Danny Boyle revient sur l'échec de La Plage, la souffrance de Sunshine

Geoffrey Crété | 7 septembre 2015
Geoffrey Crété | 7 septembre 2015

Reparti dans la course aux Oscars avec Steve Jobs, le biopic écrit par Aaron Sorkin avec Michael Fassbender qui sortira le 6 janvier 2016, Danny Boyle est revenu sur sa carrière pour Variety.

Des premiers succès fulgurants (Petits meurtres entre amis, Trainspotting) aux échecs cuisants (La Plage), de la renaissance (28 jours plus tard) à l'Oscar du meilleur réalisateur (Slumdog Millionaire), la carrière de Danny Boyle est particulièrement excitante, d'autant qu'elle brasse de nombreux genres (thriller, comédie, science-fiction, horreur).

Interrogé par Variety, le metteur en scène est revenu sur chacun de ses films, parfois pour donner les raisons de ses échecs. 

 

 

Petits meurtres entre amis (1995)

"J'ai eu vraiment de la chance d'avoir un scénario tendu, serré, de 90 minutes. Parce qu'en gros on sait pas ce qu'on fait sur son premier film et il y a quelque chose de magnifique là-dedans. On ne peut jamais revenir à cette innocence. C'est une bonne chose de commencer par un thriller, parce qu'on ne va pas pouvoir avoir beaucoup d'argent et les thrillers n'en ont pas besoin. Je dis de manière un peu provocatrice que son premier film est son meilleur film, toujours, parce qu'il y a cette innocence, de ne pas savoir ce qu'on fait"

 

 

Transpotting (1996)

"Prendre des risques, c'est que j'ai appris. Je ne m'y suis pas toujours accroché mais je reviens toujours à ce constat. Et j'aime ça. C'est pour ça que les gens vont au cinéma. Ils ne vont pas voir ce qui est acceptable"

Une vie moins ordinaire (1997)

"A l'origine le scénario se déroulait en France et en Ecosse, et on l'a déplacé, bêtement, dans l'Utah et à Los Angeles. J'ai toujours voulu faire des films populaires et attirants, et pour ça, il faut à un moment ou un autre embrasser l'Amérique. Je pense qu'on aurait du faire un film plus extrême. Le scénario original était intensément violent, je veux dire horriblement violent, et je pense rétrospectivement qu'on aurait du garder ça. Mais on s'est dit, 'Ce n'est pas compatible avec la romance'. Mais en fait, l'opposition des choses est souvent le plus intéressant dans les films, quand elles s'opposent, ne sont pas lisses, ni appropriées l'une pour l'autre"

 

 

La Plage (2000)

"Ca a été un bon tremplin pour Slumdog parce qu'on a été en Thaïlande et on avait une énorme équipe occidentale, vraiment gigantesque. Quand on amène une équipe comme ça, c'est comme une invasion avec une armée. Ca ne peut pas être vu autrement par la population locale. On devient cette force énorme, brutale. Ca ne me convenait pas. Et ça a été agravé par le fait que je n'ai pas pu connaître les personnages. Je suis un gamin de la ville et je me retrouve à faire un film sur le paradis des hippies. J'ai essayé de changer le film pour qu'il parle plus de ce que les Thaïlandais pensaient d'eux, mais on ne peut pas faire ça sur un film à 55 millions. C'est un gros camion citerne. On ne peut pas le déplacer. Alors quand j'ai fait Slumdog, j'ai pris 10 personnes parce que je ne voulais pas avoir une armée"

28 jours plus tard (2003)

"C'était fantastique de travailler en numérique. Ca collait avec la nature guérilla de l'histoire. J'ai commencé à apprendre comment contredire la culture du film simplement avec la manière de faire un film. J'ai gardé cette idée de travailler d'une manière qu'on pourrait appeler non professionnelle. Je ne suis pas très fan des films totalement professionnels qui font les choses 'comme il faut'. Je pense pas que ça aide la créativité"

 

 

Millions (2004)

"C'était très personnel, mais si je n'ai pas écrit le scénario. C'était probablement une réaction à l'excès de 28 jours plus tard, de trouver une ambiance différence. Il faut se poser des défis. La scène la plus évidente du film qui manquait était une scène avec sa mère, et j'ai dit au scénariste, 'Il faut une scène avec la mère'. Il ne voulait pas mais il l'a écrit et c'est la plus belle des petites scènes. On apprend que parfois la chose la plus évidente est celle dont on a besoin"

Sunshine (2007)

"On se lance là-dedans et on se dit, 'C'est marrant, beaucoup de réalisateurs ne font qu'un film dans l'espace. Je me demande pourquoi'. Et on en fait un et on comprend : c'est impitoyable, et exigeant. Plus que tout autre genre, c'est étroit. Les options en tant que conteur sont incroyablement limitées, sans parler des limites techniques qu'il faut prendre en compte, jusqu'aux détails : comment les lacets se comportent en zéro gravité, comment les cheveux se comportent. La précision qu'il faut apporter donne des migraines, comme la patience qu'il faut avoir quand on attend les effets spéciaux. Si jamais je devais faire un autre film comme ça, je ferais une pause pendant le montage. Monter est une chose tellement organique. Ce qu'il faut faire c'est attendre tous ces effets spéciaux et prendre six mois. Je conseillerais à quinconque faisant un gros film à effets spéciaux de se prendre une pause"

 

 

Slumdog Millionaire (2008)

"On quitte l'Inde, mais l'Inde ne vous quitte jamais. C'est un endroit extraordinaire où on en apprend sur soit en tant que personne et metteur en scène. C'est un lieu incroyablement généreux et plein de contradictions. J'ai essayé de capter ça, et on l'a fait avec une histoire extrême. J'ai esssayé de mettre tous les éléments qui appartiennent à la ville, dans le film"

127 heures (2010)

"Comme sur Steve Jobs, j'ai appris que ce n'est pas parce que quelque chose n'est pas factuellement correct que ce n'est pas fidèle. C'était l'expérience d'Aron Ralston. Il avait vécu cette expérience et avait une mémoire photographique, tout devait être exactement comme il l'avait vécu. Evidemment on fait confiance à ça, jusqu'à un certain degré. Mais en réalité, un film, si c'est juste des faits, ne fonctionne pas nécessairement et n'a pas forcément l'air fidèle. Et c'est parce que quelque chose d'autre se passe dans l'art et dans les films"

 

 

Trance (2013)

"C'était intéressant parce que c'était notre séance de relaxation. C'est venu de l'expérience des Jeux Olympiques, qui a été immensément folle et stressante. Alors on a fait ce qu'on voulait être un thriller fun. Mais c'est une idée tordue et je pense que ça vient du fait que nos esprits étaient torturés par la responsabilité de faire les Jeux Olympiques. Il ne pouvait rien y avoir de sombre parce que c'est un spectacle familial. Alors tout a été dans Trance. J'ai apris que les trucs sombres sont toujours là. On peut faire un divertissement familial le jour, mais la nuit ce sera toujours là"

Steve Jobs (2015)

"J'ai appris sur le jeu. Particulièrement avec Michael Fassbender et Kate Winslet . De leur préparation mentale. Et ce n'est pas une question d'apprendre de manière servile les dialogues, même si c'était le cas là vu la nature du film. Mais l'exécution est simple en fait. Ils y vont juste. C'était extraordinaire. Il n'y avait pas de démarcation, 'Arrêtez de rigoler ! Arrêtez tout ! Action '!. C'était juste, 'Allez-y'. C'était du vrai jeu d'acteur, et j'ai adoré enregistrer ça, regarder ça se produire."

 

 

Tout savoir sur Danny Boyle

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commentaires
Fromage
08/09/2015 à 09:58

Un réal passionnant, qui sait prendre des risques et qui est toujours en "recherche". C'est assez fascinant à suivre.

Pseudo
08/09/2015 à 08:08

Voila un real dont j ai vu trop de sa filmo. Il faut que je corrige ça.

Très bon article

HyperSolarBob
07/09/2015 à 17:34

Sunshine, l'un des meilleurs films de SF de ces dix dernières années : Oh que oui !!!!

Holly
07/09/2015 à 15:23

Sunshine, l'un des meilleurs films de SF de ces dix dernières années. Des défauts certes, mais des idées absolument magnifiques.

Bolderiz
07/09/2015 à 13:43

Chouette article!

LambdaZero
07/09/2015 à 13:16

Cool d'avoir retranscrit ça. C'est toujours intéressant d'entendre un réalisateur se repencher sans langue-de-bois sur son œuvre entière, surtout un réal comme Danny Boyle à la filmographie inégale, mais souvent audacieuse.