Critique : La Môme

Si les grands films pouvaient se résumer à une seule séquence, La Môme en serait un. Il y a dans l'adaptation très libre, très personnelle d'Oliver Dahan de la vie d'Edith Piaf, une scène magistrale qui capte tout ce qu'a pu être la destinée de la chanteuse. Il s'agit de l'annonce à Edith de la mort de son seul grand amour, Marcel Cerdan. On y voit en un plan-séquence virtuose la dame en noir passer du bonheur le plus simple et le plus grand (l'illusion de son Marcel la réveillant au petit matin après avoir traversé l'Atlantique de nuit en avion) à la souffrance la plus cruelle (la découverte de la disparition tragique du boxeur) pour enfin se ressaisir et se diriger via le couloir de son appartement new-yorkais vers le seul endroit où elle a toujours été la plus heureuse, la scène face à son public. Moment de cinéma merveilleux qui justifie à lui seul les choix artistiques d'Olivier Dahan.

Car, avant cela, le cinéaste aura eu le culot de non seulement s'attaquer à une légende du patrimoine français mais de le faire avec une audace bien loin des sages biopics inhérents à ce genre de vie bigger than life. Conséquence d'un tel désir auteurisant, La Môme déconcerte plus d'une fois à l'image de cette volonté d'insister de manière bien trop appuyée sur l'agonie de la chanteuse. Le choix de la narration éclatée (les flash-backs sont plus que légions) ne facilite pas l'adhésion à l'oeuvre tout comme l'accumulation de comédiens de renom venus parfois le temps d'une scène faire leur (joli) numéro (Clotilde Courau en mère d'Edith).

Mais qu'importent ces imperfections puisque Dahan possède ce qui compte le plus : un vrai regard de cinéaste. Parce qu'il fait avant tout du cinéma (remarquable reconstitution d'époque, mise en scène inventive,…) et qu'il a devant son objectif une interprète d'exception, Marion Cotillard étant tout simplement Piaf, sa Môme ne nous fait jamais regretter d'être venu l'admirer.