Darknet-sur-Mer : critique Ready Boomer One sur Amazon

Lino Cassinat | 11 octobre 2022 - MAJ : 12/10/2022 11:22
Lino Cassinat | 11 octobre 2022 - MAJ : 12/10/2022 11:22

Prenez Rémy Four et Julien War, scénaristes ayant pour uniques faits d'armes le bof De l'autre côté du périph et le calamiteux Gangsterdam. Donnez leur Artus, l'acteur comique le moins drôle et le thérmomètre à comédie bas de gamme le plus fiable du moment. Catapultez tout ce beau monde dans une aventure absurde mélangeant humour geek, culture web, losers potaches , obsessions étranges sur la virilité et gangsters albanais. Mélangez, et paf, ça fait Darknet-sur-Mer. Dommage, on aurait préféré des chocapics.

SUR-LES-NERFS

Deux zozos apprentis streamers élaborent un prank si bien élaboré que leur faux site de recrutement du tueurs à gages attire l'attention d'un gang albanais. Un bandit trop gentil pour son propre bien essaye de faire ses preuves et de rester en vie malgré son incapacité à tuer. Rien de neuf sous le soleil de Ponet-sur-Mer, petite bourgade charentaise dont la morne tranquillité va être percutée de plein fouet par les tribulations de nos trublions que tout oppose, mais qui finiront par former une alliance improbable dans la lose.

 

Darknet-sur-Mer : photo, ArtusLose like me

 

 

Que dire de Darknet-sur-Mer qui n'ait déjà été dit mille fois sur le rire à la française ? Comme le bon milliard de tentatives comiques qui s'écrasent sur les écrans hexagonaux chaque année, Darknet-sur-Mer s'appuie sur une structure archi-classique, ce qui ne serait pas un mal en soi si au moins c'était bien fait. Sauf que ce n'est pas le cas puisque, comme d'habitude, le projet a été confié à une équipe qui maîtrise le rire comme Francis Lalanne la politique.

A tout seigneur tout honneur : reconnaissons à Darknet-sur-Mer le mérite de s'essayer à la comédie d'action, un genre plutôt réservé à Hollywood et souvent abordé par un système de production français habitué à se boucher le nez devant les américaneries. Un système qui a d'ailleurs mis la main à la patte cette fois-ci, puisque Darknet-sur-Mer a reçu un financement du CNC - ce qui, par corollaire, signifie que le scénario de cette série a été jugé solide et abouti par plusieurs comités de lecture, qui ont donc visiblement troqué le pince-nez pour les oeillères.

 

Darknet-sur-Mer : photo, ArtusOn s'en lave les mains

 

Car vu le degré d'indigence de l'intrigue et le niveau consternant de l'humour, c'est vraiment à se demander si quelqu'un a lu le scénario sérieusement. Quelque part on espère que non, puisque cela signifierait qu'il y a des décideurs qui rient pour de vrai aux jeux de mots sur les paiements en "bites connes" de Didier le Zgeg (ne riez pas, "c'est breton"), aux blagues inexplicables sur la moussaka, aux clichés sur la banlieue et aux humiliations d'hommes métaphoriquement castrés. Pour le dire vite, des décideurs qui rigolent pour de vrai à tout ce qui réduisait déjà Gangsterdam à une trace de morve éternuée par Cyril Hanouna, son humour homophobe et ses blagues sur le viol.

 

Darknet-sur-Mer : photoFranchement, on préfère mourir

 

LA VENGEANCE DE DAVID GOODENOUGH

On admettra tout de même que Darknet-sur-Mer ne fait pas preuve de la même malveillance que son infâme aîné, puisque le scénario fait régulièrement lui-même l'aveu de ses propres stéréotypes médiocres ("vous aviez besoin d'un flingue et vous êtes venus direct à la cité, c'est ça ?"). Darknet-sur-Mer est travaillé par les mêmes obsessions archaïques minables que Gangsterdam, planquées derrière un humour prétendument sale gosse, mais surtout beauf. L'agressivité s'est transformée en hypocrisie mal assumée, c'est peu mais on devra s'en contenter. En témoigne cette scène de dortoir dont le gag central est le quiproquo sur l'homosexualité de deux hétérosexuels, répété pas moins de sept fois en une minute.

On pourrait d'ailleurs résumer les insuffisances de Darknet-sur-Mer à cette seule scène, tant la série souffre d'un manque criant d'inspiration, bégaye ad nauseam les mêmes vannes pourries sur la taille des sexes mâtinées d'improvisations interminables d'Artus, de tentatives de recyclages d'humoristes en déshérence (Pascal Legitimus et Vincent Desagnat) et de références mal maîtrisées à la pop-culture pour faire jeune ("Call of ou God of ?", nos oreilles saignent). Ce qui en dit long sur la considération portée au public adolescent et à son intelligence.

 

Darknet-sur-Mer : photo, Théo Fernandez, ArtusAh nan mais no homo hein

 

Heureusement, dans la comédie d'action, il n'y a pas que de la comédie, il y a aussi de l'action, et sur ce volet-là, Darknet-sur-Mer a la décence de ne pas être pathétique, seulement nulle. On n'aura simplement droit à du sous Hot Fuzz / 21 Jump Street, avec deux trois courses poursuites en costume d'huître (oui) agencées à la va-vite et quelques fusillades mollassones assorties des hurlements paniqués de notre casting. La seule chose drôle là-dedans, c'est que les créateurs de la série ont revendiqué Fargo comme influence principale de Darknet-sur-Mer. Allez comprendre.

Quand bien même les séquences d'action sont pensées et découpées sans la moindre volonté de mise en scène et avec tout juste ce qu'il faut de savoir-faire pour être compréhensibles, chacune sera malgré tout chaleureusement accueillie par le spectateur, car permettant un temps d'échapper aux élucubrations du casting. En sommes, les seuls instants qui ne donnent pas l'impression de vivre dans la tête d'un agaçant gamin de 40 ans, celui qui confond juvénilité et immaturité.

Darknet-sur-Mer est disponible en intégralité sur Amazon Prime Video depuis le 7 octobre

 

Darknet-sur-Mer : photo

 

Résumé

En trois heures, Darknet-sur-Mer ne fait quasiment jamais rire, mais met quasiment toujours mal à l'aise. A n'ouvrir que si vous êtes un fan inconditionnel d'Artus.

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commentaires
Mon artus
16/10/2022 à 01:32

Pas mal !! Ça change des autres série française pourrie qui ne parle que de cul.

Eric le Français
16/10/2022 à 01:30

J’ai bien ris, Artus avec les Albanais c’est top. Je me demande pourquoi ça dérange tant qu’Artus ai dans ce rôle d’amitié avec les albanais…

Cinégood
13/10/2022 à 12:13

@Kyle Reese

Les membres des différents jurys du CNC sont publiques. Vous les trouvez sur le site, dans les différentes commissions. Ce sont des professionnels, des comédiens en passant par les producteurs, scénaristes et techniciens, tous les corps du métiers sont plus ou moins représentés et les "familles" du cinéma aussi (cinéma d'auteur, grand public...). Ils sont légitimes.

Alors quel est le problème ?

Il y en a plusieurs :
- Par exemple, lors de la phase d'écriture beaucoup de projets sont aidés, mais sont-ils viables ? Rarement. Il suffit de voir les résultats (publiques aussi) et vous aurez une petite idée de films et de séries soutenues à ce stade qui n'ont aucun potentiel.
- Avant de passer en comission (devant le jury), les projets sont lus par des lecteurs et lectrices. Eux sont anonymes. Ce sont souvent des gens sortis d'écoles : Femis (ouille !), CEEA... qui n'ont aucune légitimité si ce n'est d'avoir fait des études de cinéma. Connaissent-ils le marché ? Sont-ils capables d'être objectifs ? Ont-ils les capacités de juger alors qu'ils n'ont aucune expérience ?
- Bien évidemment, le copinage est très important et truc complètement la donne. Vous avez fait les mêmes écoles que les lecteurs ? C'est bon pour vous ? Vous les connaissez ? C'est encore mieux !
- Ces lecteurs favorisent-ils les meilleurs projets ? Malheureusement, il y a beaucoup de soupçons comme quoi ces mêmes lecteurs ou producteurs ce serviraient de la mane d'idées que sont les dossiers qu'ils lisent, pour piquer sans scrupules les meilleurs projets et les réécrire à leur sauce.
- N'oublions jamais que pour un diffuseur - et ce n'est en rien la faute du CNC - un casting "bankable" fera toujours la différence entre deux projets et même si c'est le plus mauvais qui a le "bon" casting, c'est celui-ci qui sera choisi.

Kyle Reese
12/10/2022 à 15:50

@Simon Riaux et @Lino Cassinat

Merci pour vos réponses à tous 2.

J'avais en effet oublié le clap de fin récent de Netflix avec sa politique des auteurs depuis la chute du nombre d'abonnés. Pires films de ces auteurs, tout le monde n'est pas d'accord avec vous Simon. J'ai énormément aimé Roma et The Irishman. Ces 2 films sont de haut niveau je trouve et ne font pas tache dans la filmo de leur auteur.
Je ne peux me prononcer pour le Fincher toujours pas vu, et c'est un tord ! :)
Pas vu les autres non plus. Mais vous avez sans doute raison pour le Jeunet qui s'est fait descendre partout. Comme quoi la carte blanche ne convient pas à tout le monde.

En soit je n'ai rien contre l'existence du CNC, qui est nécessaire, voir vital pour garder notre cinéma diversifié et vivant, mais plutôt contre son fonctionnement, plus précisément ses choix.
Je me demande qui le compose pour faire des choix pareils. Comment ce comité est choisi, et par qui, le ministrère de la culture peut être ? Sont-ils des gens de la profession, producteurs, scénaristes, prof de cinéma ? Ont-ils une légitimité particulière pour choisir les projets et être à même d'en apprécier la valeur ? Car le CNC a sa part de responsabilité dans l'état de la production de cinéma française actuel et sa baisse fréquentation.

Et oui c'était bien un extrait de la réunion des états généraux en effet, mais j'avais bien compris qu'il s'agissait de professionnels (de la profession merci Jean-luc G ^^) et non du CNC.
Mais c'était juste une sélection diffusée dans une émission d'actu hier je crois et ils n'ont pas parlé du CNC et de ce qui avait été dit à leur sujet. Je n'ai vu qu'un bout de l'intervention de Salvadori et Jaoui, Et bien tant mieux que ces professionnels leur aient mis un peu la pression même si je pense que cela doit venir maintenant de plus haut afin de mettre un bon coup de pied dans la fourmilière et changer les (mauvaises) habitudes afin de faire de meilleurs choix sélectifs. Après le CNC peut faire des erreurs, mais là vu ce qui se passe, et tout le monde le voit enfin qu'il y a un gros problème.

A suivre donc. ;)

Lino Cassinat
12/10/2022 à 15:00

Je complète ce qu'a dit Simon, dans le cas de Darknet-sur-Mer, il s'agit bien d'une aide sélective, c'est même la première fiction ayant bénéficié du Fonds d’aide sélective mis en place par le CNC pour soutenir la production audiovisuelle mise à disposition sur un service de vidéo à la demande, aussi appelé fond sélectif plateforme (FSP) : https://www.cnc.fr/professionnels/aides-et-financements/audiovisuel/production/fonds-selectif-plateforme-fsp_1571186

Donc en l'occurrence le choix a bien été fait sur scénario avec une commission et tout et tout;

Qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit cependant, le CNC est un instrument de protection et de diversité absolument nécessaire. Mais il est en proie à des biais parfois curieux qui le pousse à prendre des décisions critiquables en plus de jouir d'une aura d'autorité institutionnelle qu'il serait à mon sens bon de dépasser, et cela vaut pour le public, comme pour les professionnels, comme pour le CNC lui-même. Bref c'est une église à remettre au milieu du village, comme l'a dit Simon ce n'est pas parfait, mais ça ne veut surtout pas dire qu'il faille le jeter à la poubelle, au contraire.

Par ailleurs Kyle Resse, si la réunion à laquelle vous faites référence est les états généraux du cinéma, sachez qu'elle n'avait rien à voir avec une réunion du CNC, ce que vous sembler sous-entendre ? En tout cas j'y étais et le mot d'ordre général était justement de demander fermement au dit CNC de mieux tenir la barre, l'ambiance était très largement et unanimement critique du CNC, attention à ne pas tout mélanger.

Simon Riaux
12/10/2022 à 13:24

@Kyle Reese

Attention à ne pas tout confondre.

Tout d'abord, il y a quelques mois, Netflix a mis fin officiellement à sa politique de grande liberté et d'achat en masses de productions "arty". Deuxièmement, la plupart des auteurs que vous citez, pour libres qu'ils furent, ont réalisé leurs pires films pour la plateforme.

Ensuite, concernant le CNC, il dispose de quantités de dispositifs de soutien, certains qu'on pourrait appeler "qualitatifs" (avance sur recette, aide à la réécriture, etc) et d'autres, bien moindres, dits incitatifs, voire automatiques. Cela va concerner l'usage ou le développement de nouvelles techniques, où on ne sanctionne pas la valeur artistique, mais bien le travail sur de nouvelles techs et autres innovations. Et aussi des dispositifs pour encourager les plateformes à ne pas investir sur de méga-auteurs qui n'ont à priori pas besoin d'elles, mais bien sur des projets plus "jeunes", plus fragiles, et/ou d'initiative française. En gros, pour telle somme déboursée au sein de l'économie fr, on vous octroie telle somme. Soit exactement ce que pratiquent les anglo-saxons depuis belle lurette.

Et ça ne rend évidemment pas Dark bouse crotte meilleur. Ou le CNC parfait.

Kyle Reese
12/10/2022 à 13:05

Voilà ... le CNC ... il y a des professionnels de la professions dans ce comité ou c'est juste Gérard, Robert, Jean-Louis, et Michel qui décident comme ça au doigt mouillé d'attribuer de l'argent à des projets non viable voué à l'échec. Et ces mecs sont bien payé aussi ?

Est-ce que le CNC est sérieux ?

Parait qu'il y a eu une réunion de professionnel de cinéma la semaine dernière, j'ai vu quelques extraits dont celui ou Pierre Salvadori disait qu'il n'y a que dans le système de production de cinéma pour les salles que les auteurs ont une totale liberté et surement pas sur les plateformes de Streaming.

Sérieusement, comment dire une connerie pareille quand on voit Scorsese, Fincher, Spike Lee, Bong Joon-ho, Alfonso Cuarón,Paul Greengrass et d'autres qui ont bossé pour Netflix en ayant eu carte blanche !!!

Il n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir ... ^^

Darkkoubi
11/10/2022 à 22:34

Un soir, non ivre, je ne savais pas quoi lancer j'ai décidé de mettre darknet sur mer.
J'ai tenu seulement 11 min avant de vomir sur une vanne sur les handicapés et une situation d'agression physique sur le héros.

Je n'ai rien à ajouter, si ce n'est de passer votre chemin en courant

VU
11/10/2022 à 21:09

De la daube !

Ca ne dépasse pas la production d'un étudiant en deuxième année...

(Mention quand même à Gros Gitan et son compère Roushmof qui, eux, essaient de sauver les meubles ; ils ont du potentiel ! Par contre les deux geekous et la fliquette : zéro !)

Saiyuk
11/10/2022 à 19:13

C est dommage, sur scène Artus est une tuerie...

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