La réalisatrice Catherine Breillat défend Harvey Weinstein, dézingue #metoo et accuse Asia Argento de mensonge

Christophe Foltzer | 30 mars 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Christophe Foltzer | 30 mars 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Depuis le mois d'octobre, c'est le bordel. Harvey Weinstein, #metoo, on assiste à un gigantesque règlement de comptes public. Et si cela s'est un peu calmé ces dernières semaines, il suffit d'une étincelle pour que le feu ne reprenne. Et Catherine Breillat arrive avec une boite d'allumettes.

[EDIT] : Asia Argento lui a répondu, et ça fait mal.

Ces dernières années, Catherine Breillat apparaissait plus dans la rubrique faits divers que dans le volet culture des magazines. Entre ses problèmes de santé et l'escroquerie dont elle a été victime par Christophe Rocancourt, celle qui avait défrayé la chronique il y a presque 20 avec Romance s'est faite plutôt discrète. Mais pour cette artiste très engagée, notamment dans la représentation de la femme au cinéma dans toute sa réalité, la période actuelle ne pouvait que la faire sortir de son silence. Invitée au micro du podcast The Murmur, Breillat s'est donc lâchée sur tout ce qui se passe en ce moment et, préparez-vous, on est très, très loin du discours officiel en vigueur sur les réseaux sociaux et dans les médias.

"Malgré tout, je pense que les Européens ont perdu énormément avec la perte d'Harvey Weinstein. Il faut avoir à l'esprit que vous avez des producteurs français qui n'ont pas été dénoncés - je ne dirai pas leurs noms, même si j'en connais trois qui sont extrêmement respectés. Je ne sais d'ailleurs pas pourquoi ils n'ont pas été dénoncés en même temps, alors qu'ils y avaient tout à fait leur place."

 

photo

Harvey Weinstein

 

Après cette introduction musclée, la réalisatrice revient sur les propos de Jessica Chastain, bien avant l'explosion de #metoo, qui s'était payée Le Dernier Tango à Paris de Bertolucci :

"Bien avant que ne commence le mouvement #metoo, j'ai été ulcérée par les propos de Jessica Chastain contre Le Dernier Tango à Paris. Si vous l'écoutez, ce film n'aurait jamais dû se faire. Maria Schneider aurait été violée. Mais Jessica Chastain n'était pas sur le tournage et c'est complètement faux. Moi, j'y étais et c'était purement de la fiction."

On rappelle que la scène qui a mis le feu aux poudres est celle de la sodomie à coup de plaquettes de beurre qu'opère Marlon Brando sur la jeune comédienne, qui n'avait encore jamais tournée de scène de nu à l'époque et qui ressortira de l'expérience avec une dépression carabinée.

"En réalité, cette scène était totalement intellectualisée. Ils n'ont absolument rien montré. Je pense qu'il vaudrait mieux protéger nos enfants de la pornographie que du Dernier Tango à Paris. J'étais très en colère quand Jessica Chastain a dit ça. J'étais indignée."

 

Photo Marlon Brando

Le Dernier Tango à Paris

 

Puis arrive le moment où l'on parle de #metoo et de son équivalent français #balancetonporc et, là encore, la sulfureuse réalisatrice a pas mal de choses à dire : 

"Je suis totalement contre #balancetonporc. Il est trop facile d'accuser quelqu'un anonymement avec un simple hashtag alors que nous avons un système judiciaire. Et il ne faut pas oublier que la France a une histoire avec la dénonciation, une sorte de #balancetonjuif. Nous savons que #balancetonporc est né d'un désir de vengeance. Ce n'est pas là pour diminuer les femmes. Il y a de vrais viols et une vraie violence. En français, le mot "violence" contient "viol". C'est pour cela que la réception de mes films était aussi terrible."

Si Breillat ne nie pas qu'une violence verbale peut faire autant de ravages qu'une violence physique, surtout sur des jeunes filles, elle met cependant en lumière, dans la suite de ses propos, une certaine responsabilité de la personne passée un certain âge. En effet, pour elle, lorsque l'on a 25 ou 30 ans et que l'on se rend dans une chambre d'hôtel, "on sait très bien ce qui va se passer." Elle préconise donc davantage une éducation des jeunes filles, pour qu'elles aient conscience de la réalité ainsi que les moyens de se défendre.

 

Photo Romance

Romance

 

Si l'on fait un raccourci idéologique, comme c'est la norme en ce moment, on pourrait penser que Catherine Breillat n'est pas vraiment féministe. Or, c'est tout l'inverse, à une nuance près :

"Je suis une féministe, mais pas dans mes films. Le féminisme peut aller trop loin, jusqu'à une forme de respect qui n'est pas nécessaire. Bien sûr, le viol et la tentative de viol sont des crimes. Et ils doivent être lourdement condamnés, ce qui n'est pas toujours le cas."

Enfin, histoire de finir en beauté, Breillat se paye ensuite Asia Argento, qu'elle a dirigé dans Une Vieille Maitresse en 2007 et qui fut un des fers de lance du mouvement ces derniers mois en accusant Weinstein d'agression sexuelle. 

 

Une vieille maîtresse

Asia Argento dans Une Vieille Maitresse

 

"Je ne crois pas Asia. Elle était très, très jeune à l'époque... Et s'il y a une personne que je ne crois pas, c'est bien elle. Asia est quelqu'un d'assez servile. Je ne lui ai jamais demandé d'embrasser mes pieds, c'est ce genre de personne. S'il y a bien quelqu'un qui a les moyens de se défendre, qui n'est pas timide quand il s'agit de sexe, qui le pratique beaucoup et qui ne cache pas son désir pour les hommes et les femmes, c'est bien elle. Donc je ne la crois pas.

Pour elle, disons que c'était motivé par un intérêt personnel. C'était une sorte de semi-prostitution. Harvey Weinstein n'est pas le pire être humain qui soit, tout autant qu'il n'est pas l'homme le plus stupide. Asia a peut-être été déçue de ne pas être devenue une grande actrice hollywoodienne, mais c'est dû aussi à d'autres choses : la drogue et pleins d'autres choses. Alors elle se sent probablement amère. Et l'amertume peut pousser certaines personnes à en dénoncer d'autres si on veut obtenir quelque chose et, lorsque vous ne l'obtenez pas, vous vous sentez humilié. Très franchement, je n'aime pas Asia Argento. C'est une mercenaire et une traitresse."

 

[EDIT] : Asia Argento lui a répondu, et ça fait mal.

 

 

Photo Breillat

Catherine Breillat

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commentaires
Chuck M
05/04/2018 à 15:18

Merci, Madame Breillat de cette précision concenant “Le dernier Tango…” vous au moins vous y étiez. J’etais Moi aussi furieux à la lecture de ce tweet de Jessica Chastain avec son tissus de mesonges, contre vérités et accusations sur des personnes qui ne sont plus là pour se défendre. Cette Dictature du “pourquoi penser quand on peut tweeter…” me rend vraiment malade. Plus que jamais sur ce film Pauline Kael avait raison, sa force et son intesité restent intacts encore aujourd’hui alors que nous vivons « Online » dans un monde ou reigne la pornographie, l’ignorance et la bêtise.

Shingo
01/04/2018 à 13:28

Je suis sûr qu'elle avait même pas ramené de beurre cette rustre!

Shingo
01/04/2018 à 13:26

Et sinon Steve, inviter un hardeur sur le plateau sans prévenir la jeune actrice et la laisser se démerder avec lui et son énorme chibre pendant qu'il se branle et qu'il dit qu'il veut pas simuler, ça va c'est aussi féministe comme démarche ou bien?

STEVE
01/04/2018 à 13:12

Vu l'attaque personnel je doute "fantasmer" ;)

Enfin je n'ai pas ete a cours d'arguments puisque j'ai repondu.

Ensuite traiter dirty harty de "neo-facho" même si je ne partage pas ses idées ça en dit long. Un peu reac ok mais pas neo-facho faut pas tout melanger.
Mais ce type d'amalgames et raccourcis sont caracteristiques de vos ecrits.
Comme l'extreme deformation des propos de breillat dans l'article sur la reponse de asia argento.
Vos articles sont pourris par la subjectivité.
Ce n'est pas du journalisme.
Juste un défoulement de frustrations.

Et puis catalogue de fachiste toute personne qui n'a pas vos "opinion" pseudo-progressistes (alors qu'il s'agit de caricature) en dit beaucoup sur votre intolérance vous qui pretendez etre un "humaniste defenseur des femmes" haha

Une vraie caricature.

Shingo
31/03/2018 à 22:10

J'ai bien aimé aussi son trip sur les trois producteurs européens.

"mais y en a un c'est vraiment un enfoiré. Mais je préfère pas dire qui c'est..." Bah ferme ta gueule alors Catherine.

Shingo
31/03/2018 à 21:52

On s'en remet une ptite couche?

Que voulez-vous dire ?
Le scénario n'omettait pas la crudité des scènes, mais il restait très flou quant à la manière dont elles seraient tournées. Idem pour l'identité de Rocco Siffredi, restée secrète jusqu'à la veille du tournage de la scène [un coït tourné en plan-séquence, NDLR]. A l'époque, je croyais qu'il s'agissait d'une star traditionnelle à la Delon ou Depardieu... Quand Siffredi est arrivé, je ne savais même pas qu'il était une star du porno ! Je m'en suis rendu compte lors d'un dîner avec lui, Catherine et le producteur du fi lm. Ils parlaient sans cesse d'oscars gagnés par Rocco. Ca m'intriguait... Alors j'ai demandé : « Tu as vraiment gagné des oscars ? A Hollywood ? » Ils ont tous éclaté de rire... Le lendemain, sur le plateau, Catherine ne donnait pas d'indications précises, elle s'en remettait au bon vouloir des acteurs. Pour moi, ça tombait sous le sens que la scène serait simulée. Et Rocco, en bon professionnel, était convaincu qu'il fallait passer à l'action... Au bout du compte, il était aussi déstabilisé que moi.

Du coup, la scène était-elle simulée ou non ?
Bien sûr qu'elle l'était ! Enfin, c'est mon point de vue... Si vous posez la question à Rocco, il vous dira qu'il n'y avait pas simulation... Catherine m'en a beaucoup voulu d'avoir évoqué publiquement cette séquence, me reprochant d'en avoir désamorcé le mystère.

Votre brouille vient-elle de là ?
Entre autres, oui... J'ai surtout très mal vécu une conférence de presse en Italie durant laquelle j'ai rendu hommage à la génération de ma mère, au combat des féministes, etc. Après ça, Breillat m'a demandé de quitter la salle sur-le-champ. Elle s'était sentie violemment contredite, comme si ma conception du rapport homme-femme, bien différente de la sienne, prenait le pas sur le propos de « Romance ». Par la suite, j'ai été complètement écartée de la promotion du fi lm à travers le monde.

Shingo
31/03/2018 à 21:48

Ouais toute en finesse Breillat..

"Nulle part ailleurs, ce que la jeune actrice Caroline Ducey y a déclaré, à propos du tournage, dans Romance, de la longue scène de sexe entre elle, petite bourgeoise inquiète, et l'acteur pornographique Rocco Siffredi: «J'ai fait une crise de nerfs et pété les plombs. Rocco était là pour le faire pour de vrai. Pas moi. Et Catherine Breillat (la réalisatrice, ndlr) n'a rien dit.» Silence sur le plateau: les trois sont là, côte à côte. Au centre, en blouson de cuir fin et noir, le blond Rocco est plus élégant et flegmatique que jamais. Breillat rigole."

Visiblement, elle a bien appris sur le tournage du dernier tango!

http://www.liberation.fr/medias/1999/04/14/apres-coup-le-vit-en-face_271251

Fennec
31/03/2018 à 21:42

@Simon Riaux

Présomption d'innocence. Je n'invoque rien du tout. Je prends du recul et j'évite soigneusement de juger trop vite. Ce que vous ne faites pas, puisque Breillat est de toutes façons coupable à 100% pour vous, et Asia Argento est forcément victime à 100%.

Le débat autour de ces hashtags porte essentiellement sur le côté chasse aux sorcières et justice populaire. Pas sur la véracité ou non des viols. Tout le monde sait qu'un viol est abominable et doit être puni. Mais notre rôle de citoyen, et a fortiori votre rôle de media, c'est de laisser la justice aux tribunaux, surtout sur ce genre d'affaire. Un tweet, un hashtag, ce n'est RIEN. Vous êtes dans votre rôle quand vous relayez ces infos, selon votre ligne éditoriale. Vous ne l'êtes plus quand vous tirez les conclusions hâtives graves, assorties de quelques insultes qui rabaissent les protagonistes ou les lecteurs qui ne vont pas dans votre sens.

J'insiste : vous ne savez pas grand chose de la réalité des faits sur lesquels Breillat et Argento s'affrontent. Vous en savez autant que moi ou ma voisine. Vous ne savez que ce que vous lisez dans les interviews ou sur Twitter. C'est une version contre l'autre. Et un hashtag #metoo n'est pas la preuve de quoi que ce soit, et n'est pas un totem d'immunité pour celui qui l'utilise.

Maintenant j'insiste sur un point : ce genre d'histoire prouve clairement une chose. "Les femmes" du cinéma ne souffrent pas toutes d'une même voix, et ont toutes un regard différent sur ces questions, contrairement à ce que les medias , dont Ecran Large, aiment répéter depuis plusieurs mois.

Bref la vraie vie est un peu plus confuse et complexe qu'un hashtag.

Shingo
31/03/2018 à 21:40

Faut dire aussi que c'est particulièrement chiant le cinéma de Breillat. Et qu'elle a pas forcément le cul propre sur des comportements limites sur ses tournages d'après mes souvenirs.

Une de ses actrices a plutôt mal vécu une scène avec ce grand acteur reconnu qu'est Rocco Siffredi non?

David Lynche
31/03/2018 à 19:18

@ Simon Riaux :
comme quand on en arrive à insulter ceux dont on ne partage pas l'opinion. La paille dans l'oeil du voisin, tout ça...

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