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The Punisher : que vaut la saison 2 de la danse macabre surarmée de Netflix ?

Par Simon Riaux
18 janvier 2019
MAJ : 21 mai 2024
13 commentaires

Le Punisher est de retour, pour ce qui sera peut-être son baroud d’honneur. Se montre-t-il à la hauteur ?

Affiche Jon Bernthal, The Punisher

Le Punisher constitua une des plus belles surprises de la série Daredevil, puissamment confirmée avec une première saison dédiée à son massacre solo. La deuxième, dont on pressent qu’elle sera la dernière, fait-elle honneur à la colère de Frank Castle ?

ATTENTION MENUS-SPOILERS

 

photo, The Punisher, Jon BernthalNew York, New York…

 

FRANK S’EN VA-T-EN GUERRE

Dès son ouverture, The Punisher semble proposer un simili-reboot. Décor inédit (le Michigan), batterie de nouveaux personnages, background à peine évoqué… Jusque dans l’ouverture de l’épisode introductif, la série donne l’impression de vouloir réintroduire son sanguinolent héros, et altérer un peu sa personnalité. C’est que, on y reviendra,The Punisher entend proposer une transformation d’importance de la psychologie du personnage.

Ainsi, durant trois épisodes, le show nous propose un récit impeccablement immersif et d’une sauvagerie sans nom. Immersif car la batterie de nouveaux protagonistes introduits fonctionnent tous remarquablement bien et interagissent idéalement avec Jon Bernthal.

On pense notamment à Alexa Davalos, qui s’impose instantanément et contre toute attente comme un personnage féminin aussi stéréotypé qu’écrit au cordeau, capable de fissurer l’armure du Punisher. Il en va de même pour Giorgia Whigham, impeccable en adolescente croisant la route du justicier, pour le meilleur, et surtout pour le pire.

 

photo, Jon Bernthal, The PunisherEcorchons-nous, dans les bois…

 

Le temps de trois chapitres, la série impose un tempo d’une efficacité impressionnante et alterne avec une fluidité exemplaire séquences d’exposition, bastons homériques (le démastiquage de truands qui conclut le premier épisode est une leçon de découpage et de brutalité) et plaisir de série B pour adulte.

 

LES DÉMONS DE MI-SÉRIE

On est d’autant plus déçu de voir le récit freiner brusquement des quatre fers, éjecter sans soin aucun de ses nouveaux héros, et téléporter tout ce petit monde à New York, afin de délayer l’intrigue qui vient de s’ouvrir, et se reconnecter lourdement à l’un des arcs scénaristiques de la première saison.

Ce dépaysement entraîne fort logiquement un ralentissement de la narration, obligée de galérer un peu pour retrouver ses petits, et de raccrocher les wagons sauvagement avec une intrigue qui n’en demandait pas tant. Ce chambardement a pour effet de souligner la tare des séries Marvel de Netflix, systématiquement composées de trop nombreux épisodes (ici 13) d’une durée excessive (aux environs des 50 minutes pour The Punisher).

 

photo Ben Barnes

 

Ces faiblesses sont d’autant plus éclatantes que l’arc dédié à Ben Barnes fait le plus souvent grise mine. Son personnage était déjà loin d’être le plus passionnant de la saison précédente, mais la tentative d’en faire un Jigsaw en carton est souvent risible. Le comédien n’est pas en cause, il donne même tout ce qu’il a dans le ventre pour essayer de faire exister l’antagoniste défiguré.

Mais son personnage est écrit avec inconstance, tantôt sous-Joker menaçant, parfois grand blessé traumatisé (son aspect de loin le mieux exploité), régulièrement défenseur des droits des vétérans ou amoureux transi (l’aspect le plus embarrassant). Changeant, pas assez graphique, et un peu hystéro sur les bords, ce Jigsaw n’est jamais une menace et ne peut donc pas servir de locomotive émotionnelle viable. Un constat d’autant plus regrettable que la saison 2 lui consacre bon nombre de ses rebondissements.

 

photo, The Punisher, Jon Bernthal Jon Bernthal

 

PAINT IT RED

Cette nouvelle fournée d’épisodes est-elle pour autant à ranger aux côtés des embarrassants Iron Fist et Luke Cage ? Pas du tout. Tout d’abord, les très nombreuses séquences d’action sont réussies. Exception faite d’une ou deux fusillades qu’on devine étriquées de par les limites du budget, chaque bouffée de rage est un régal de découpage, de montage et de gestion des impacts.

Le show se permet même de jouer avec l’espace avec une ludicité admirable, que les personnages rejouent à Assaut le temps d’un épisode, se découpent la tronche à coups d’altères ou jouent au docteur avec des armes automatiques. Et toujours, on apprécie la quantité de détails, de petites trouvailles, qui installent les joutes, physiques ou armées, comme autant de grands huit artisanaux, bourrés d’adrénaline.

 

photo, Ben Barnes Ben Barnes

 

Si l’action est puissante, le scénario n’oublie pas de la traiter avec intelligence. Bien sûr, cette histoire de « vigilante » est source de divertissement, de plaisir, mais le récit prend soin de ne jamais alléger, ou dédramatiser les irruptions de mort qui émaillent chaque chapitre. À ce titre, la mise en scène et l’écriture des derniers épisodes, qui introduisent la transformation finale de Frank Castle, proposent une réflexion particulièrement intéressante.

 

FRANK LE BŒUF

Lors de la première saison, Jon Bernthal interprétait un vétéran marqué au fer rouge doublé d’un homme endeuillé et ivre de vengeance. Tout implacable et assoiffé d’hémoglobine qu’il fût, ce Frank Castle était un être en souffrance, dont les attaques visaient à punir ceux qui avaient détruit son monde.

 

photo, Giorgia WhighamGiorgia Whigham

 

The Punisher saison 2 ose un changement de paradigme plutôt culotté. D’une part, le grand antagoniste de Castle, Jigsaw, du fait de son amnésie, n’est plus un ennemi intrinsèque mais bien un méchant façonné par notre héros. C’est parce qu’il essentialise Russo, parce qu’il choisit de voir en lui un monstre, que ce dernier le devient. À ce titre, la décharge glaciale qui ponctue leur ultime confrontation est paralysante, tant elle illustre la bascule du héros vers les ténèbres.

Avec audace, The Punisher traite donc d’un homme quittant définitivement les rivages de l’humanité. Et si Jon Bernthal sait lui conférer le charisme, l’humour à froid et la vulnérabilité nous permettant de suivre ses mésaventures sans haut-le-coeur, le scénario lui, ose penser son héros pour ce qu’il est : une mosaïque de cauchemars et traumas formant un monstre, qui s’assume finalement comme un tueur de masse déguisé en croisé.

 

photo, Josh StewartJosh Stewart

 

Cette façon d’adresser la brutalité de l’histoire a également pour effet de nuancer et d’enrichir considérablement cette saison 2. Ainsi, la relation père/fille nouée avec Giorgia Whigham revêt une dimension aussi touchante qu’inquiétante, la crainte de voir Frank transformer l’ado arnaqueuse en tueuse implacable guettant toujours le spectateur. De même, impossible de considérer les motivations du protagoniste, dès lors qu’il s’agit d’exécuter ou d’épargner, avec bienveillance.

Ses rapports avec Pilgrim en attestent, le Punisher  est devenu un être roulant pour lui-même, son propre code, qui assume de donner la mort comme d’autres l’accolade. Et c’est peut-être ce qui fait de cette saison un mouvement conclusif, tant il semble désormais impossible de poursuivre les aventures de Castle, ou d’y investir la moindre empathie. C’est aussi ce qui leur confère un impact si fort, malgré les perpétuels vice de fabrication de l’alliance Netflix/Marvel.

La saison 2 de The Punisher est disponible en intégralité depuis le 18 janvier 2019 sur Netflix en France. La saison 1 est aussi disponible sur la plateforme de streaming.

 

Affiche Jon Bernthal, The Punisher

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corleone

J’ai pris mon pied oh mais quelle claque!!! Encore plus percutant que la saison 1 même si je d’accorises que Jigsaw est vraiment raté! Vivement une saison 3 car les retours ont l’air bons un peu partout et j’espères que Netflix ne va pas déconner.

Jonathan

Il y en a de plus en plus qui te bouffent une série complète en 1 jour ! il faut arrêter la boulimie audiovisuelle et bien mâcher avant d’avaler putain !

Kouak

A priori si boulimie il y a , ce n’est pas de la vomitive….
😉

Ronnie

@corleone j’ai bien ri en te lisant : « Vivement une saison 3 » MDR c’est bien d’être optimiste mais après l’annulation de toute les autres series Marvel il n’y a aucune chance de voir une saison 3 même si dans le fond j’espere de tout coeur que tu ais raison 😉

Alyon

Donc il y en a qui sont allés au bout de la saison 1 … chapeau bas! et la saison 2 c’est comme toujours il est trop fort puis il est trop pas bon mais il se sort les doigts et hop il trucide ou ça change ?