Le Flambeau : les Aventuriers de Chupacabra - critique S.O.S sur Canal+

sentence irrévocable

Fort du succès de son remake de Burning Love, la série américaine produite par Ben Stiller, Jonathan Cohen a vu les choses en grand pour le retour de Marc - et même en trop grand. L'idée du Flambeau était aussi attirante que casse-gueule : l'ancien pilote a quitté la luxueuse villa de sa télé-réalité à l'eau de rose pour participer à une émission de survie type Koh-Lanta et remporter les 450 euros à la clé.

En se tournant vers un programme plus populaire en France que le Bachelor, mais tout aussi codifié, cette deuxième saison promettait ainsi mille autres détournements moqueurs, en plus d'une ambition parodique revue à la hausse en termes de mise en scène, de construction de décors ou d'implication physique de la part des acteurs. 

Comme promis, les premiers épisodes passent ainsi en revue les étapes obligatoires de l'émission avec un mimétisme plutôt poussé : paysage de carte postale, plans filmés au drone, photographie éclatante et présentateur en chemise pour poser le cadre, suivi de l'arrivée en bateau, de la formation des équipes, des épreuves et des conseils, le tout ponctué par les portraits des candidats, leurs apartés face caméra et les explications de Jérôme Commandeur en voix-off.

Il n'en restera qu'un, devinez lequel

Un pastiche assez convaincant pour pardonner l'absence de générique et de Vincent Dedienne en Denis Brogniart de substitution, mais surtout pour se prêter au jeu. En revanche, la réalisation statique et le montage sommaires trahissent aussi rapidement l'économie de moyens et le manque d'envergure des épreuves sur lesquelles les épisodes sont censés s'articuler. 

Si l'espèce de parcours du combattant et la course de radeaux trouvent bien l'esprit parodique recherché en plongeant dans un chaos hyperactif, la série abandonne finalement le dynamisme propre à l'émission d'aventure pour des sketchs plus scéniques, et donc basiques. Passé la moitié de la saison, la série délaisse même sa dimension sportive pour lorgner sur d'autres compétitions télé moins contraignantes à singer comme La France a un incroyable talent, Top Chef ou Question pour un champion, avant d'y revenir in extremis dans un dernier épisode qui a du mal à faire oublier ce passage à vide. 

Le radeau de la médiocrité

CACAPHONIE 

À défaut d'exploiter tout le potentiel de son concept et de s'y tenir, Le Flambeau aurait pu camoufler ses limites techniques et ses pannes d'inspiration avec un humour aussi désopilant que dans la première saison, qui est devenue une source à memes inépuisable. Mais en plus d'un débit de punchlines réduit, cette nouvelle fournée est tombée dans tous les écueils que La Flamme avait habilement évités malgré l'idiotie de ses personnages et son ton absurde.

L'humour et les phrases bien tournées n'ont pas disparu du Flambeau qui profite de quelques illuminations - et illuminés comme le Dr. Juiphe -, mais les dialogues et répliques sont globalement moins réfléchis et recherchés. Contrairement à l'écriture de la précédente saison qui jouait sur la syntaxe, les contresens, figures de style et autres subtilités de la langue pour balancer ses inepties et quiproquos, les vannes de la nouvelle fournée sont plus basses du front et de la ceinture - mention spéciale pour le Patrice de Kad Merad qui joue une version à peine arrangée de son Beauf de France. 

Si seulement les moins drôles partaient les premiers...

De leur côté, la plupart des acteurs du casting sont des habitués de la comédie et laissent libre cours à leur physicalité et tempo comique, que le scénario bousille malheureusement trop souvent en étirant des vannes qui seraient plus efficaces si elles s'arrêtaient à temps. Le comique de répétition est quant à lui usé, que ce soit avec le complotiste de Thomas Scimeca et son "comme par hasard" insupportable au bout de la 20e fois ou les danses interminables des Marc.  

D'autres vannes ont du mal à prendre parce qu'elles reposent en grande partie sur les acquis de la saison 1, comme la déclinaison de la blague sur la Jean-Guille, le fait que tout le monde déteste Anne ou que Chatéléré ait des problèmes de pudeur. Même regarder Leïla Bekhti faire les gros yeux et se déchirer les cordes vocales en criant le nom de Marc devient lassant, et ça c'est vraiment triste. 

Maintenant, donnez-lui son spin-off

MAAAAAAAAAARC

Le Flambeau promettait une nouvelle dynamique après la vacuité d'une émission comme le Bachelor, mais aussi de creuser son personnage principal en le mettant littéralement à l'épreuve. Si Le Flambeau demandait avant tout du charme et que c'est à peu près tout ce dont Marc est capable, un jeu d'aventure exige au contraire de la force et de l'intelligence, soit tout ce qui lui fait majoritairement défaut. 

Mais le Marc au début de l'aventure est strictement le même qu'à la fin, son costume ayant pris plus cher que lui. Sa caractérisation n'est jamais approfondie ou contrebalancée alors que le scénario glisse plusieurs opportunités comme les réactions négatives qu'il engendre sur les réseaux sociaux, mais qui sont évacuées dès la fin de sa séance chez le psy.

Bientôt le crossover avec Serge le mytho

Plus globalement, la série ne sait tout simplement pas comment passer d'une saison logiquement centrée sur Marc à un ensemble de protagonistes supposés avoir la même importance dans l'aventure. Le candidat est donc inexplicablement surexposé par rapport aux autres et semble en permanence muni d'un collier d'immunité, sa participation n'étant jamais menacée. Mais le problème est à double tranchant puisque les épisodes accusent une sérieuse baisse de régime quand ils détournent ponctuellement leur attention de Marc pour s'intéresser aux autres aventuriers.

Entre ceux qui se complaisent dans leur caricature de départ comme William, Alexandra ou Hervé, et ceux qui tentent d'exister avec des arcs narratifs foireux comme Annick et Yvan en pleine crise existentielle, les personnages sont sabotés les uns après les autres, même ceux suffisamment consistants comme Soraya et Marina. La série a donc été victime de ses enjeux, avec un récit choral mal orchestré, un humour réchauffé, voire paresseux, ainsi qu'une réalisation trop sage et basique par rapport à la grandiloquence et au solennel de Koh-Lanta. 

Le Flambeau : les Aventuriers de Chupacabra est disponible en intégralité sur Canal+