On the Verge : critique Sex & Delpy & the City sur Canal+

Geoffrey Crété | 26 septembre 2021
Geoffrey Crété | 26 septembre 2021

L'actrice et réalisatrice Julie Delpy (2 Days in Paris, La Comtesse, My Zoe) s'essaye à la série avec On the Verge, création Canal+ destinée à Netflix aux États-Unis. Ou l'histoire de quatre amies à la Sex and the City, sauf que c'est à Los Angeles, et que ces femmes ont passé la barre de 50 ans. Que vaut cette comédie avec Julie Delpy, Elisabeth Shue, Alexia Landeau et Sarah Jones ?

just like a woman

Où sont les femmes quinquagénaires ? Pas dans Sex and the City, portrait de la trentaine puis de la quarantaine (même si le mensonge de Samantha sur son âge a fini par être évacué, et que le revival And Just Like That… affrontera ce chapitre). Encore moins dans Girls, la série de Lena Dunham sur les millennials. The Bold Type, Dead to Me, Workin' Moms, Good Girls, Broad City... elles sont à peu près invisibles dans le paysage, ou alors en marge, comme dans Big Littles Lies avec le personnage de Nicole Kidman.

Dans On the Verge, elles sont au premier plan, et pas réduites à des accessoires. Justine, Anne et Yasmin ont passé le virage des 50 ans, et leur amie Ell n'est plus qu'à quelques kilomètres. Elles ont toutes au moins un enfant, et les pères dans les parages. Elles ont toutes un travail plus ou moins stable, avec des projets légèrement compliqués. Et elles ont toutes, évidemment, une semi-remorque de problèmes à gérer, et de névroses à cacher sous le tapis de leurs maisons de Los Angeles.

Créatrice, actrice, scénariste et réalisatrice de cinq des douze épisodes de cette saison, Julie Delpy n'est pas partie directement en croisade pour la défense des quinquas. Elle avait simplement envie de raconter l'histoire de femmes devenues mères sans que ce soit leur seul et unique rêve. Et comme l'indique le titre, qui joue du double sens de verge en français (le sacro-saint pénis) et en anglais (être au bord de quelque chose), ce sera pour en rire.

 

photo, Julie Delpy, Elisabeth Shue, Alexia LandeauParcours des combattantes

 

Julie jubile

S'il fallait rapprocher On the Verge de quelque chose, ce serait de 2 Days in Paris et 2 Days in New York, déjà sur les grands écarts culturels entre la France et les États-Unis. Julie Delpy reprend ici un rôle entre les deux continents : Justine, chef cuistot installée à Los Angeles. Elle gère un restaurant à la mode, un patron légèrement instable, un enfant et un mari (Mathieu Demy) dont le niveau de maturité est relativement proche, un chat cancéreux qui prend la maison entière pour sa litière, et un livre de cuisine semi-existentiel qu'elle doit écrire.

Sans surprise, la touche Julie Delpy est l'ingrédient atomique de la série. On the Verge alterne entre la douce folie, la vraie névrose, la petite tendresse et diverses réflexions sociologiques, toujours avec une légèreté enthousiasmante. D'un dîner presque parfait à une chic soirée couscous qui tourne à l'orage, en passant par une partie de paintball un peu extrême, la série est rythmée par plusieurs moments de pure comédie. L'amour des mots est là, rappelant à quel point Julie Delpy aime jouer avec les dialogues incisifs (mention spéciale aux quiproquos sur le dîner italien, et l'origine de ce drame).

 

photo, Julie DelpyLe Village des damnés

 

Et la créatrice Delpy a gâté l'actrice Delpy. Justine a quelques-uns des moments les plus décalés, et d'autant plus savoureux qu'elle est entièrement écrasée par son mari, pur loser de première classe. Entre un rhume apocalyptique et une séance de photos et de gêne extrême, c'est donc un festival, où l'actrice est parfaitement à l'aise. Avec un magnifique moment de vertige WTF quand Julie Delpy apparaît dans son propre rôle, dans une scène digne de Julia Roberts et Julia Roberts dans Ocean's Twelve.

 

photo, Julie DelpyFrench disconnection

 

plan à 4

Autre moteur de la série On the Verge : Alexia Landeau. Ce n'est pas simplement une des actrices de ce quatuor, déjà croisée dans la galaxie Delpy, dans le rôle de sa sœur dans 2 Days in Paris et 2 Days in New York. C'est aussi l'une des scénaristes de la saison, aux côtés de la créatrice. Et c'est ça l'autre force de Julie Delpy : avoir assemblé une belle équipe.

En première ligne, il y a aussi Elisabeth Shue, excellente actrice trop oubliée. Hier nommée aux Oscars pour Leaving Las Vegas avec Nicolas Cage, et également vue dans les suites de Retour vers le futur et Hollow Man, elle était enfin réapparue sur les radars avec la série The Boys. La voir dans un registre si doux, avec un personnage plus tendre et moins comique que les autres, rappelle à quel point elle mérite plus d'opportunités. Qu'elle soit créditée comme productrice est encore plus joyeux.

 

photo, Elisabeth Shue, Alexia Landeau, Julie DelpySOS détresse maternité bonjour

 

Dernière roue du carrosse : Sarah Jones. À peu près inconnue au bataillon côté cinéma et série, c'est une comédienne, poètesse et dramaturge plus que respectée côté théâtre et Broadway, notamment pour son militantisme. Dans On the Verge, elle croise Mathieu Demy (fils d'Agnès Varda et Jacques Demy, qui compose un parfait perdant), Giovanni Ribisi (acteur américain passé dans 1000 films, de Lost Highway à Avatar), et même Patrick Duffy (vieille gloire de la télévision américaine notamment connue pour Dallas et Notre belle famille).

De toute évidence, Julie Delpy voulait assembler un casting improbable et inattendu, et c'est l'une des réussites de la série. Et l'une des raisons pour lesquelles On the Verge ne ressemble à rien d'autre.

 

photo, Sarah Jones"Dallas ? Connais pas"

 

le coup de la PAnne

Mais ce carburant heureux ne suffit pas, et On the Verge montre vite ses limites. Julie Delpy est la première à dire qu'elle aime les choses bordéliques, et sa série en est une simple démonstration. Même si l'arc des personnages est parfois très clair (notamment pour Justine et Anne), la série semble avancer au petit bonheur la chance, au gré des péripéties plus ou moins gratuites. Les épisodes se suivent et se ressemblent peu à peu, comme un nouveau gag dans un sketch qui pourrait aussi bien s'arrêter d'un coup ou continuer des heures.

Ce n'est d'ailleurs pas anodin si les meilleurs épisodes obéissent aux codes les plus ordinaires des sitcoms américaines (un dîner catastrophique en quasi-huis clos, une soirée qui vire au chaos). Julie Delpy et ses co-scénaristes suivent un chemin tout tracé, et il n'y aura guère que quelques coups d'éclat (une réplique par ici, une idée par là) pour rehausser le tout dans l'écriture.

Ainsi, passé une entrée en matière réussie, avec un premier épisode séduisant, On the Verge débande. Le petit rire devient alors simple sourire face aux mésaventures domestiques des quatre femmes. Le gimmick de la voix off sur document Word, qui est plus qu'un hommage à Carrie Bradshaw, alourdit en plus la narration avec des conclusions artificielles et à peine assumées dans le récit. Et la sous-intrigue pseudo-espionnage qui débarque en cours de route n'arrange rien.

 

photoCouscous pour tous

 

Finalement, la chose la plus amusante dans On the Verge, c'est cette volonté de ramener les quinquas sur le même plan que les millenials. D'un coup de langue improvisé dans une voiture à une pool party chaotique, en passant par une surconsommation de drogue, les héroïnes de la série ne sont que les reflets un peu plus ridés (mais tout aussi drôles et charmants) des héroïnes de 20 ou 30 ans. Anne qui vit aux crochets de sa mère, Ell qui se cherche avec l'énergie du désespoir, Justine qui s'est enfermée dans un couple affreux, Yasmin qui pense pouvoir tout contrôler : le parallèle avec Girls est encore plus pertinent qu'avec Sex & the City. Après tout, la légèreté, l'immaturité et l'improvisation existentielle n'ont aucune date de péremption. 

Une note d'intention qui devient de plus en plus évidente au fil des épisodes et qui place On the Verge dans un coin à part dans le paysage des séries. Mais au-delà de ce charme, et malgré une fin de saison amusante où le spectre de la pandémie s'entremêle avec un petit chaos intime, pas sûr que cette Verge soit si belle et savoureuse.

On the Verge, disponible en intégralité sur MyCanal, et diffusé chaque lundi sur Canal+

 

Affiche

Résumé

On the Verge n'apporte pas grand-chose de neuf sur le sujet, et tourne vite en rond. Mais la touche Julie Delpy est là, notamment dans le choix des actrices, et avec ce petit grain de douce folie régulièrement présent.

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commentaires
Pi
27/09/2021 à 16:02

[J'ai tapé sur la mauvaise touche avant d'avoir fini mon texte, désolé]

Série franchement décevante pour ma part. J'ai arrêté aprés le second épisode.

Alors qu'il y a énormément de choses à dire sur le femmes de plus de 40 ans, là on est dans l'anecdotique vu, revu et rerevu dans toutes les sitcoms des années 70. Le dîner entre amis plein de quiproquos idiots même pas drôle ? Encore en 2021 ?
Et le pire c'est que pour une figure de style aussi usée que celle-là, Julie Delpy, non seulement ne la renouvelle pas mais n'ai même pas foutu de l'écrire correctement.

Après tout le reste, c'est du repompage mal fait de Sex and the city. Ça aborde la place des femmes dans la société du point de vue de la bourgeoisie américaine, même si le personnage principal est une française, c'est-à-dire des gens qui n'ont pas de vrais problèmes dans la vie et qui portent des jugements complètement hors-sol sur le reste du monde.

Ce sont donc des suites de micro-crises d'ados et de psychodrames sans intérêt d'enfants gâtés qui méritent des claques.

Le personnage principal, une femme-chef qui gagne sa vie doit en plus se taper un mari qui a oublié d'être adulte - et qui a un physique tête-à-claques - mais qui se comporte comme un petit tyran et qui ne participe à rien dans le foyer mais la rabaisse en permanence. Et au lieu de lui claquer le bec et de l'obliger à grandir tout en partageant la charge mentale, elle s'écrase. Et ses copines c'est guère mieux.

Tout ça est mal écrit et part dans tous les sens et au final ça ne parle que de choses sans importance. Aucun personnage n'est intéressant, pire, ils sont tous détestables tellement ils sont stupides.

Pi
27/09/2021 à 15:55

Série franchement décevante pour ma part. J'ai arrêté aprés le second épisode.

Alors qu'il y a énormément de choses à dire sur le femmes de plus de 40 ans, là on est dans l'anecdotique vu, revu et rerevu dans toutes les sitcoms des années 70. Le dîner entre amis plein de quiproquos idiots même pas drôle ? Encore en 2021 ?
Et le pire c'est que pour une figure de style aussi usée que celle-là, Julie Delpy, non seulement ne la renouvelle pas mais n'ai même pas foutu de l'écrire correctement.
Après tout le reste, c'est du repompage mal fait de Sex and the city. Ça aborde la place des femmes d

Geoffrey Crété - Rédaction
27/09/2021 à 09:53

@Kyle Reese

Et comme c'était en réponse à mon article sur On the Verge, je répondais naturellement que personne n'aime particulièrement les cases, ni moi ni Julie Delpy vu ses scénarios (et ni Girls ni Sex & the City, citées en intro et particulièrement féroces à ce sujet :)

Schtroumpfette
27/09/2021 à 06:46

J'adore Julie Delpy et je me réjouissais de voir Élisabeth Shue, actrice honteusement sous employée. Mais franchement, le premier épisode, qui était disponible gratuitement, était calamiteux - à part quelques petites scènes qui m'ont arraché un timide sourire. Ça ne m'a pas donné envie de voir la suite. Déçue ! J'ai préféré largement Jeune et Golri. Et pourtant je fais pile poil partie du public ciblé par Julie Delpy. Mais la sauce n'a pas pris, c'est foutraque et ça sonne faux. J'espère toit de même qu'il y aura une deuxième saison et que Julie saura gommer les défauts de sa création.

Kyle Reese
26/09/2021 à 23:55

@Geoffrey Crété

"on n'a pas attendu les séries ou les articles pour parler d'écarts générationnels"

Mais tout à fait, encore une fois ce n'est pas une critique de votre article en soi ni de la série que je n'ai pas vu. Et c'est tant mieux si Delpy s'en amuse, se joue voir se moque peut être un peu de ces cases souvent très formaté. Il y a aussi pas mal d'exemple de gens connus ou pas qui les dépassent. C'était juste un petit coup de chaud comme ça, j'ai l'impression qu'on en parle plus à notre époque car ça arrange pas mal le marketing et ça fait moderne. Après c'est sur que tout ça ce sont des faits avant tout, mais je n'aime pas trop les cases d’où surement ma réaction peut être exagéré.
.

Geoffrey Crété - Rédaction
26/09/2021 à 16:52

@Kyle Reese

Je ne vois pas ça comme une catégorisation, ce sont juste des faits. A la fois dans la vie (on n'a pas attendu les séries ou les articles pour parler d'écarts générationnels), dans la représentation, et dans les discours des créateur.rices ! Lena Dunham ou Julie Delpy en parlent, de manière très intéressante, que ce soit en interview ou dans leurs histoires.
Voir les cases ne veut pas dire qu'on s'y enferme ou s'en contente, la preuve avec On the Verge ou Girls. Je crois que c'est Hitchcock qui disait que c'est mieux de partir d'un cliché que d'y arriver, et c'est ça le ressort comique de ces séries (et de quasi toutes les sitcoms en fait je dirais).
D'ailleurs, il ne faut pas prendre une simple ouverture-intro d'article comme une grille de lecture essentialiste, je parlais de manière mi-froide mi-amusée du paysage des séries et du choix des sujets (à la fois côté créatif et production), pour contextualiser la série :)

Kyle Reese
26/09/2021 à 16:43

J’aime bien le parcours de Delpy même si je ne regarde pas trop ses œuvres. Un truc néanmoins m’agace dans l’article (rien de personnel) et de manière générale. C’est la catégorisation des générations. Les trentenaires, quadras, quinquas, millénaires … ou autres generation x y et bientôt z. Ça nous met tous dans des cases avec les clichés qui nous étouffent et met des barrières et des limites entre génération je trouve. L’âge n’est qu’un chiffre on devrait dépasser tout ça. Tient et les pauvres 2010 qui maintenant ce font harceler juste parce qu’ils sont nées à cette date. On en peu plus de ces catégorisations à outrances limitantes. Bref …

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