Pour le réalisateur de Drive, Nicolas Winding Refn, Hollywood est en train de s'effondrer

Chloé Chahnamian | 2 janvier 2023
Chloé Chahnamian | 2 janvier 2023

Arrivée du streaming, système en perte de vitesse, pour Nicolas Winding Refn, Hollywood va très mal.

Depuis l'arrivée du streaming et sa propagation planétaire qui a transformé cet outil en habitude pour beaucoup de consommateurs, le monde du cinéma s'inquiète de sa propre survie. Alors que la crise sanitaire a impacté et impacte toujours la fréquentation des salles, que le streaming s'est installé dans de nombreux foyers et que l'inflation est ce qu'elle est, les cinémas sont confrontés à une crise économique historique.

Malgré tout, les gros succès du box-office 2022 comme Jurassic World : Le Monde d'après et bien évidemment Top Gun : Maverick redonnent un semblant d'espoir. Cette fin d'année 2022 a aussi été marquée par l'arrivée d'Avatar 2 : La Voie de l'eau, milliardaire après seulement deux semaines d'exploitation dans le monde. Même si ces scores sont encourageants, les nouvelles problématiques que rencontre le système hollywoodien pourraient causer sa perte. C'est en tout cas ce que pense Nicolas Winding Refn, le réalisateur de Drive.

 

Only God Forgives : photoNicolas Winding Refn face à Hollywood

 

Le cinéaste danois, qui a réalisé la trilogie Pusher avant de se faire connaitre du grand public avec Drive puis Only God Forgives et The Neon Demon, reviendra bientôt avec la série Netflix Copenhagen Cowboy. En pleine promo pour son nouveau projet, il s'est confié à Deadline sur l'état actuel du système hollywoodien :

"Hollywood est très séduisant et enivrant, mais c'est aussi un système qui s'effondre désespérément. Et je pense qu'ils s'infligent ça eux-mêmes. Qui sait ? J'adorerais faire quelque chose de grand et spectaculaire, mais je voudrais garder ma liberté, mon impulsion créative et le contrôle sur tout ça. [...] Pour que le cinéma survive, nous devons revenir en arrière et refaire des films. Il doit également y avoir un écosystème qui reflète les opportunités. Le streaming a forcé le marché du cinéma à se réinventer. Je ne pense pas que le cinéma en salle disparaitra, je pense qu'il existera toujours, mais il doit être stimulé pour devenir meilleur, être efficace et avoir du sens."

 

The Neon Demon : photoLe système en PLS

 

Après ses films danois, le cinéaste a migré aux États-Unis pour Drive et les autres avant de se pencher sur la série, un format qui lui permet probablement de mieux s'épanouir dans son art. Plus de trois ans après la sortie de sa série Amazon Too Old to Die Young avec Miles Teller et Jena Malone, il remet donc le couvert avec Copenhagen Cowboy, qui débarque sur Netflix le 5 janvier 2023.

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commentaires
Naysay
04/01/2023 à 18:00

Refn met le doigt en plein sur le "problème" de l'exploitation en salle et c'est d'ailleurs le même facteur qui a propulsé Netflix : l'impulsion créative ! Les producteurs misent trop sur des formules et pas assez sur les artistes. Combien de films sont des remakes ou des adaptations d'adaptations, le public veut être stimulé. Malgré la très grosse différence en terme de puissance financière des studios comparé à l'époque, les producteurs semblent plus frileux...

@Terryzir
04/01/2023 à 06:29

Je rejoins ton constat mais je ne suis pas tout à fait d'accord sur les raisons, notamment que ce serait les gens qui seraient à l'origine du modèle économique des salles en ne se déplaçant que pour les blockbusters.

Moi je pense au contraire que c'est l'inverse. C'est la concentration dans le secteur des salles de ciné qui est à l'origine du problème. Je viens d'une génération qui a connu les cinémas de quartiers et qui les a vu disparaître dans les années 90 au profit de complexes de salles en centre-ville. Dans ma région c'est CGR. Et dans les années 2000, ces complexes de centre-ville se sont vus entrés en concurrence avec les méga-complexes à l'extérieur des villes.

Or, le modèle économique d'une salle de ciné et celui d'un complexe de salles n'est pas le même. Les salles de ciné de quartiers programmaient peu de films sur un mois, faisaient des rétrospectives, les choses qu'on trouve encore dans les salles dites d'arts et essais. Alors oui, ça drainé surtout les cinéphiles et les familles une fois par an pour le Disney de l'année.

Les complexes, eux, sont devenus rapidement des sortes de fast food ne gardant à l'affiche que les films rentables sur le court terme et éliminant de leur programmation les films rentables à moyen et à long terme. Je crois qu'un film aujourd'hui doit faire ses preuves la première semaine sinon il sort de la programmation. Ça élimine donc la plupart des films indépendants. Il se trouve que la majorité des films qui sortent chaque année ce sont des films indés.

Il n'y a pas trente six moyens pour un film de devenir rentable rapidement, il n'y a que la pub et le marketing massif pour y parvenir. Le bouche-à-oreille est beaucoup trop lent pour ça.

Donc nous sommes passés en deux décennies d'un maillage de petites salles gérées par des petites entreprises familiales, souvent, en tous cas en province, à une concentration de salles détenues par quelques entreprises avec une plus grosse infrastucture qui ne peuvent être rentables qu'avec des gros films qui eux seuls ont les moyens de faire venir la foule grâce à l'impact de leur marketing. Et en vendant de la malbouffe en plus - on est loin des ouvreuses qui vendaient des paquets de bonbons "La pie qui chante" et des cônes "Miko" hors de prix entre les pubs et le début du film.

Et ce qui tue les complexes de salles c'est que ce modèle économique est dépendant des grosses prods américaines. Il se trouve que le Covid a permis aux studios de tester en grandeur réel le potentiel de la SVOD et de contourner les lois anti-trusts par la même occasion, qui existent toujours aux States mais qui ne sont plus respectées - ce qui ne veut pas dire que ce sera toujours le cas.

Et c'est ça le problème. Les studios qui investissent beaucoup de gros argent dans les blockbusters veulent récupérer le maximum de fric et les distributeurs en prennent un peu trop à leur goût, surtout en dehors des USA. C'est d'ailleurs pour ça que les résultat au B.O domestique sont ceux qui sont pris en compte dans la rentabilité d'un film et que ce B.O est devenu le seul indicateur de réussite d'un film aujourd'hui.

Comme nous sommes dans un système capitaliste pur, supprimer les distributeurs en les remplaçant par ses propres plateformes de SVOD est donc la solution. CQFD.

Mais c'est un mauvais calcul de leur part car rentabiliser un film à 400 millions de dollars par la SVOD reste très aléatoire.

C'est aussi pour ça que c'est absurde tout ce délire autour de "Cameron va sauver le cinéma". Ses films sont hors de prix à produire, ce sont des blockbusters qui ne reposent que sur un seul postulat, la technique de ouf du futur jamais vue auparavant. Des films qui ne peuvent être diffusés que dans un modèle économique à bout de souffle, les complexes de salles, celui-là même qui est concurrencé par les plateformes de SVOD des studios qui tentent de changer les règles de la distribution au niveau mondial.


02/01/2023 à 15:18

Pour que le cinéma en salle survive, il faut que les salles se souviennent que ce sont des salles. Si elles se contentent de diffuser des films, ben le streaming c'est cool. Et ce n'est pas en vendant du pop-corn (nul), que certains achètent pour se donner encore une raison rituelle d'aller au cinéma, que ça donnera du sens. Il faut qu'il se passe autre chose.
Alors il y a les présentations de films avec une véritable approche critique, qui peuvent être plus sympa en vrai que des vidéos Youtube. Il y a aussi une ambiance café-bar-pub à l'entrée (plutôt qu'une ambiance supermarché, franchement !) qui marche pas mal. J'pense qu'il y a vraiment moyen de faire quelque chose au niveau des bandes annonces, avec des animations, peut-être encore une fois une présentation incarnée par des gens, peut-être des best-of de campagnes de comm' des acteurs je sais pas... et donc ben évidemment il faut supprimer les pubs hein (désolé mais c'est plus possible la pub au cinéma, c'est comme ça c'est pas de bol). Et puis je sais pas, organiser une discussion post-projection... après un film il s'est formé une communauté d'espace et de vie... c'est la véritable différence entre la salle de cinéma et le visionnage chez soi. Sinon c'est quoi l'avantage de cette promiscuité forcée ? le bruit de discussion et d'éternuements, les lumières des téléphones et sorties de secours, les odeurs de sueur et de pop-corn, les rencontres dans le métro ou le parking ? Là y a de l'inertie, aller au cinéma signifie encore quelque chose de manière symbolique parce qu'il y a inscrit en nous le fait que ça signifiait avant quelque chose au niveau matériel... mais désolé, ça ne pourra pas durer. Il faut que le cinéma serve à quelque chose... de manière générale d'ailleurs faut arrêter de croire que le service c'est servir des gens ou des intérêts de gens, il faut servir à quelque chose (qui peut être immatériel hein, ok, mais alors de signifiant mais pas juste de symbolique). Les plateformes peuvent aussi permettre de faire des films.. et elles aussi elles courent des risques quand elles arrêtent de faire des films et des séries (et la ligne éditoriale et idéologique de Disney est bien plus discutable que celle de Netflix, par exemple, et pourtant elle est moins discutée sur ce site, je ne comprends pas bien pourquoi, bref).

alulu
02/01/2023 à 15:15

Si j'étais un alien et que je devais traiter les données brutes du box-office de 2019. Je conclurai en affirmant que la terre est sous une domination culturelle fomentée par des kids et des boutonneux :)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Box-office_France_2019

Sk.
02/01/2023 à 14:45

Refn est contradictoire... mais revient en arrière.
Y'a quelque années, il disait que le streaming c'est l'avenir, regarder les films sur son tel c'est le futur... d'ailleurs il avouait lui même qu'il allait rarement au cinéma, qu'il regardait des bouts de film sur son téléphone.
Contrairement à d'autre gros nom d'Hollywood, Refn reste passif... il s'est rangé du coté des plateformes en leurs donnant des séries dont ils en ont rien à faire et continue à faire beaucoup mais beaucoup de la réalisation pour les pubs.
Moi je veux bien qu'on se moque d'un Nolan ou Tarantino, mais ceux là ne font pas les choses à moitié pour faire revenir les gens en salles.
D'autres comme Fincher, disent qu'on est bien avec notre TV 4K à la maison. et continueront à travailler pour le streaming.
Il y'a une césure.

Terryzir
02/01/2023 à 13:41

Le cinéma en salles ne disparaîtra pas mais les films de cinéma d’auteurs, oui.
Winding Refn fait le même constat que James Gray : ce sont les films à grand spectacle qui ont la primeur des salles, parce que c’est ce pour quoi la foule se déplace.
Les spectateurs en veulent pour leur argent, ils sont là pour "s'évader", se divertir, en prendre plein les mirettes et n’ont plus d’attrait pour les oeuvres qui pourraient les grandir, les questionner ou les faire sortir des sentiers battus.

Il n’y a qu’à voir le succès d’Avatar actuellement : c’est le pur produit de notre démence culturelle, l'acmé de ce que l'industrie fait de pire et fait passer ça pour le meilleur. Un McDo pour les yeux. Le vrai mépris des studios est là : tout faire pour contenter bassement le spectateur devenu consommateur lambda.

Il y a 10-15 ans, avec un blockbuster qui cartonnait au box-office, les grands studios s’offraient le privilège de produire un Scorsese ou un Paul Thomas Anderson même si ça ne leur rapportait pas un rond. Parce qu’ils savaient qu'ils gagnaient plus que quelques billets verts à inscrire leur nom au catalogue (Netflix l'a très bien saisi). Ils se rachetaient une dignité en produisant un cinéma digne de ce nom, peu importe les recettes engendrées.
Mais ça, c'était quand on comprenait l'importance de ce qu'on regardait.

Kyle Reese
02/01/2023 à 12:54

En effet, il a 100% raison. En tout cas lui ne cède ni à la facilité ni aux sirènes hollywoodiennes et continu de tracer sa voie dans ce qu'il sait faire de mieux, à savoir du NWR, de l'art, qui me fascine toujours.

Eddie Felson
02/01/2023 à 10:44

«  nous devons revenir en arrière et refaire des films »… tout est dit!