Souviens toi... l'été dernier : la série Amazon est-elle aussi nulle que prévu ?

Après les films, place à la série Souviens toi... l'été dernier, qui continue à être du sous-Scream.

Toujours, Souviens-toi... l'été dernier restera dans l'ombre de Scream. C'était le cas dans les années 90, avec un film sous forme de copie presque conforme, qui a donné une suite officielle et une autre en mauvais DTV. Et c'est encore le cas deux décennies après, avec la série Souviens toi... l'été dernier sur Amazon Prime Video, après la série Scream qui s'est terminée au bout de trois saisons en 2019.

Nouvelle adaptation très, très libre du livre Comme en un mauvais rêve de Lois Duncan, publié en 1973, Ia série développée par Sara Goodman (passée par Gossip Girl et Preacher) et notamment produite par James Wan arrive donc sur Amazon. Premier avis sur les trois premiers épisodes.

ATTENTION SPOILERS

Souviens-toi... le siècle dernier

SŒURS DE SANG

Lancé en quatrième vitesse pour surfer sur la vague Scream, avec le même scénariste Kevin Williamson, le premier film Souviens-toi... l'été dernier utilisait le livre comme simple prétexte pour un vulgaire slasher. Hormis la situation de départ et les quatre personnages, il ne restait à peu près rien du bouquin. Le tueur au crochet et les mises à mort étaient totalement inventés pour cocher les cases des années 90, et la thématique profonde de la culpabilité était largement évacuée, au profit du spectaculaire bas de gamme.

La série, c'est encore une autre affaire. Il y a bien une histoire d'ados qui tuent accidentellement quelqu'un sur une route, après une soirée alcoolisée. Un an plus tard, ils sont rattrapés par leur secret et quelques sanglants coups de pelle dans la tronche. Mais Souviens toi...l'été dernier version série Amazon réécrit tout le reste, pour rajouter quelques grosses couches de drama. À commencer par une histoire de jumelles digne des Feux de l'amour, puisque toute l'intrigue tourne autour de deux sœurs, incarnées par Madison Iseman (vue dans les deux récents Jumanji).

D'un côté, il y a Lennon, la blonde populaire et extravertie, qui porte des paillettes en soirée et danse devant tout le monde. De l'autre, il y a Allison, mal à l'aise dans son sweat à capuche, et qui reproche à Lennon d'être une princesse qui baise tout le monde (au sens propre et figuré). Avec en plus une maman qui s'est suicidée, et un papa qui en aime plus l'une que l'autre, il y a tout pour créer un teen drama du dimanche aprèm.

Comme dans le film

Mais le meilleur reste à venir, car la victime du fameux accident de la route est l'une des jumelles. Non seulement Allison est au volant et tue sa sœur avec ses amis, mais en plus... tout le monde pense qu'elle est Lennon, et qu'elle a tué Allison. Un petit mensonge mis en place avec d'énormes ficelles, et dont va profiter la sœur timide pour usurper l'identité de l'autre. Le tout avec la complicité de son père aux mèches rebelles, tout droit sorti d'un bon porno de surfeurs.

Bienvenue dans la série Souviens-toi... l'été dernier, qui transforme la formule simple et irrésistible du slasher en petit drama ridicule. L'intrigue initiale (les menteurs piégés, le mystère de leur bourreau, l'enquête et les doutes) passe au second plan derrière ce jeu d'identité qui, ironie ultime, rappelle la bête, mais amusante série Ringer, avec... Sarah Michelle Gellar, héroïne du premier film Souviens-toi... l'été dernier.

Re comme dans le film

MODERNE LOL

En digne relecture moderne, la série Souviens toi...l'été dernier ajoute quelques nouveautés dans l'air du temps. Parmi les héros, il y a un ado gay, sur le point de se marier, et qui aura droit à une blague évidemment nulle sur la question de qui est l'actif et le passif dans le couple. Il y a aussi une ado pseudo influenceuse make up dans sa chambre, une scène de pseudo Black Lives Matter/ACAB digne d'un mauvais sketch, et quelques histoires de sex tape, puisque toute cette génération est naturellement scotchée à son téléphone.

98,7% de l'intrigue est ainsi racontée via des écrans, avec des SMS et des vidéos. Et dans le royaume Amazon de Souviens-toi... l'été dernier, ça parle plus d'amourettes et d'hormones, comme dans un sous-Euphoria (la soirée avant le drame, avec de la drogue, des lumières colorées et des étoiles collées aux coins des yeux), que de meurtres.

"Comment il t'a laissée en non lu sur Whatsapp ?"

Les personnages semblent alors particulièrement insondables, pour ne pas dire insupportables, à commencer par l'héroïne. Certes, elle a roulé sur sa sœur jumelle et pris son identité, et s'est condamnée à mentir toute sa vie avec l'aide de son père très équilibré, mais elle a aussi un vrai problème de garçon : son crush déteste Lennon depuis qu'il a couché avec après avoir sniffé un tube de colle de luxe, et maintenant qu'il pense qu'elle est cette Lennon, la voie est fermée. Allison a aussi quelques problèmes de neurone puisqu'elle continue, un an après, à rouler sans regarder la route, pour lire des SMS (certes inquiétants).

Transformer l'accident originel en tragédie familiale était peut-être une idée séduisante sur le papier, mais la série est incapable de rendre cette situation crédible. Que ce soit dans la scène initiale, les réactions immédiates, ou le traumatisme de l'héroïne, rien n'est à la hauteur d'un incident déclencheur si extrême - là où les personnages du livre/film avaient du sens, puisque cette jeunesse naïve renversait un inconnu.

Difficile alors de ne pas rire devant ce festival de clichés de soap version ado, où les tendances SM de papa avec la flic du coin donnent lieu à une parenthèse 50 nuances de grrr, et où le grand frisson vient d'actrices hurlant devant leur écran de téléphone comme dans une parodie de Black Mirror. La voix off lourdingue du début ("On ne connaît vraiment personne... et encore moins soi-même..." : Socrate n'est pas loin) et le recours régulier aux flashbacks n'aident pas.

On a tous une face sombre hein

sous-SLASHEr

Mais la vraie énigme de la série Souviens toi... l'été dernier reste le choix suicidaire de quasiment écarter le plaisir du slasher. Le plus gros de la tension passera par une poignée de jumpscares à peine assumés, un 4x4 qui rode et une tête de chèvre dans un dressing. Le premier meurtre arrive à la fin du deuxième épisode, avec certes quelques images sanglantes, mais c'est bien peu. D'autant que le rendez-vous est repris en conclusion du troisième épisode, avec une mise à mort amusante sur le papier, mais finalement bien plate à l'écran.

Le programme horrifique semble alors forcé, relégué en fin d'épisode, et traité sans passion aucune dès l'épisode 3. Et ce n'est pas la présence d'une tête coupée à droite à gauche qui va sauver la mise. De toute évidence, personne n'a envie d'embrasser la formule slasher, avec des poursuites, des jeux de cache-cache ou des morts inventives, pour rendre hommage à cette vague comme la trilogie Fear Street sur Netflix par exemple.

Lost - saison 12

Au-delà de la déception d'un Souviens toi... l'été dernier vidé de son sang et transformé en mauvais 13 Reasons Why On Est De Vilains Meutriers, la série ne tire aucun profit de son cadre. L'histoire se déroule dans une petite ville à Hawaii, entre montagnes et plage, soit un décor idéal pour exploiter la parano au sein d'une petite communauté. C'était au cœur du livre, et le premier film l'avait en partie réutilisé, entre Ray le pêcheur et Helen la reine de beauté locale. Car c'était aussi et surtout ça l'histoire : la fin de l'innocence, la difficulté à se construire en adulte, et à s'arracher au cocon familial de l'enfance.

Dans la série, tout ça est balayé. Le scénario et la mise en scène utilisent à peine le cadre, tellement morcellé qu'il semble immense, entre la grotte, le centre-ville et les maisons des personnages. Le vague suspense sur la témoin de l'accident est bizarrement géré et très moyennement excitant, si bien que toute l'enquête tourne vite en rond (et l'idée du suspect parmi la bande, très platement exécutée). Plus personne n'a envie de jouer sur une quelconque bizarrerie, à l'image d'Anne Heche, excellente en sœur endeuillée et pure white trash dans le premier film. Tout semble donc lisse, à l'image de ces jeunes acteurs et actrices bien coiffés.

Quand l'une des ados entend un copain parler du Parrain et rétorque "Les vieux films sont si chiants", il y a de quoi se dire qu'on est trop vieux pour ces conneries. Ou plutôt : peut-être plus assez jeune. Et tant mieux ?

Souviens toi... l'été dernier, sur Amazon Prime Video à partir du 15 octobre (quatre épisodes, puis un par semaine chaque vendredi)