Cannes 2018 : critique à chaud de BlacKkKlansman de Spike Lee

Simon Riaux | 16 mai 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 16 mai 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Cela faisait bien longtemps que Spike Lee n'avait pas rejoint la Croisette pour y présenter un film en compétition. Le retrouver pour BlackKklansman, pensé comme une réponse cinglante à la présidence Trump était la promesse de retrouver un des brûlots dont le réalisateur avait le secret.

 

photo, John David Washington

 

KLASS KLASH KLAN

Ron Stallworth est le premier afro-américain à intégrer les forces de police de Colorado Springs. Son premier fait d'armes remonte à 1978, alors qu'il fomente l'invraisemblable infiltration d'une cellule du Ku Klux Klan, qui le mènera jusqu'à David Duke, alors Grand Sorcier de l'organisation. Face caméra, Alec Baldwin éructe entre deux quintes de toux les antiennes du discours suprématiste blanc, à coups de positions et d'accent sudiste. Sur son corps, on distingue en surimpression images de propagande, carte du territoire et autres joyeusetés. Risible et angoissante, cette introduction annonce un retour en forme éclatant et vitriolé.

Une belle tenue qui durera le temps d'intégrer tous les personnages au récit. Dès lors, le réalisateur Spike Lee fait le choix de la comédie pouët-pouët, décrivant les membres du Klan comme autant de macaques consanguins proférant par anticipation les plus célèbres punchline de Donald Trump.

 

Photo John David Washington, Adam DriverLes buddies de notre movie



SADSPLOITATION

Qu'on ne s'y trompe pas, les cent minutes qui suivront seront souvent drôles. Fort d'une harangue ré-énergisée, le cinéaste militant enchaîne répliques et dialogues savoureux et emballe un long sketch du SNL, régulièrement tordant. Il ne faudra malheureusement pas en attendre plus, tant il a abandonné toute ambition formelle. Une paire de split screen paresseux et une bande son d'époque tiendront lieu de carte de visite blacksploitation en forme de cache-misère. C'est avec un certain désespoir qu'on atteint la dernière séquence fictionnelle du récit, où Lee retrouve son sens de l'image le temps d'un grandiose travelling compensé.

 

photo, John David Washington


C'est justement cette célérité politique qui fait défaut à BlacKkKlansman. Dénué de tout enjeu dramatique jusque dans son dernier tiers, le film commet même l'erreur de verser dans la pure schizophrénie. Alternant entre une séance de réconciliation surréaliste où l'on châtie le vilain flic raciste et un montage des manifestations racistes de Charlottesville, le réalisateur confesse ainsi qu'il ne sait plus où donner de la tête, ni appréhender la situation actuelle autrement que par le biais de l'info en continu.

Cette fausse légèreté, cette paralysie du discours déçoit d'autant plus que Spike Lee se fait une nouvelle fois génial directeur d'acteursJohn David Washington dégouline de classe et compose avec Adam Driver un duo impeccable en forme d'appel à la réconciliation des opprimés, tandis que Harry Belafonte délivre un speech d'une intensité mémorable. On regrettera donc d'autant plus que BlacKkKlansman fasse le choix de l'anecdotique, versant par endroit dans le mépris de classe contreproductif qui aura des décennies durant façonné le ressentiment des électeurs de Trump.

 

photo, Topher Grace

 

Drôle, vif... mais anecdotique et contreproductif, aussi bien artistiquement que politiquement.

Note : 2,5 / 5

 

photo

Tout savoir sur BlacKkKlansman

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commentaires
Benjamin
20/05/2018 à 12:52

Spike Lee a eu énormément de mal à faire des bons films, entre commandes insipides (ce remake de Old Boy...) et trop peu d’œuvres originales ces dernières années. Je ne doute pas que ce film soit léger et certainement pas digne d'un Grand Prix de festival. Mais c'est, encore une fois avec Cannes, un prix politique et non cinématographique. Dommage.

FredFred
20/05/2018 à 12:09

@Dirty Harry
"Si c'est bébête politiquement, alors ça aura un prix. Oops déjà fait"

Excellent !

Rorov94
20/05/2018 à 06:14

@sylvincretin
Effectivement.belle bouse.
Elle aura participé au déclin de Norton!
L'acteur,pas l'anti-virus ducon!

sylvinception
20/05/2018 à 01:48

@Rorov94 : "le reste de sa filmo est nulle"

c'est vrai que la "25ème heure" c'est vraiment une belle bouse...
(crétin)

sylvinception
20/05/2018 à 01:46

@rorov : "le reste de sa

Dirty Harry
20/05/2018 à 01:06

Si c'est bébête politiquement, alors ça aura un prix. Oops déjà fait.

Rorov94
19/05/2018 à 21:53

SPIKE LEE!
Typique du réal qui se prend pour un génie.
«amenez moi une batte de base ball que je botte le cul à Soderbergh!»avait-il crié à Cannes en 1989 après s'être fait chourrer la palme par l'autre génie auto-proclamé...
C'est vrai qu'en 1989 le choix était difficile entre DO THE RIGHT THING et SEX,LIES AND VIDEOTAPE...nannnn... j'déconne,y'avait aussi BATMAN,L'ARME FATALE 2,INDY 3 et ABYSS.
LEE n'est bon qu'en mode «tacheron»(j'dit pas«yes man»ce serai mal pris...):MALCOM X,INSIDE MAN,SUMMER OF SAM.
Le reste de sa filmo est nullle!
Moi je dit:le Grand Norman Jewison devait réaliser MALCOM X,INSIDE MAN par Ron Howard,MIRACLE A SANTA...Scorsese....bref,là ont aurait eus des chefs d'oeuvres.
Lee avait la hype des 90'c'est tout:un look,des potes ultras célèbres(Jordan,Jackson,Public Enemy..)ça s'arrête là.

Dernière minute:même pas fichu d'avoir la palme d'or...comme disait l'autre:«pearl harbor n'a pas suffit,ont a lancé le magnétoscope!»
Les japs ont recommencés!

fantôme raisonnable
17/05/2018 à 14:22

Vos commentaire ne sont pas raciste mais on sent qu'il y a toujours un problème quand même. Je ne suis même pas noir mais de comparer Kubrick à Spike lee c'est bof bof surtout pour Descendre Spike lee de manière assez sec avec cette comparaison.
Cherchez même pas à répondre ou à nier ça se voit comme le nez au mileiu du visage que le sujet vous gênes.
Je dirais juste qu'entre vous et Kubrick il y a plus qu'un monde...

Simon Riaux
17/05/2018 à 09:59

@roti

Outranciers certainement, mais pas grossiers pour autant. Et comme vous le dites, entre Kubrick et Lee, il y a un monde.

Sans compter que ce qui désamorce grandement l'épaisseur du trait chez Kubrick, c'est la grande intelligence et finesse de la mise en scène. Un domaine dans lequel Lee n'est pas au même niveau.

roti
16/05/2018 à 20:24

Les personnages de Docteur Folamour ( film pamphlet et humoristique ) étaient caricaturaux voire même ridicule et pourtant là ça passe. Ce que l'on reproche à l'un, on ne le reproche pas à l'autre....c'est un peu brut. Après, je ne dis pas que le dernier film de Spike Lee c'est du "kubrick qualitat".

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