Quand Blumhouse remake un film européen bien méchant, il lisse forcément un peu les choses. C’est ce qui est arrivé à Ne dis rien, devenu Speak No Evil. Et ça n’a pas plu au réalisateur Christian Tafdrup.
Speak No Evil est sorti ce 18 septembre en France, précédé de bonnes critiques. Il faut dire que c’est le remake américain d’une petite pépite dano-néerlandaise pétrie de malaise, qui avait fait son petit effet en 2022 : Ne dis rien. James Watkins (Eden Lake, La Dame en Noir) remplace Christian Tafdrup à la réalisation. James McAvoy, Mackenzie Davis, Aisling Franciosi et Scoot McNairy récupèrent les rôles principaux.
Forcément, quand un studio américain aussi influent que Blumhouse s’approprie un long-métrage européen, certains ne manquent pas de souligner les différences entre les deux œuvres, et donc le coup de lisseur asséné par l’oncle Sam. Ici, Tafdrup lui-même a pointé du doigt le changement majeur. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ça ne lui a pas plu.
ATTENTION, SPOILERS !

Speak No Evil (enfin si, un peu quand même)
Le 11 septembre 2024, le cinéaste était invité par l’émission de radio danoise Kulturen pour discuter du remake. Et il ne lui a pas vraiment plu. Relayées et traduites par World of Reel (Ecran Large n’ayant pas encore en son sein de rédacteur danophone), ses critiques les plus dures concernent évidemment la fin.
« Je ne sais pas ce qu’ont les Américains, mais ils grandissent avec des histoires héroïques, où le Bien doit vaincre le Mal et cette version du film cultive ça. […] Quand je l’ai vu hier, j’ai constaté qu’ils n’auraient jamais de succès avec un film où les personnages sont lapidés à mort, comme dans le nôtre. Ces gens doivent se battre pour leur famille et vaincre le méchant […] C’est une sorte de happy-end, c’est profondément ancré dans leur culture que l’Amérique doit pouvoir gérer tout ça. »

Effectivement, dans le remake, une fois que le couple de héros découvre la vérité sur ses hôtes (ce sont des voleurs d’enfants), il est contraint de les affronter dans un long climax sur le modèle du home invasion. Évidemment, il finit par triompher.
Bien au contraire, dans la version originale, le processus va jusqu’au bout : l’enfant se fait couper la langue plein cadre et ses parents finissent nus, puis lapidés dans une séquence d’autant plus dérangeante que le mari responsable du week-end tente de protéger sa femme avant de succomber sous les coups.
Il va de soi qu’un film grand public américain n’irait jamais dans de telles extrémités. Une modification qui rend le remake « moins dangereux » aux yeux du metteur en scène, et plus approprié à l’industrie américaine de consommation.

Blumhouse n’en est pas à son coup d’essai. En 2015, il avait énormément aseptisé le Martyrs de Pascal Laugier, au grand dam du Français, qui n’a même pas eu la force de regarder le massacre en entier.
Ça se profile tout de même un peu mieux pour Speak No Evil au box-office, avec 24,2 millions de dollars amassés dans le monde en une semaine d’exploitation et une réception globalement positive. Un parcours qui donnera au moins un peu de visibilité à Ne dis rien et traumatisera quiconque s’en tiendrait à la fin de la version Blumhouse.
J’ai vu l’original. Un film étrange. C’est vrai que la famille victime faisait preuve d’une naïveté et d’une passivité surprenante jusqu’à la fin. En même temps, dans la société actuelle, à force de faiblesse et de lâcheté, nous avons laissé la violence s’installer et maintenant on ne s’étonne plus de rien. La violence est devenue complétement banale. Nous la supportons pour la plupart en silence donc ce n’est peut-être pas si étonnant que certaines personnes puissent se laisser tuer sans avoir la volonté ou la force de réagir.
Pourquoi le lien au début de l’article nous emmène vers un film espagnol qui n’a rien à voir ? « Speak no evil » est le film danois qui a donc inspiré ce remake. On se mélange les pinceaux là…
J’ai vu uniquement la version originale du film, pas encore le remake, mais déjà l’original m’a semblé interminable sans réelle justification. Le scénario est bourré d’incohérences, notamment dans le comportement des personnages : ils restent là, figés, sans réagir. D’accord, la peur peut paralyser, mais ici, c’est clairement exagéré.
Tout cela pour aboutir à une scène de lapidation et du langue coupée, qui semble être le seul objectif du film. Les antagonistes sont à peine développés, ce qui est incompréhensible pour un film qui dure 1h40. En résumé, c’est de la violence gratuite sans réelle profondeur. On attend, on attend, et tout ça pour une fin qui ne justifie en rien le temps passé.
Quant à la version américaine, je ne sais pas encore ce qu’elle apporte, mais si elle supprime la seule scène qui provoque un minimum de réaction (si on peut dire), ça ne présage rien de bon. En tout cas, à éviter si vous ne voulez pas perdre 1h40 de votre vie.