Agent Elvis : critique gore, drogue et rock'n'roll sur Netflix

Lucas Jacqui | 21 mars 2023
Lucas Jacqui | 21 mars 2023

Alors que Elvis de Baz Luhrmann a donné un nouveau coup de projecteur à la vie du King, Netflix débarque avec un biopic fictif en série d’animation dans un ton Adult Swim. Sous nos yeux, Agent Elvis fait du chanteur un justicier adepte du kung-fu et de la destruction de crânes à mains nues, doublé par Matthew McConaughey. Déjà surprenant sur le papier, ce projet ne cesse d’étonner, surtout quand on sait que la femme de la rockstar, Priscilla Presley, y est productrice et doubleuse.

Biografiction

Pour faire simple, Agent Elvis est un générateur d’yeux écarquillés d’incompréhension. À la lecture du postulat de départ, on comprend tout de suite qu'il va falloir s'accrocher. En effet, l’histoire est presque une biographie, avec un Elvis en pleine réinvention après son concert télévisuel de 1968. Cependant, le programme est surtout un pur délire fictionnel où la star se révèle être un agent secret pour une organisation aux intentions floues. Ainsi, entre deux concerts, le King fait manger la semelle de sa botte à des méchants communistes, à la Famille de Charles Manson et sauve le monde.

 

Agent Elvis : photoElvis en Harley avec un sabre laser. Ok.

 

Ses vies de star internationale et de super-justicier digne d'un comics se répondent entre elles, s'influencent comme pour nous dévoiler les dessous du quotidien fantasmé d'Elvis. Ainsi, on ne doute jamais que le tout soit fictif, car la série s'assume plus comme une blague poussée trop loin comme un Jean Claude Van Johnson sous acide, plus qu'un drame-thriller façon Confessions d’un homme dangereux. La touche bonus d'Agent Elvis se trouve d'ailleurs dans son ton azimuté mêlant Rick et Morty et Archer – dont Mike Arnold a écrit quelques épisodes avant de créer la série sur le King.

Le plus fou ? Derrière ce projet, il y a Priscilla Presley, la femme de la légende, créditée en tant que co-créatrice de la série et qui se double elle-même. De fait, il est impossible de ne pas visualiser la scène surréaliste où elle regarde ce bordel de mauvais goût et de violence gratuite mettant en scène son défunt mari en super-héros de l'Amérique, et valider le tout. Pour ajouter au malaise, le premier épisode est dédié à sa fille décédée en début d’année. Sur le papier, Agent Elvis s'annonce donc lunaire. Et le visionnage des dix épisodes d'une vingtaine de minutes ne va pas nous laisser atterrir sain et sauf.

 

Agent Elvis : photoPriscilla Presley

 

has been

Dans Agent Elvis, le King est un ringard à une période où les jeunes écoutent les Doors et les Beatles en prenant du LSD. C'est le bon temps des hippies et de Woodstock, mais Elvis dénigre tout ça. Toujours dans ses tenues extravagantes avec ses rouflaquettes, adorant se faire aimer, écoutant ses propres hits et sortant des répliques bien nanardes avec la voix mielleuse et profonde d’un Matthew McConaughey incroyable, ce Elvis est un OSS 117 pris au premier degré. Jamais il n'est contredit, puisque tout contribue à le rendre terriblement cool (ou essaie) en abusant de poses bassin en avant et regard félin. Agent Elvis rend le chanteur plus kitsch que jamais, et l'assume, façon Funky Cops.

 

Agent Elvis : photoOuahbopbelouap

 

Aussi, il est capable de faire exploser un QG de gangsters, déversant une pluie de coke sur un parc pour enfants (oui, il se passe ça), et d’être quand même présenté comme un chevalier blanc parfait, vierge de tout vice et aux envies super-héroïques. Ainsi, Agent Elvis est flou dans son fond ou maladroit dans sa forme, puisque la série hésite entre moquer l’icône, lui rendre hommage, ou le rendre badass. Et la combinaison des trois donne un milk-shake incompréhensif qui a tendance à laisser sur le carreau.

Pour ne rien aider, plusieurs personnages secondaires tordus gravitent autour de la star du rock. Aux côtés de l'espionne façon Chapeau melon et bottes de cuir adepte de tout ce qui peut lui faire du bien, ou de son assistant-larbin doublé par Johnny Knoxville de Jackass, c'est surtout son singe libidineux et drogué qui interpelle. Car l'animal condense toutes les scènes les plus gênantes du programme, entre gore, humour salace et zoophilie, comme s'il incarnait les travers d’Elvis – rendant ce dernier plus pur encore. En revanche, le Colonel, manager de la célébrité et figure controversée de la carrière du musicien, est complètement absent.

 

Agent Elvis : photoL'Agence tous vices

 

Into the Elvisverse

De ce déluge de situations aberrantes, on aurait pu attendre d'Agent Elvis des dialogues aiguisés. Malheureusement, la série Netflix force le trash à outrance par goût de la facilité plus que par originalité d'écriture. Avec ça, l’univers use les poncifs des légendes urbaines des années 60-70 peu inspirées. De cette manière, on mange la bouillie bien mâchée du faux alunissage filmé par Stanley Kubrick, d'un Kennedy toujours vivant après son "assassinat", etc.

Ironiquement, l’assemblage de ce trop-plein de débilité rend l’ensemble drôle par son envie d'être provocateur et de repousser les limites de la crétinerie. Chaque épisode va ainsi détourner un film (Apocalypse Now, Easy Rider...) ou exploser l’image d’une célébrité dans une escalade constante de blagues scabreuses et de sang. Forcément, on reste bouche bée devant les stars dont Agent Elvis réinvente la vie ou la mort, généralement pour le plus stupide.

 

Agent Elvis : photoHubert Bonisseur de La Bath, Black Widow et Jessica Rabbit

 

Cependant, cette série hallucinée bénéficie du savoir-faire de Sony Pictures Animation, déjà derrière les excellents Spider-Man : New Generation et Les Mitchell contre les machines. Aussi, Agent Elvis reçoit le traitement d’une direction artistique identifiée, hautement dynamique et réussie. En effet, l’ambiance est alimentée par l'imagerie des seventies, dans les designs des décors comme des personnages, avec de beaux clins d’œil comme ce Paul McCartney dans le style de Yellow Submarine. Quant aux scènes d'action, elles reçoivent aussi beaucoup d'attention avec des séquences nerveuses au découpage façon comics.

On pourra cependant regretter la bande originale de l'ensemble, puisqu'on compte à peine deux titres de la star par épisode. Avec cette abondance de références aux années post-British Invasion, d’humour bien gras et d’excès de gore, Agent Elvis nous fait frôler l’overdose. Mais il faut admettre que la proposition est tellement déconcertante pour une biographie (validée par la conjointe de l'intéressé, on le rappelle) qu’il est difficile de savoir si on en reveut une dose coupée à un peu plus de travail, ou oublier ce bad trip.

Agent Elvis est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 17 mars 2023

 

Agent Elvis : Affiche US

Résumé

Soit on prend ce cachet imprimé avec la tête d'Elvis stylisé et on embarque dans ce tunnel psychédélique, soit on reste au tapis par tant de brutalité, de vulgarité et d'absurdité totale. Au final, après dix épisodes d'Agent Elvis, la seule parole que l'on arrive à balbutier est : "Qu'est ce que c'était que ce truc ?".

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(2.8)

Votre note ?

commentaires
Aktayr
21/03/2023 à 23:38

@Lucas Jacqui
Je vous remercie pour votre réponse ! Je le mets sur ma liste.

@RetroBob
En effet, je pense aussi qu'un article sur Black Dynamite serait vraiment pas mal. Il me semble qu'on parle assez peu de ce film délirant et parodique avec un Michael Jai White qui s'en donne à coeur joie. La série animée va encore plus loin et Elvis a même droit à son épisode !
Mais c'est comme tout, ça demande du temps et des moyens.

Rorov94m
21/03/2023 à 20:35

ÉNORME !!!!!

RetroBob
21/03/2023 à 20:30

@Aktayr
Je me disais justement ce matin que la rédac' devrait parler de ce bijou inconnu qu'est Black Dynamite

Flash
21/03/2023 à 17:54

Du trash, du rock, du gore, un singe salace….
Ok je prends !

Lucas Jacqui - Rédaction
21/03/2023 à 16:10

@Aktayr
C'est totalement dans la veine de Black Dynamite en effet, avec quelques crans au-dessus dans le n'importe quoi.

Aktayr
21/03/2023 à 16:03

Ca a l'air de pas mal se rapprocher de "Black Dynamite' à la lecture de votre article. Merci pour la découverte Lucas Jacqui.

votre commentaire