Bande originale : Virgin suicides
La bande originale de Virgin Suicides a trouvé sa place sur les étagères des mélomanes aussi bien que sur celles des cinéphiles. Pour ceux qui seraient passés à côté de ce trésor électronique, voilà de quoi vous rattraper.
Sofia Coppola a soigné l'atmosphère de son premier bébé Virgin Suicides jusqu'à sa bande-son. On ne peut après écoute qu'applaudir le choix du duo Air pour donner ce qu'il faut de mystère et de drame à son conte tragique. Alors que l'histoire des surs Lisbon se déroule dans des années 1970 très psychédéliques, il fallait avoir l'idée de voir plus loin qu'une vague compilation de tubes de l'époque pour l'accompagner. C'est toute l'intelligence de ce choix qu'il faut d'abord souligner, car si un film doit beaucoup à son ambiance sonore c'est bien Virgin Suicides, tant il joue de mystères et de non-dits.
Air s'est montré à la hauteur de la tâche et les treize morceaux de leur composition oscillent entre désespoir et rêve. Seulement trois d'entre eux contiennent des paroles, et un seul (le premier de l'album, Playground love) est une réelle chanson, les deux autres utilisant savamment des extraits du film comme instruments de musique à part entière. La chanson apparaît comme la seule présence humaine de ce CD très froid. La voix pure de Gordon Tracks chante un amour de lycée mais aussi celui des gamins pour les surs Lisbon, avec son lot de naïveté et de simplicité (« You're a piece of gold »). Ce morceau sert de départ à un dégradé subtil, puisque sa mélodie douce sera détournée dans plusieurs morceaux instrumentaux, sans jamais donner l'impression de se répéter.
Les deux autres apparitions de voix sont consacrées à une évocation des envies naissantes de Lux dans le film. Le morceau The word 'Hurricane' est entrecoupé d'explications scientifiques sur la formation des tornades, superposées à des soupirs et bruits de baisers étouffés. La voix du professeur est ici aussi mystérieuse que celle qui conclura cette bande originale en forme d'album photos dans le titre Suicide underground. Ralentie par ordinateur, cette dernière enfle jusqu'à devenir inhumaine et raconte en filigrane le devenir de la famille Lisbon après le suicide des cinq jeunes filles. C'est sur ce constat que nous laisse Air, agrémenté de la phrase « Obvisously doctor you've never been a thirteen-year-old girl », qui prend ici une gravité nouvelle, et de la liste des cinq filles dont les noms s'égrainent avec monotonie.
Au-delà d'illustrer le magnifique film de Sofia Coppola, cette bande originale retrace complètement le parcours des filles, tout en relevant le côté mystique de leur détachement du monde. Bathroom girl , morceau aux sons d'orgue et de guitares, mélange les deux univers la mort et le monde qui entoure les surs Lisbon que les filles n'arriveront jamais à concilier. Avec ce disque plein d'impressions et de zones d'ombre, Air brouille habilement les pistes et nous place dans le doute qu'impose l'histoire incroyable des surs Lisbon, en propulsant d'un même coup cette bande originale dans la catégorie must-have de tout cinéphile qui se respecte.
| Tracklisting :
1. Playground Love |