Deadwood - Saison 2

Sandy Gillet | 16 juin 2007
Sandy Gillet | 16 juin 2007

N'ayons pas peur des mots. La deuxième saison de Deadwood déçoit. Et cela à plusieurs niveaux. À commencer par ce qui en faisait un ovni visuel immédiatement réussi et identifiable : les dialogues pour le moins haut en couleurs où tout le monde y trouvait son compte depuis le fin « conoisseur » de la langue « native american » à l'urbain contemporain pour qui les « fuck » et autre « cocksucker » sont monnaie courante. Le malaise vient du fait que cet équilibre linguistique et formel si savamment dosé durant la première saison est littéralement jeté aux orties au profit de dialogues abscons aux tournures et aux phrasés qui n'ont plus rien à voir avec la volonté de véracité historique recherchée durant les 12 premiers épisodes. Alors certes il n'y a pas une réplique qui ne contienne pas son lot de grossièretés bien senties mais pour quelle finalité et surtout au service de quelle histoire ?

 

 

Car c'est bien là le second écueil qu'avait pourtant su éviter jusque là David Milch, son créateur, et dans lequel son bébé Deadwood semble dorénavant se complaire à satiété. À savoir l'absence de véritables enjeux scénaristiques avec des personnages qui de surcroît ronronnent dans leurs costumes toujours aussi savamment crades. Jusqu'au « bad guy » Al Swearengen (Ian McShane), le tenancier du premier saloon de la ville (historiquement parlant s'entend), qui se transforme en héros positif hautement fréquentable damant ainsi le pion au « good guy » et dorénavant shérif de la ville Seth Bullock (Timothy Olyphant) de plus en plus en retrait. Un déséquilibre qui permet aux seconds rôles de la première saison d'acquérir un nouveau statut sans que pour autant cette évolution convainque vraiment pour la plupart d'entre eux. C'est ainsi le cas de Trixie (Paula Malcomson), la pute au grand cœur mais dont le double jeu aux motivations décidemment obscures a du mal à passionner, d'Alma Garret (Molly Parker) ensuite, la si désirable veuve de la haute venue « s'encanailler » dans ce trou paumé, qui n'est plus que l'ombre d'elle-même faisant perdre au récit une bonne partie de son piquant, ou encore de Cy Tolliver (Powers Boothe), le rival de Swearengen qui débite à l'envie des diatribes à la fois incompréhensibles et beaucoup trop longues (l'acteur avoue d'ailleurs lui-même dans une de ses interventions au sein des bonus du dernier disque qu'il n'a pas toujours saisi la portée de ses répliques – doux euphémisme !) à tel point que l'on est bien souvent obligé de se repasser ses interventions plusieurs fois tant on patauge.

 

 

 

 


Mais Deadwood saison 2 c'est aussi quelques bonnes trouvailles avec l'arrivée dans la ville de nouvelles têtes comme la femme et le garçon du shérif (en fait, comme on le savait déjà, le fruit d'une promesse tenue à son frère défunt devenue pour le coup bien difficile à honorer) ou de nouveaux personnages qui veulent prendre le contrôle de Deadwood politiquement ou économiquement parlant. Mais là encore, si les enjeux semblent bien définis dès le début de cette deuxième saison (l'arrivée par exemple du télégraphe avec ce que cela implique pour ses habitants en terme de « récupération » de leur ville hors-la-loi), les développements qui suivent peinent à vraiment capter le spectateur tant ceux-ci se révèlent d'une extrême complexité au regard d'un final bien trop factice.

 

 

 

 


Reste que, malgré ces quelques déceptions quant à l'orientation par trop nébuleuse du show, le manque de corps de certains personnages et cette propension à vouloir trop intellectualiser (synonyme ici d'aseptiser) quelque chose qui aurait du rester plus « roots », se dégage toujours cette si belle atmosphère de fin de siècle proche du chaos qui annonce bien un monde encore plus cruel. Ce qui obsède Milch ici fut ce qui obsédait Peckinpah en son temps : la dégradation et la perversion des valeurs face au « modernisme » galopant. En cela Deadwood peaufine épisode après épisode sa démonstration mais que cela manque dorénavant de simplicité, d'humanisme et d'humilité. On peut dès lors légitimement craindre des orientations de la troisième saison dont la diffusion commence tout juste outre-atlantique (le 11 juin dernier très précisément) et se demander si la chaîne HBO, son diffuseur et commanditaire n'a pas les mêmes inquiétudes, lui qui n'a pas voulu donner la possibilité à David Milch de produire une quatrième et dernière saison (voire notre news sur le sujet).

 

 

 

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