Californication Saison 1 - Sea, sex and sour

Julien Foussereau | 13 mars 2008
Julien Foussereau | 13 mars 2008

Jusqu'à présent, Californication rimait surtout avec le triste revirement musical des Red Hot Chili Peppers, anciens génies de la fusion rock / funk devenus depuis des aligneurs de tubes timorés. Sur un plan télévisuel, Californication selon Showtime est une toute autre histoire : une série résolument adulte, d'un humour cinglant digne d'une chanson de Blood, Sugar, Sex Magik, sexy comme une ligne de basse de Flea ; n'en déplaise à ce groupe mythique qui est allé jusqu'à poursuivre la chaîne câblée pour utilisation abusive du titre de son album facile.

 

Soit Hank Moody, auteur new yorkais responsable de Dieu nous déteste tous, carton de librairie que sa prose acide a achevé de rendre culte... tellement culte que Hollywood prend une option pour adapter au cinéma son roman. Hank emménage avec sa famille à Los Angeles, ville qu'il déteste, afin de suivre au plus près le portage à l'écran de son livre. Malheureusement, là-bas, son œuvre échappe à son contrôle et devient Crazy Little Thing Called Love, une infâme mélasse romantique « ...avec Tom et Katie ». Comme un malheur n'arrive jamais seul, Karen, la mère de sa fille Becca, lassée par ses pétages de plomb narcissiques et son refus obstiné du mariage, le quitte pour son antithèse, Bill. Commence alors une déchéance dans la Cité des Anges faite de mésestime de soi, d'angoisse de la page blanche, d'alcool et de sexe pour un perdant des plus attachants de la télévision américaine.

 

 

Errant dans la capitale mondiale de la vanité (Cali-), Hank dissimule son mal être en lutinant pléthore de L.A. Women (-fornication). Et, comme Showtime est le producteur et diffuseur de Californication, le traitement s'avère pour le moins cru : le pilot affiche en une demi-heure trois séquences de chambre pour le moins musclées (pour ne pas dire frappantes). D'une certaine manière, le show de Tom Kapinos se situe à la croisée des chemins cathodiques sulfureux de Dr House (pour le narcissisme vachard de son héros), de Nip/Tuck (le côté queutard indécrottable à la Christian Troy, le glauque en moins) et de Sex and the City (pour les dialogues appelant un chat un chat).

 

Si l'on se base sur les premiers épisodes, Californication s'adresse principalement à nous, les hommes (insérer ici un rire narquois) et Hank Moody serait une représentation idéale de nos fantasmes comportementaux. Désinhibé, capable de séduire des beautés californiennes sans se forcer, de casser la gueule d'un connard pendu à son portable au cinéma ou de cracher son venin à qui chante les louanges de son adaptation, Hank est un vrai défouloir. Il convient en cela de chanter les louanges de David Duchovny. Ses marmonnements chargés en humour cynique glacial font merveille. La composition bukowskienne de Hank par Duchovny s'avère délicieuse dans la mesure où elle ne se vautre pas dans l'auto complaisance malgré le désarroi en sous-marin. Elle peut être résumée par cette réplique adressée à Charlie Runkle, son agent : « Je vais bien. Ma vie me dégoûte. Je me dégoûte mais ça ne me rend pas malheureux pour autant ! »

 

 

Il est par ailleurs intéressant de constater le tiraillement de Hank : à la fois très indulgent quant à ses mésaventures (il ne bronche pas quand il se mange une droite en plein coït) et peu enclin à la tolérance sur les mœurs californiennes et le mariage programmé de Karen. Ce point précis annonce l'enjeu principal de la deuxième moitié de la saison : celui de la reconquête de l'être aimé, campé par une Natascha McElhone au sourire toujours aussi désarmant. Entre deux séquences dénudés parfois très trash (mention spéciale à l'épisode The Devil's Threesome), on découvre Hank sous un autre jour, celui d'avant sa chute (poignant California Son), celui d'un amateur de chair qui ne fait pas non plus n'importe quoi et celui d'un père désireux de bien faire avec Becca (Madeleine Martin, la révélation). Là,  Californication se transforme en héritier contemporain et faussement décadent des comédies de remariage comme Indiscrétions ou Cette sacrée vérité. Cette orientation se voit confirmée par le développement du couple Charlie / Marcy Runkle en contrepoint, traversant lui aussi une crise sexuelle de la quarantaine pas piqué des hannetons (le nipplegate sans parler de leur langage de charretier), et surtout par la résolution finale de cette saison que nous tairons.

 

 

Bien sûr, on pourra reprocher à la série quelques facilités, notamment sur les séquences à caractère sexuel (au-delà du simple fait que, pour un écrivain fauché et un brin cradingue circulant dans une Porsche pourri, il parvient très souvent à ferrer le poisson) ou l'agacement ressenti par la prose de Tom Kapinos placé à même la bouche de Duchovny. Ces menus défauts sont toutefois minimisés par la jubilation que procure l'écoute des nombreux missiles verbaux de Hank. Californication est une série bien trop brillante pour faire la fine bouche. Et grâce à elle, plus encore qu'avec l'inabouti Journal intime d'un homme marié, les mâles auront enfin trouvé leur réponse à Sex and the City. Hail to the Hank !

 

Californication saison 1 : Tous les vendredis soir à 23h20 sur M6 à partir du 14 mars 2008. 

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