Les Amateurs : critique du buddy pourri de Disney+

THE NAZE GUYS

Vincent a 30 ans et ça va pas fort... tout juste largué par sa copine qui se trouve être sa patronne au département de la Meurthe-et-Moselle, il est témoin d'un accident de voiture qui a bien failli lui faire rejoindre Johnny. Pas de bol, la police n'a pas relevé la présence d'un téléphone égaré sur le site qui se mettra à sonner après leur départ. Après avoir répondu à l'appel, Vincent embarquera bien malgré lui dans un dangereux complot criminel qui bouleversera sa vie et celle de son collègue Alban, 45 ans, qui vit toujours chez sa maman.

Sur le papier, Les Amateurs n'a rien de très excitant et ressemble à Darknet-sur-Mer où deux losers sont embringués de force dans une aventure périlleuse sur le point d'animer une petite ville tranquille. Une recette bien connue de la comédie d'action française qui n'a certes pas fait ses preuves dans la production Amazon, mais qui avait bon espoir de retrouver quelques couleurs avec la tentative de Disney+.

Vincent appréhende la suite

Si on ne s'attendait évidemment pas à un chef-d'oeuvre, il y avait du potentiel au sein de cette curieuse entreprise, notamment avec son tandem prometteur d'autant plus que les deux hommes ont déjà eu l'occasion de briller dans ce registre. Si François Damiens n'est plus à présenter depuis l'époque de ses canulars, Vincent Dedienne de son côté s'est montré hilarant dans Terrible jungle ou La Flamme. Et son rôle dans la série de Disney+ se présentait comme la synthèse de ces deux incarnations où le sérieux contrepoint du comédien face à Marc s'abattrait cette fois-ci sur une version demeurée et encore plus infantile de François Damiens dans Mon cousin. 

Et le premier épisode arrive à satisfaire de maigres attentes et espoirs. Le spectateur est tiré de force dans une course contre la montre avec une frénésie surprenante (comptez deux minutes chrono avant que le scénario fasse débouler l'élément perturbateur). À l'instar d'un Vincent perdu et déboussolé, on plonge en un instant dans des enjeux qui nous dépassent, pris au beau milieu d'une affaire qui ne nous a pas attendus pour démarrer. Des choix audacieux qui se parent d'une mise en scène nerveuse qui s'accorde au tempo entre jump cuts et brusques ruptures de ton.

Ici, ça peine à suivre le rythme

Par ailleurs, ce rythme hyperactif s'étend sur toute la durée du programme. Avec cette absence de temps morts tenus sur six épisodes de 30 minutes, la série s'attelle religieusement à clore ses épisodes par des cliffhangers qui renouvèlent les enjeux et objectifs à chaque épisode. Un trope propre au genre du buddy movie qui voit souvent connecter une enquête d'apparence anodine à une affaire d'une importance capitale (Le dernier samaritain, The Nice Guys, coucou Shane Black).

Prête à redistribuer les cartes

MAUVAISE PIOCHE

Cependant, Les Amateurs arrive à foutre en l'air tout son potentiel. Si la série a la politesse de durer moins de trois heures, c'est au mépris de tout ce qui aurait pu garantir sa réussite. L'alchimie entre ses deux personnages principaux est royalement foirée – un comble pour un buddy movie – avec ses caractérisations plus caricaturales et grotesques que les originaux ici plus pensés comme des aimants à mauvais gags que des personnages réfléchis. Des losers même pas magnifiques duquel découle un surjeu constant, mais adapté de deux comédiens investis qui pataugent dans des dialogues qui ne leur rendent pas honneur. Abnégation néanmoins salutaire tant le reste du casting se montre aussi expressif et crédible que le deepfake de Bruce Willis.

Ajoutez à ça une relation à sens unique annihilant tout climat de camaraderie qui trouvera un juste équilibre dans les derniers instants du programme et encore, il s'agira d'une version bas de gamme du génial duo de Psych. Mais après tout, qu'est-ce que l'on pouvait espérer de plus d'un script préoccupé à s'acharner sur son duo et à s'en moquer – même en dépit du bon sens – comme lorsque les deux zozos sont incapables de réagir bien qu'ils soient en position de force (ce moment où ils sont témoins d'une scène de crime) ?

À la recherche du lol

Et cette bêtise est réservée à l'entièreté des personnages, et surtout aux antagonistes incompétents et pas foutus d'utiliser une arme à feu à bon escient. Des facilités qui ne gênent a priori pas les scénaristes tant ils en abusent au mépris de toute cohérence. Le paroxysme du je-m'en-foutisme se dévoile durant un affrontement où la victoire d'un personnage sur l'autre est assurée avant que le dénouement ne soit redessiné hors-champ. Et ça, c'est si on passe outre l'utilisation incohérente d'un flingue qui aurait pu éviter une scène d'action mollassonne.

Il est pourtant impossible de prétendre que le caractère anti-spectaculaire de la mise en scène est volontaire – et s'il l'est, c'est d'autant plus insultant – puisqu'il échoue à faire rire. Exception faite peut-être dans une séquence assez maline où les éléments du décor alimentent un combat, chaque bonne idée disparaît quasi instantanément derrière des vannes lourdes ou faciles. On pense notamment à celles sur le nom d'Alban, les clins d'oeil intempestifs sur le funeste destin d'un véhicule ou, pire encore, une version britannique et timorée du pire gag français : la scène de strip-tease.

Arrestation pour motif de contrefaçon

Parce que oui, le plus triste dans tout ça, c'est que les seuls points positifs que l'on oserait allouer à cette production ne lui appartiennent pas puisqu'elle est un copié-collé au plan et à la réplique près de la série britannique qu'elle reprend. Et les rares gags propres à cette version franchouillarde ne sont pas engageants... Le pire de tous étant d'avoir remplacé une séquence banale, mais efficace d'échange dans un hôpital par un discours engagé, actuel et problématique sur les conditions de travail du personnel médical. Comme quoi, la série n'a même pas réussi à retirer le meilleur de son matériau de base.

Les Amateurs est disponible sur Disney+ depuis le 19 octobre 2022