Orelsan : Montre jamais ça à personne partie 2 : critique créative sur Amazon

Arnold Petit | 17 octobre 2022 - MAJ : 17/10/2022 12:23
Arnold Petit | 17 octobre 2022 - MAJ : 17/10/2022 12:23

Un an après le succès inattendu de la première partie, dans laquelle il retraçait l'ascension de son frère Orelsan, Clément Cotentin revient aux côtés de Christophe Offenstein (Comment c'est loin) pour la suite de Montre jamais ça à personne sortie le 13 octobre sur Amazon Prime Video. Dans cette seconde partie, la série-documentaire se concentre sur l'élaboration du dernier album du rappeur, Civilisation, sa tournée et sa vie personnelle.

LA QUÊTE

Alors que la plupart des documentaires consacrés aux artistes sont généralement des films promotionnels creux et artificiels, Montre jamais ça à personne se distinguait tout de suite par une rare sincérité. Celle d'un petit frère qui, comme un pari un peu fou, avait décidé de filmer son grand frère et ses potes parce qu'il était persuadé qu'ils finiraient par se faire un nom dans le rap (et pour pouvoir traîner avec eux aussi). C'est cette authenticité qui lui donnait toute sa force et qui rendait la série-documentaire aussi touchante que passionnante.

À partir de plus de 3000 heures d'images récoltées sur presque vingt ans, Clément Cotentin proposait de suivre, de l'intérieur, les premières années de la carrière de son frangin Aurélien, devenu Orelsan, de ses débuts dans son appartement miteux à Caen jusqu'à la célébrité, les récompenses et les concerts dans les plus grandes salles de France. Plus qu'un retour sur les galères, les réussites et l'évolution du rappeur normand, le résultat s'imposait comme une magnifique preuve d'amour fraternel, révélant au passage un portrait avisé de l'industrie du rap et de la France des années 2000, mais aussi l'histoire d'une attachante bande d'adulescents qui se sont portés les uns les autres en restant soudés.

 

Orelsan - Montre jamais ça à personne : photo"Pas besoin d'nouveaux potes, j'vois d'jà pas les miens"

 

Tous les deux arrivés au bout de leurs ambitions, les deux frères se sont interrogés sur ce qu'ils pouvaient faire ensuite. Choisissant de quitter sa carrière de journaliste sportif pour pouvoir pleinement se consacrer à la suite, Clément Cotentin a continué de filmer son frère Orelsan pendant deux ans, durant la préparation de son quatrième album, Civilisation. Par conséquent, ces quatre nouveaux épisodes sont forcément moins riches et surprenants, et le fait qu'Orelsan et les autres sachent que les images finiront sur Amazon Prime Video atténue l'esprit de film de potes issu des archives de la première partie.

Mais ce que la série-documentaire a perdu en charme naturel et en émotion, elle l'a gagné en maîtrise. En continuant d'alterner entre scènes du quotidien et entretiens face caméra, la réalisation se permet désormais de jouer avec le montage, des scènes en animation et d'autres effets, en trouvant par exemple le moyen de raconter l'enregistrement sommaire de Dernier verre avec les Neptunes sans qu'ils apparaissent à la caméra.

Toujours drôle et intimiste, cette seconde partie s'intéresse au long cheminement ayant mené au succès de Civilisation et donne à voir quelque chose de fascinant : le processus de création d'un artiste, avec ses hauts et ses bas, de l'idée élémentaire qui a fait naître son projet jusqu'à sa concrétisation.

 

Orelsan - Montre jamais ça à personne : photo“Hier et demain sont la même journée, la boucle est bouclée”

 

JOUR MEILLEUR

Isolé dans une maison de campagne de Basse-Normandie, Orelsan pense qu'il peut mettre le confinement à profit pour commencer à travailler sur son prochain disque dans le studio qu'il vient tout juste de faire construire derrière chez lui. Après son troisième album, La Fête est finie, qui marquait la fin d'un cycle lancé avec Perdu d'avance et un certain aboutissement artistique, le rappeur doit se réinventer et sait déjà ce qu'il veut raconter : "Tout détruire pour tout reconstruire".

En pyjama et en chaussons, il enchaîne les morceaux, mais l'inspiration débordante du début se volatilise soudainement, et avec elle, sa confiance en lui. Dépité, il confie son appréhension et ses doutes à la caméra et n'ose plus rien produire, convaincu que le résultat sera complètement raté. Les premiers épisodes, introspectifs et laborieux, correspondent à l'état d'esprit abattu et résigné de l'artiste et avancent avec langueur.

 

Orelsan - Montre jamais ça à personne : photo“Les mecs les plus fous sont souvent les mecs plus tristes.”

 

Alors qu'Orelsan retrouve cette peur de l'échec qui le hantait à ses débuts, Clément Cotentin capture au plus près sa détresse émotionnelle, son humanité, ses réflexions, ses tentatives infructueuses et illustre merveilleusement le travail de la première partie à travers le rôle et l'importance de ceux qui accompagnent son frère depuis toujours. Ce n'est que quand Skread (son fidèle producteur) et Ablaye (son backeur et le co-fondateur du label 7th Magnitude) débarquent et critiquent honnêtement ses maquettes que la magie opère et que l'inspiration reprend.

Certaines idées sont jetées, d'autres sont retravaillées, et la série-documentaire s'arrête sur chaque étape, chaque obstacle et chaque détail mis bout à bout pour créer l'album : le refrain de La pluie, inspiré d'une chanson d'enfant ; l'alchimie évidente entre Orelsan et Gringe quand ils se retrouvent pour Casseurs Flowters Infinity ; la perte de toutes ses notes sur son Mac, menant à l'écriture du morceau Manifeste ; la chronique d'un "hit intergénérationnel" avec Angèle abandonné faute de temps, jusqu'au dernier épisode, comme un sprint final à bout de souffle.

 

Orelsan - Montre jamais ça à personne : photo"Tout va s'arranger, c'est faux, je sais qu'tu sais"

 

Encore une fois, les personnalités se répondent et se complètent avec une sincérité désarmante dans cette seconde partie de Montre jamais ça à personne. Derrière la passionnante histoire d'un rappeur en reconstruction, la série-documentaire s'articule surtout autour d'un collectif émouvant et inspirant, animé par la créativité, le sens de l'abnégation et une formidable et indéfectible amitié.

Montre jamais ça à personne : partie 2 est disponible en intégralité sur Amazon Prime Video depuis le 13 octobre

 

Orelsan - Montre jamais ça à personne : photo

Résumé

Si elle est forcément moins riche et touchante que la première, cette seconde partie de Montre jamais ça à personne est un témoignage aussi que drôle que passionnant du travail du rappeur, de son processus créatif et de la manière dont un artiste s'y prend pour créer alors qu'il n'y croit plus.

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Lecteurs

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commentaires
d_j_nick69@hotmail.com
26/10/2022 à 00:40

1 C'est de la variété, pop ou slam. Le rap c'est pas français les gars comme le rock et JH ;-)
2 cette série c'est une daube.

Zouzoulive
19/10/2022 à 13:34

Moi, le rap, j'y comprends rien, je suis trop vieille, et j'aime pas.
Il y a deux ans, grève massive de trois semaines sur France Cul. Du coup, des playlists en boucle de trucs que j'écoute jamais. Au milieu, deux morceaux d'Orelsan, Basique et Mes grands-parents. Le grand écart musical chez un même artiste (Mes grands-parents est fait à partir d'un morceau de Colette Magny !).
J'ai commencé à l'écouter, puis à aimer. Je suis tombée raide dingue de son univers, bon et moins bon, génial ou p'tit con.
Les deux saisons de Montre jamais ça à personne montrent un artiste au travail, sans filtre parfois, avec ses potes, ses doutes, ses errances, ses fulgurances, ses c... de gamin, en bande ou solitaire. Si on aime son univers, on se régale. Si on déteste avant, la série ne peut que renforcer le rejet :)
Je vais le voir en concert le mois prochain ^^

Nico89
18/10/2022 à 01:28

Un bon musicien mais son dernier album en revanche était franchement mauvais

Franken
17/10/2022 à 20:20

Je ne connais Orelsan que pour quelques titres écoutés un peu malgré moi, il ne m’intéresse pas.

Mais comme je suis curieux, j’ai lancé Peur de l’Echec cité auparavant.
Ça m’a collé de l’autotune dans les oreilles.
L’en-fer !!!

Bon ben, m’intéresse définitivement pas !

Kyle Reese
17/10/2022 à 17:30

@Pakkun

Oui pas simple de démêler l'avatar qu'il s'est crée et lui-même. Ce que j'aime bien c'est qu'il n'est absolument pas sur de lui, pas vraiment prétentieux même si provocateur façon sale gosse surtout à ses débuts, remplis de doute et pleins de contradictions. Il joue sur plusieurs tableau et se dévoile je pense énormément de manière assez frontale avec une sincérité touchante et déclame des vérités de son petit monde que chacun peut retrouver dans sa vie à un moment donné. Pas l'impression qu'il soit faux, c'est du sans filtre, il y a la fois une grande force et une vulnérabilité qui se dégage chez lui et c'est sans doute ça qui touche le public et fait son succès.

Pakkun
17/10/2022 à 16:41

Effectivement, cette deuxième partie est en dessous de la première partie, plus riche, plus longue et qui s'étend aussi sur plus d'années. Ici j'ai l'impression d'avoir vu une sorte de making of de son album. Ça n'en reste pas moins passionnant et impressionnant de voir la quantité de travail qu'ils ont fourni pour arriver à ce résultat.
@Kyle Reese, au début je n'aimais pas du tout le personnage, ses textes particulièrement, vraiment je détestais. Et un jour, par hasard, je tombe à la radio sur son morceau "peur de l'échec" et à partir de là j'ai complétement changer mon angle d'écoute sur ses morceaux. Je l'avais pris beaucoup trop au premier degré je pense (sûrement comme Groseille) et lorsque j'ai réécouté l'album mon appréciation du personnage a complètement changé et j'ai vraiment accroché au délire.

Kyle Reese
17/10/2022 à 16:16

Pas encore vu le doc mais j'aime bien le perso pour des tas de raisons alors que je n'ai jamais été vraiment rap, sauf un peu avec la période de folie de la fin des années 80 début 90. Sinon je préfère La fête est finie à son dernier opus même s'il est tout de même très bon.

Houla
17/10/2022 à 14:53

@Groseille, je pense que vous avez une vie bien triste... On en rira quand on l'verra sous un jour meilleur...

Kynapse
17/10/2022 à 13:26

@Groseille
… et vous retrouve plus profondément encore.

Groseille
17/10/2022 à 13:14

Un tocard qui sait pas chanter a le droit à son reportage en deux parties, touche le fond , creuse encore…

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