fluidité numérique assez habituelle des cinématiques de jeux ou de films d'animation (de FF à Mass Effect), il se permet les fulgurances maniéristes qu'on lui connait bien (caméra en looping, mouvements interpolés de personnages à personnages, fondu enchaîné débridés....). Mais le film est constamment perdu, par inconsistance, pourquoi recréeer un univers virtuel aussi riche, pour en décrire un autre, celui-ci sensé être le réel, avec une pauvreté de moyens et un manque d'incarnation patente ? Pourquoi nous parler du virtuel comme du seul domaine du poétique, si c'est pour s'engager pendant deux heures à tenter de nous convaincre que le but de tout héro est de serré la princesse (pour fonder une famille ?) dans la vraie vie et d'oublier un peu le virtuel ? Pourquoi se faire croiser réel et virtuel en une scène de vaudeville ringarde ou chacun change de culottes et de placards, pire que dans une pièce de Michel Leeb, pour nous montrer que le mouvement comique à la buster keaton doit nécessairement exister avec une scène de guerre ? De peur d'être ringard n'est-il pas vrai que spielberg enfile les ringardises (encore) à la pelle (les gens circulent dans la rue avec leur masque sur les yeux et se battent dans le virtuel ! stupides ?) En désactivant, réactivant constemment son réel/virtuel, Spielberg ne permet jamais d'être happé par l'un ou par l'autre. Et à la fin le gentil taré qui n'a pas su niquer une gonzesse devient le repoussoir moral que tonton spielberg s'empresse de désactiver. Un Shining revu en caca prout, qui a le mérite de nous montrer que, peut être, Shining n'est pas un si grand film, n'est-il pas le fascinant continuum du mauvais goût trop largement développé dans le BCG ? Les quêtes dignes d'un mauvais tomb raider (d'un uncherted quoi) sont-elles là pour draguer les fonds de caisse vide d'inspiration ? Je vous pose la question.

Franken
02/06/2021 à 14:06

Ce film m’a collé un sourire sur la tronche dès la première scène !

Cette fessée qu’il colle à la "culture geek dégénérée" et ses dévots fanatiques tout en livrant un divertissement virtuose de vieille icône qui se rêve toujours sale gosse impertinent est jubilatoire.

matackermann
02/06/2021 à 09:15

Ce que j’apprécie, entre autre, chez Spielberg, c’est sa capacité à injecter une noirceur dévastatrice, presque subliminale, derrière le rideau impeccable du divertissement

Benasi
02/06/2021 à 07:16

Ce film est un crachat à la gueule de tous les amateurs de pop-culture, geeks et autres.

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