Le prochain Martin Scorsese ne sortira pas au cinéma, mais sur Netflix

Jacques-Henry Poucave | 22 février 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Jacques-Henry Poucave | 22 février 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Il faudrait être aveugle pour croire que Netflix et le mouvement industriel qui le porte ne sont pas en train de transformer durablement l’industrie cinématographie. La preuve par Martin Scorsese.

La nouvelle, sortie par IndieWire, fait déjà l’effet d’une petite bombe à fragmentation. Martin Scorsese ne produirait pas son prochain film, The Irishman, sous la bannière de Paramount comme prévu initialement, mais chez Netflix, qui aurait acquis tous les droits d’exploitation du film pour la rondelette somme de 105 millions de dollars.

Ambassadeur du cinéma mondial et de sa conservation, artiste révéré internationalement, Scorsese n’est pas réalisateur à prendre à la légère les questions de production et de distribution des œuvres. Comme il l’a plusieurs fois déclaré ces derniers mois, le metteur en scène s’interroge sur la capacité du système actuel à fabriquer, accueillir et propager des créations telles que les siennes.

 

Tournage"Si Durendal tape sur Silence, je plaque tout et je file chez Netflix."

 

Il semblerait que Scorsese ait tranché. Et ce choix symbolique appelle plusieurs réflexions. Tout d’abord, sur le papier, The Irishman n’est pas un film dont on supposerait qu’il soit complexe de le financer. Réunir De Niro, Pacino et Pesci pour un film de mafieux traitant du meurtrier de Jimmy Hoffa, voilà qui est à priori bien plus facile à vendre qu’un film aussi aride que Silence.

Et pourtant, tout porte donc à croire que les facilités et les conditions de productions offertes par Netflix sont de nature à faire passer l’artiste outre l’éventualité d’une sortie cinéma. Une décision révélatrice des tensions qui animent l’industrie mais aussi du nouveau jeu concurrentiel qui se noue.

Avec 5 milliards d’investissement dans la création en 2016 (oui, vous ne rêvez pas) la plateforme américaine est en situation de se payer non seulement des séries de premier plan, mais aussi des films de réalisateurs prestigieux. Ainsi, selon toute vraisemblance, les prochains longs-métrages de Jeremy Saulnier (Green Room) ou encore Park-Chan Wook (Mademoiselle) ne sortiront pas au cinéma mais directement sur Netflix. Comem ce fut le cas de l’excellent Under the Shadow, film d’horreur italien que Netflix n’a pas sorti en salles après un beau succès en Festival.

 

Photo Gangs of New York

 

La véritable question posée par la politique de Netflix, qui ne paraît pas désireux de céder de droits à des acteurs locaux (comprendre nationaux) mais souhaite plutôt se créer un catalogue et une plateforme capables de se passer au maximum d'intermédiaires entre l’entreprise et ses consommateurs, est celle de la distribution.

En effet, les distributeurs nationaux qui investissaient jusqu’à présent sur certains films « fragiles » ou économiquement risqués, de metteurs en scène côtés ou appréciés ne pourront pas s’aligner financièrement sur la machine à cash géante qu’est devenu Netflix.

Tout changement étant potentiellement pour le meilleur, la question n’est pas tant ici que de crier au loup, que de trouver rapidement des alternatives, dans un secteur qui ne peut se permettre de voir une partie de la production mondiale lui échapper mécaniquement.

En forçant une partie des distributeurs à s’investir dans les films dès la production (une politique qui semble désormais à l’œuvre chez Wild Bunch ou The Jokers), Netflix pourrait bien insuffler un changement de paradigme total, qui ira aussi bien de la disparition accélérée de la salle à la redéfinition des sources de financement des œuvres.

 

Photo

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commentaires
Téhéran
23/02/2017 à 10:17

@La rédaction
3under the shadow" ça fait très iranien pour un film italien...

Satan LaTeube
23/02/2017 à 09:20

"Réunir De Niro, Pacino et Pesci pour un film de mafieux traitant du meurtrier de Jimmy Hoffa, voilà qui est à priori bien plus facile à vendre qu’un film aussi aride que Silence.".
Il y a 20 ans oui, mais aujourd'hui ces gars sont considérés comme des have been par l'industrie, et surement pas bankables.

Greg
23/02/2017 à 00:07

Vous êtes sûr de vous, parce que j'ai lu aujourd'hui que Paramount était toujours en discussion pour distribuer le film sur le sol US ?!

un blasé
22/02/2017 à 20:40

@ Duranal

Merci pour la blague, Vive Julie Lescaut !!!! :))))))

Duranal
22/02/2017 à 20:04

Réalisateur que je trouve surestimé qui ne sait faire que du champ contre champ.