Anatomie d’un divorce : critique portée disparue sur Disney+
La journaliste et auteure américaine Taffy Brodesser-Akner adapte son propre roman Fleishman a des ennuis avec Anatomie d’un divorce, narrant l'histoire de Toby Fleishman, la quarantaine et fraichement divorcé, qui doit gérer seul ses deux enfants alors que son ex-femme a disparu. Thriller, drame, comédie romantique... on pourrait affubler au synopsis de la série FX (Disney+ en France) n'importe laquelle de ces étiquettes. Mais finalement, qu'en est-il de ce premier passage derrière la caméra au casting prestigieux composé de Jesse Eisenberg, Claire Danes, Lizzy Caplan et Adam Brody ?
GOSSIP-on-gone GIRL
Dès les premiers instants, Anatomie d'un divorce bafoue la règle du show don’t tell et livre toutes les informations par voix off. Pas grave, un bonimenteur semble approprié. À bonne distance de son sujet, à travers un regard omniscient, on renoue avec l’image du spectateur-voyeur, et on se complait dans ce rôle de commère-complice, à épier Toby Fleishman, qu'on croirait sortir d'un film de Woody Allen en New-Yorkais juif modeste forcé à l'embourgeoisement.
On sait très vite tout de lui, des détails les plus importants (son passé dans des flashbacks suggérés par une photographie inondée de flairs, à l’unité de temps et de lieu induite textuellement) aux plus insignifiants (vous saviez qu’il a perdu son érection pendant qu’il était au téléphone ?). On nous informe quand il ment ou qu’il a la tête ailleurs... comme lorsqu'il tente de retrouver le prénom de la kiné avec qui il a couché pendant une conversation (pour info, elle s'appelle Jenny, merci la voix off).
"Est-ce que tu as compris que j'étais un FLASHBACK ???"
La mise en scène et l'écriture s’efforcent de donner le plus d'informations possible, clairement, quitte à changer de sujet, pénétrer les mémoires ou envahir le plan. C'est dans cette optique qu'on a les réactions de cinq personnages si Toby parle à cinq personnages (précédemment introduites sommairement par la voix off) ou que les profils et photos d'utilisatrices sont placardés dans le cadre lorsque Toby est sur son appli de rencontres.
Les personnages eux-mêmes vont jusqu’à trop se livrer ou chercher à en savoir plus. Ce qui importe dans un premier temps n’est pas la réponse en elle-même, mais juste de savoir pour tirer des conclusions et passer à la question suivante. C’est d'ailleurs ce qui motive l'existence d'une sous-intrigue totalement dispensable qui servira simplement à alimenter les conversations.
Il faut l'avouer, ce traitement favorise grandement l’immersion. Très vite stimulé, le spectateur s'adonne par mimétisme à cette pêche à l’info et enchaîne les épisodes. Mais c’est un terrain dangereux qu'emprunte la série, car cette radicalité peut être indigeste, surtout quand elle se retourne contre le spectateur.
"Jeune demoiselle recherche un mec mortel... hmm tu m'as eu, je like !"
ana-toby universelle d'une marriage story
La série entend d'abord nous attendrir avec le portrait de Toby, auquel on s'identifie instantanément. Une attache immédiate causée par une mise en scène vertigineuse qui traduit ses émotions, avec ces travellings circulaires, souvenirs ou fantasmes d'une routine qui provoque des envolées lyriques spectaculaires, appuyées par la sublime et signifiante bande originale de Caroline Shaw.
Dès lors, cette crise de la quarantaine résonne universellement derrière le point de vue de Toby. Mais puisque tendre à l'universel en ne se focalisant que sur lui n'a pas vraiment de sens, les proches du héros sont eux aussi en pleine crise existentielle et/ou identitaire. Ses amis, interprétés par Lizzie Caplan et Adam Brody, son ex-femme jouée par Claire Danes ou même sa fille et son fils sont autant de profils pour satisfaire sa quête d'universalité.
Cette révélation en a choqué plus d'un
Problème : celle-ci est vouée à l'échec. La série s'essaye donc humblement à l'exhaustivité en enchaînant situations de la vie de tous les jours et clichés d'écritures (le sketch de l'interlocuteur endormi au cours d'une tirade ou cette fin prévisible). Ainsi, l'intrigue s'apparente plus à une amusante et tendre confidence (voire un simulateur) qu'à un récit donneur de leçons. C'est pourquoi elle réapproprie les cinq étapes du deuil amoureux ou la théorie de l'Univers-bloc et se moque de ses métaphores un peu balourdes (le téléphone sur l'oreiller à la place de la femme dans le lit). Aucunement cynique, la série cherche simplement à concerner son audience (par le rire, les larmes et le pouvoir de l'image).
Mais elle ne se rabaisse pas pour autant, et quitte Toby, elle-même en crise existentielle. Parce que c'est bien beau de rajouter des personnages, mais encore faut-il les étoffer. La série fait donc un choix périlleux, se greffer à un nouveau sujet et reprendre tout de zéro.
Allez, on déménage dans une autre tête
kramer contre kramer
Dans son souci de donner constamment des réponses, le récit va alors répondre à la question qui brûle sur toutes les lèvres. Un pari risqué tant retarder cette explication était le moteur de la série. La contrepartie, c'est qu'on est forcé d'embrasser un nouveau point de vue, puis un troisième, qui viennent chacun livrer une tout autre vérité dans des épisodes dédiés. Fatalement, l'homogénéité de la structure et les temps de présences à l'écran s'en retrouvent bouleversés.
C'est peut-être à ce moment-là que Anatomie d'un divorce perd de son charme (mais pour une bonne raison), car en plus de se focaliser sur certains personnages plutôt que d'autres, sa hargne s'atténue également. Fini la mise en scène qui papote, elle devient sérieuse, pudique, inquiète. Comme si cette bascule était plus qu'un simple pivot, mais bel et bien un besoin urgent de se recentrer. Un désenchantement difficile à accepter, d'autant plus pour un spectateur dont la remise en question lui fait exposer ses préjugés en pleine face (on voit Toby sous un angle différent).
Une remise en question qui donne envie de crier jusqu'à en être nommé au Golden Globes
Le problème de cette manoeuvre, c'est qu'elle intervient dans le dernier quart de la série et ses nouvelles thématiques sont fatalement insérées au forceps. Aussi, la série qui a érigé jusque-là un besoin momentané de l'information se mue en retardant certaines révélations pour les besoins du scénario.
Finalement, c'est au prix de l'universalité tant recherchée que la série a sacrifié sa partie la plus plaisante. En revanche, elle qui s'est rendu compte sur le tard (comme Libby) qu'il faut s'interroger quand on entend qu'une seule version des faits, a bien transmis cet enseignement. Le spectateur, exténué sous le flot d’émotions, ressort alerte avec un besoin vital de demander à son conjoint si tout va bien, par peur de commettre les mêmes erreurs tristement et intimement humaines des personnages.
Anatomie d'un divorce est disponible en intégralité sur Disney+ depuis le 22 février 2023 en France
24/02/2023 à 13:59
Encore un coup de coeur pour Lizzy Caplan et cette exposition pour le noir absolu.
c Danes : superbe taff pour rendre le personnage detestable du début à la toute fin
24/02/2023 à 11:34
Et Romeo + Juliet, c'est du poulet ??
23/02/2023 à 23:41
T3 pour Claire Danes. Oui je fais parti de ceux qui aiment bien.
23/02/2023 à 21:23
Homeland pourClaire danes
23/02/2023 à 14:17
Ha, Claire Danes : filmographie pourrie mais gros coeur avec les doigts tellement elle est jolie.