Transformers : La trilogie de la Guerre pour Cybertron - critique des chapitres 1 et 2 sur Netflix

Antoine Desrues | 11 janvier 2021 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Antoine Desrues | 11 janvier 2021 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Drôle d’univers que celui de Transformers, et sa mythologie entièrement centrée sur une ligne de jouets. Tout droit sortis des années 80 et d’une période de dérégulation des œuvres de fiction à tendance publicitaire, les “robots in disguise” de la marque Hasbro se sont taillés une place de choix dans la pop culture. Alors que la franchise n’a cessé de se refaire une santé par de multiples dessins animés et les films de Michael Bay, elle s’est désormais tournée du côté de Netflix pour une interprétation plus sombre de la guerre entre Autobots et Decepticons.

Toy Story

Si Transformers n’évoque pour vous que des explosions sous stéroïdes et les protubérances mammaires de Megan Fox, redonnons un peu de contexte. Alors qu’ils vivent sur la planète en péril Cybertron, nos chers robots capables de se métamorphoser en véhicules sont en pleine guerre civile, avec d’un côté le valeureux Optimus Prime, et de l’autre le tyrannique Megatron. À partir de là, le canon de la franchise (car oui, il y en a un) diffère quelque peu selon les versions, mais la majorité d’entre elles s’attardent sur la quête d’un artéfact surpuissant : l’All Spark, devenu nécessaire pour sauver Cybertron, et qui finit bien souvent par être découvert... sur Terre.

Avec La trilogie de la Guerre pour Cybertron, Hasbro se donne enfin l’opportunité de travailler en profondeur les origines de son univers. Après avoir dévoilé en juillet 2020 Siège, le premier chapitre de ce triptyque, Netflix a terminé le mois de décembre avec Le Lever de Terre. L'occasion de revenir sur cette nouvelle approche par la plateforme de streaming, plus surprenante qu’il n’y paraît.

 

photoSmall Soldiers

 

Dirigée par F.J. DeSanto, un auteur de comics déjà responsable d’une autre série Transformers, La Guerre pour Cybertron est clairement un projet de passionnés, désireux de se réapproprier les acquis de leur matériau de base. Cette nouvelle itération fait d’ailleurs un choix fort en revenant aux designs de la G1 (pour Génération 1), c’est-à-dire l'esthétique des premiers jouets et du dessin animé original, avec ses formes grossières, ses moulures plastiques et ses couleurs flashy. Derrière cette décision a priori portée par la nostalgie se cache la volonté d’ancrer les Transformers dans un monde à la dérive, plus prégnant et violent.

À vrai dire, la production design est un assez beau reflet de cette note d’intention. La série reproduit avec un niveau de fidélité impressionnant les figurines d’époque, le tout baigné dans un cel-shading du plus bel effet. Pour autant, les animateurs ont également développé des textures métalliques saisissantes, pour mettre en valeur des imperfections et autres éraflures issues de la guerre. En bref, cette trilogie prend ostensiblement la forme d’un coffre à jouets usé, manipulé par des enfants qui ont grandi.

 

photoMegatron et Shockwave, toujours les meilleurs !

 

Après tout, Transformers a toujours été le récit d’une espèce en voie d’extinction. Si le propos politique de la franchise n’a jamais été une priorité pour Hasbro, Siège et Le Lever de Terre choisissent de contrecarrer son éternel manichéisme en effleurant, l’air de rien, des réflexions pertinentes sur le pouvoir et l’arrogance de ces détenteurs, qui peuvent mener au chaos le plus total.

Les Autobots et les Decepticons sont dépeints comme deux factions finalement égales dans leur extrémisme idéologique. Il est même intéressant de voir se dessiner les séquelles d’un conflit de classes, ayant amené Megatron à devenir une sorte de Spartacus des temps modernes, tandis qu’Optimus est présenté comme un ancien bourgeois idéaliste, souvent mis en difficulté face à ses responsabilités de leader.

 

photoPlutôt Caspar David Friedrich ou Michael Bay ?

 

Cyber(tron)punk

Néanmoins, ces ambitions très louables peinent parfois à prendre corps. Malgré la courte durée de chaque chapitre (six petits épisodes), La Guerre pour Cybertron a tendance à traîner en longueur, la faute à une production limitée qui a sans doute vu un peu trop grand. Il est commun pour un dessin animé de recycler ses décors, mais l’ensemble en vient ici à des allers-retours rébarbatifs, quand ce ne sont pas des raccourcis narratifs un peu faciles.

Si l’animation est souvent aux petits oignons pour une production de ce genre, la série est tout de même engoncée dans une mise en scène assez fonctionnelle. Peut-être est-ce le grand spectacle cinégénique de Michael Bay qui revient à la surface, mais l’ensemble donne ici l’impression de ne pas atteindre son plein potentiel. Alors que le scénario développe avec une fluidité certaine le riche bestiaire des Transformers (les Quintessons, Scorponok et autres pirates de l’espace), on aurait aimé des scènes d’action plus mouvementées, spécifiques et inventives. Les corps malléables des protagonistes, pourtant au cœur de la magie de la licence, sont ici réduits à se mettre quelques beignes dans le pare-chocs, ou à viser comme des Stormtroopers dans des fusillades peu engageantes.

C‘est d’autant plus dommage que la série se fait souvent plaisir avec des envies stylistiques excitantes, que ce soient ses panoramas dépaysants, ses ralentis façon japanimation ou encore ses élans psychédéliques, qui n'en oublient jamais le côté coloré et funky de Transformers - même au vu du sérieux de l’entreprise. Il suffit de voir une séquence onirique avec un oiseau à tête d’avion pour retrouver ce petit grain de folie aussi désuet qu’amusant (ou ridicule, selon le degré de tolérance).

 

photo"Get off my plane !"

 

Une trilogie qui se met en quatre

D'ailleurs, La Guerre pour Cybertron s’avère étonnamment rafraîchissante par son premier degré, qui ne prend jamais de haut son concept, et exploite au maximum les petits chouchous des fans, de Shockwave à Elita en passant par Jetfire et Starscream. Évitant l’aspect unidimensionnel qu’on aurait pu craindre avec une telle œuvre chorale, la série s’efforce de donner à tous (ou presque) une personnalité et un but. La bonne surprise sur ce point est à chercher du côté de Bumblebee, qui débute cette aventure en tant que pilleur au service du plus offrant, avant d’être illuminé par la sagesse d’Optimus.

Tout ce beau monde est ainsi mis face à ses responsabilités, et La Guerre pour Cybertron trouve ses plus belles séquences en exploitant son contexte de guerre civile comme source de dilemmes pour ses protagonistes. Alors que la fin justifie les moyens, tous se retrouvent à faire des choix difficiles et parfois dans l'urgence, qui révèlent intelligemment ce qu'ils sont au plus profond d'eux-mêmes.

 

photoÇa cybertronne grave !

 

C’est dans ces points de non-retour que la série touche avec justesse au désespoir de ces robots déchus, au point de faire de Megatron le cœur émotionnel du projet, et non un simple tyran sanguinaire. Le premier épisode du Lever de Terre lui offre même l'un des meilleurs passages de la série lorsqu'il visite, confus, une usine Decepticon pour savoir s'il veut en récupérer l'énergie, quitte à condamner ses ouvriers.

Ainsi, cette nouvelle série Transformers parvient non seulement à dépasser certaines attentes, mais aussi à se présenter comme une porte d’entrée idéale pour les néophytes. Néanmoins, il faut pour cela accepter le nouveau doublage imposé par la série, qui n’a pas souhaité collaborer avec les acteurs originaux des dessins animés.

Un gros point noir qui résulte en des interprétations oscillant entre le passable et le catastrophique. Difficile de prendre au sérieux Jake Foushee dans sa tentative de piètrement reproduire la noblesse d’âme d'Optimus Prime, depuis toujours identifiée par la voix grave et incarnée de Peter Cullen. Heureusement que la série transpire de la passion de ses créateurs, surtout lorsqu’on sait ce qui nous attend pour un troisième et dernier chapitre hautement excitant...

Disponible en intégralité sur Netflix en France

 

affiche

Résumé

La Guerre pour Cybertron est une tentative réussie de ramener l’univers de Transformers à sa source, tout en lui apportant une maturité bienvenue. Dotée d’une production design à tomber et d’un propos étonnant sur le pouvoir et l’idéalisme, la série dépasse clairement son statut de série pour enfants à tendance capitaliste. Ses ambitions sont loin de toujours frapper juste, mais l’effort est là, et mérite qu'on s'y attarde. En bref, roll out !

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Lecteurs

(2.2)

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commentaires
l'autre
11/01/2021 à 13:49

ça fait envie et j'aime beaucoup la patte graphique pour unefois !

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