Chucky : critique que Charles lirait sur Salto

Mathieu Jaborska | 25 avril 2022 - MAJ : 25/04/2022 17:23
Mathieu Jaborska | 25 avril 2022 - MAJ : 25/04/2022 17:23

Il fallait plus qu'un épisode canon au rabais (Le Retour de Chucky) et un remake opportuniste, quoiqu’audacieux (si, si) pour tuer Chucky. Les infatigables Don Mancini et Brad Dourif ressortent la poupée possédée de son carton, cette fois dans une série Chucky diffusée sur Syfy et USA aux États-Unis, récemment acquise par Salto en France. Huit épisodes pour investir le teen movie et sensiblement augmenter le bodycount de Charles Lee Ray. Attention, légers spoilers.

Brave Gars

L'énorme cliffhanger qui concluait Le Retour de Chucky confirmait l'obstination de Don Mancini, auteur n'ayant quasiment jamais quitté le giron de la saga depuis l'écriture du premier film, à quelques notables exceptions près. C'est justement ses récentes infidélités à la poupée qui promettaient de relever le niveau de cet ultime opus. Le scénariste a travaillé sur Hannibal et Channel Zero, deux des séries horrifiques les plus respectées de ces dernières années, et a même déclaré s'en être inspiré pour adapter Chucky au format sériel. De quoi échapper aux limitations évidentes du modèle long-métrage et enfin concrétiser ses ambitions mythologiques improbables ?

En un sens, oui. Sur le seul plan technique, cette nouvelle itération s'en tire bien mieux que sa prédécesseure en abandonnant les CGI à la ramasse pour animer le sadique miniature à l'ancienne - c'est à dire avec beaucoup de marionnettes et quelques animatroniques. La poupée Brave gars n'en devient que plus menaçante et drôle, les irrégularités des techniques en question trahissant sa nature de jouet maléfique. On compte à peu près au moins un meurtre par épisode. Pas de panique, donc : sous ses airs (avérés) de teen série trépanée du bulbe, Chucky est un divertissement un peu méchant, très légèrement gore et surtout rempli d'humour noir, qui s'insère plutôt bien dans la franchise.

 

Chucky : photo, Zackary ArthurL'école des fans

 

En fait, son format lui permet de s'affranchir de plusieurs scories inhérentes à la saga, en tête desquelles la réalisation de Mancini lui-même, l'un des principaux défauts du Retour de Chucky. Passé le premier épisode, l'auteur passe la main et tant mieux. Certains techniciens parviennent même à passer outre la photo très conventionnelle de l'ensemble pour imposer leur patte, comme Samir Rehem, metteur en scène de l'épisode 6, qui comporte le meurtre le plus inventif de la série et se termine sur une parodie narrative, esthétique et musicale des Nerfs à vif (il s'appelle d'ailleurs... Cape Queer).

Pas désagréable à regarder, parsemée d'assassinats parfois amusants, surtout quand ils sont accompagnés d'un morceau de musique de circonstance (de Off with your head au thème de Shining), Chucky avait une occasion en or de reconquérir un public lassé des DTV à la qualité aléatoire qui ont suivi La Fiancée de Chucky, voire de se mettre dans la poche quelques primo-arrivants. Toutefois, Mancini tient à l'univers qu'il a façonné au fil des années et qu'il avait convoqué dans son dernier film, et il compte bien poursuivre sur cette voie.

 

Chucky : photo, Zackary ArthurExpert en dissection

 

La saison est donc clairement découpée en deux parties. La première s'approprie les codes du teen movie et nous présente une galerie de nouvelles victimes potentielles, une nouvelle génération aux prises avec Charles Lee Ray. La seconde reprend là où Le Retour de Chucky s'était arrêté, réinvite une grosse partie des personnages de la saga et multiplie les clins d'oeil aux films précédents, pour se terminer dans le même gloubi-boulga narratif, qui laissera probablement sur le bas-côté quiconque n'a pas suivi assidument les pérégrinations vaudoues abracadabrantesques de notre poupée psychopathe. Un compromis logique, mais très handicapant.

 

Chucky : photo, Zackary ArthurJeff Panacloc origins

 

Latex education

Si elle n'a pas le culot de mépriser la génération qu'elle prétend décrire, comme c'est l'usage désormais chez les nostalgiques des vieilles licences de slasher (oui, on parle de Massacre à la tronçonneuse), cette saison 1 échoue à concilier son approche adolescente et son fan-service. Au milieu du récit, les codes du genre virent au prétexte. Et on comprend pourquoi ces jeunes héros sont traités par-dessus la jambe.

On suit donc Jake Wheeler, jeune artiste brimé par un père homophobe et des écoliers suffisants, qui déniche dans une brocante une innocente poupée Brave Gars, laquelle lui servira de matière première pour sa statue. Sauf que la poupée en question est évidemment Chucky, et qu'elle va le pousser à résoudre tous ses problèmes au couteau de cuisine. Mancini balance son mini-tueur au milieu d'une mare d'hormones en ébullition, agent du chaos dans un environnement instable. Une idée d'autant plus excitante qu'il en profite pour dévoiler à coups de flashback la jeunesse de Charles Lee Ray, qui a parfaitement réussi à muer sa colère puérile en folie meurtrière.

 

Chucky : photo, Zackary ArthurQu'est-ce qui peut mal se passer ?

 

Dommage donc qu'il doive sous-traiter tout ça pour laisser la place à sa mythologie bordélique après quelques épisodes. De fait, aucun de ces ados belliqueux n'est développé avec soin : ils évoluent d'une caricature à une autre grâce aux traditionnelles bluettes amoureuses et autres rédemptions forcées, avant que les grandes figures de la saga ne leur volent la vedette, renvoyant une majeure partie de leurs enjeux à l'arrière-plan. Et ce n'est pas la bande originale et ses tubes pop qui camoufleront l'évidence : le postulat adolescent est un cheval de Troie, renfermant toutes les élucubrations d'une saga bien confuse.

Aucun de ces deux aspects n'en ressort vainqueur. Les poncifs du teen movie plombent les velléités bis héritées des opus précédents et vice-versa, si bien que cette saison finit par pâtir de son tempo hybride, inutilement étiré sur 45 minutes. Il y a quelques années, la génialissime Ash vs Evil Dead avait prouvé que l'horreur débridée convenait particulièrement au format 30 minutes et à son rythme effréné. Ici, les meurtres amusants surnagent au milieu des lourdeurs du scénario, tentant maladroitement de relier la nouvelle génération et l'ancienne, pas aidées par un casting inégal (seuls Brad Dourif et l'une des reliques de la franchise s'en sortent bien).

Et le tout de s'arrêter sur un climax pas original pour un sou, une promesse non tenue, une bonne dose d'auto-congratulation provocatrice et l'annonce d'une saison 2 qui devrait a priori mieux digérer ses personnages. On a hâte de voir ça.

La saison 1 de Chucky est disponible en intégralité sur Salto depuis le 22 avril 2022

 

Chucky : affiche

Résumé

Obsédée par la rencontre entre la nouvelle et la vieille génération, Chucky finit par gâcher les thématiques de la première et la générosité de la seconde. Restent quelques meurtres amusants et la méchanceté de notre poupée Brave Gars préférée.

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