The Baby, le dernier né des débrouillards de Radio Silence

Simon Riaux | 2 mai 2014
Simon Riaux | 2 mai 2014
Presque deux ans après la sortie (remarquée) de l'anthologie V/H/S et à quelques jours de la découverte de The Baby, un nom revient, auréolé de mystère. Radio Silence. Collectif de quatre membres rassemblés par un même amour du cinéma de genre et des tournages guérilla, cette entité encore à peu près inconnue chez nous pourrait bien devenir l'étendard d'une nouvelle génération de réalisateurs, ainsi qu'un modèle de débrouille technique et financière en passe d'inspirer les studios. Retour sur un épiphénomène emblématique du cinéma numérique.

 

 

Matt Bettinelli-Olpin, Tyler Gilett, Justin Martinez et Chad Villella sont quatre francs tireurs typiques de leur génération et de l'actuelle vague d'horreur low-fi qui a récemment envahi les écrans américains à base de fond footage et autres bandes d'horreur rétro. Après les retours sur investissement colossaux de projets aussi modestes que Sinister ou Chronicle, Hollywood scrute avec avidité la fourmilière du web, terrain propice à la découverte de jeunes pousses débrouillardes, connectées jusqu'au bout des ongles et en prise directe avec un public qui ne hiérarchise plus les écrans et consomme de la fiction aussi bien à domicile qu'en salle. Le quatuor arrive à point nommé, grâce à un court-métrage qui s'apprête à ensanglanter le web. Mountain devil prank fails horribly est un film de quelques minutes, visionné plusieurs millions de fois depuis sa diffusion en 2008. Radio Silence tient ici son premier fait d'arme et son passeport pour Hollywood.

Cette carte de visite peut sembler bien légère, mais elle respire l'inventivité et le système D, des qualités que ne pouvait manquer de remarquer Brad Miska. En effet, le fondateur de la référence anglophone pour ce qui est de la tripaille filmique, a des ambitions de producteur et souhaite se lancer dans l'horreur à petit budget, persuadé de tenir un filon. Il se lance donc dans l'aventure V/H/S où il convie plusieurs réalisateurs affiliés à l'horreur ou au fantastique, avec pour mission de tourner sans un kopeck et dans un temps record de brefs récits horrifiques. Radio Silence se voit confier le segment intitulé 10/31/98, au cours duquel un groupe d'amis à la recherche d'une soirée d'Halloween se retrouve en fâcheuse posture.

 


 

V/H/S a beau être reçu plutôt fraîchement par la critique, les recettes sont là et le public répond présent. Un succès qui appellera logiquement une suite, mais aussi de nouvelles ambitions pour Radio Silence. Car la progression du collectif est bien réelle, leur générosité palpable et leur maîtrise d'un sous-genre devenu planche à billet, le found footage, indiscutable. La Fox le sait et ne s'y trompe pas, confiant aux quatre compères leur premier projet d'envergure. Ce sera Devil's Due, devenu The Baby en France.

L'équipe qui les entoure n'est pas de la dernière pluie, loin de là, puisqu'il s'agit de celle réunie par le studio pour accoucher Chronicle, petit phénomène déboulé sur les écrans en février 2012 et qui aura su réconcilier les aficionados de supers héros et les fans d'Akira. À cette fine équipe s'ajoute un parrain de choix, Eli Roth, qui ne tarit pas d'éloges sur Radio Silence et ses qualités créatives. Le réalisateur de Green Inferno voit notamment dans The Baby bien plus qu'une relecture de Rosemary's Baby et n'hésite pas à qualifier ses jeunes poulains de véritables espoirs d'un cinéma de genre pas encore remis de la vague de Torture Porn qui l'a laissé exsangue. C'est que Radio silence n'y va par quatre chemins pour aborder le fantastique. Dans The Baby, nulle ambiguité, doute ou twist rebattu. Dès la promotion du film, sa bande-annonce et les premières minutes du métrage il ne fait aucun doute que la grossesse qui nous sera racontée n'aura rien d'ordinaire. Pas question de jouer sur la subjectivité des personnages ou de sous-entendre que la folie pointe le bout de son nez. Radio Silence veut faire dans la pure horreur satanique et s'en donne les moyens.

Et les quatre complices de nous revenir le 7 mai prochain avec un film incontestablement dans l'air du temps (caméra à l'épaule, genre assumé, goût du jump-scare plus que de l'horreur graphique, etc), mais dont les auteurs pourrait bien dynamiter la dimension strictement commerciale. Car si The Baby doit beaucoup au film de Polanski et assume cet héritage, le procédé du found footage pourrait bien renouveler un genre ultra-balisé et l'amener dans des retranchements inconnus. Car si les films fantastiques à connotation religieuse, pour ne pas dire néo-conservateurs-chrétiens, ont pignon sur rue depuis quelques années, ils ont eu bien du mal à renouveler l'imagerie d'un genre figée depuis plus de trente ans par L'Exorciste et Rosemary's Baby.

En lui injectant une dose de modernité et d'énergie inhérentes à ses méthodes de travail, Radio Silence à toutes les cartes en mains pour réussir là où des palanquées de Devil Inside ont échoué. Ces guérilleros du cinéma de genre révélés par Mountain devil prank fails horribly ont d'ores et déjà surpris leur monde à coup d'inventivité et de maîtrise discrète des nouvelles formes d'images démocratisées par le tout numérique. Espérons qu'ils soient capable de donner un peu de sang neuf à un genre qui n'attend rien d'autre que de trouver de nouveaux maîtres et de nouvelles formes.

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