Festival de Saint-Jean-De-Luz : Jour 1 - mauvais temps et bons films

Christophe Foltzer | 3 octobre 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Christophe Foltzer | 3 octobre 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

C'est désormais la tradition sur EcranLarge, chaque année en octobre depuis plus de 5 ans nous suivons le Festival International du Film de Saint-Jean-De-Luz consacré aux premiers et deuxièmes films, histoire de prendre la température de notre medium préféré et de se faire une idée de son avenir. Et on démarre avec du très, très lourd cette année.

 

Sauf que voilà, cette année, il y a comme un souci dès le départ : il fait moche, et c'est inadmissible. On ne vient pas en Pays Basque pour se taper le même temps qu'à Paris et après ce triste état de fait et une plainte en bonne et dûe forme aux organisateurs du Festival, les choses ont repris leur cours normal puisqu'un beau soleil nous accueillait à l'issue de la projection de cet après-midi. Et quand on voit la qualité des premières oeuvres présentées, on se dit que l'on va encore avoir droit à une très grande édition.

 

Photo LuckyLucky

 

LUCKY :

Histoire de se mettre dans le bain, nous commençons notre périple avec Lucky, de John Carroll Lynch, film d'autant plus important qu'il est le dernier auquel ait participé le grand Harry Dean Stanton avant son décès. Ce triste évènement donne d'ailleurs un goût particulier au long-métrage, tout entier construit autour d'un nonagénaire pétant la forme de façon inexplicable, qui ne croit plus en rien et qui termine ses jours dans un petit village en plein désert. Dès ses premiers plans, le film annonce qu'il sera une déclaration d'amour à son comédien, dont l'histoire semble en grande partie inspirée de son propre parcours et rien des outrages du temps ne nous est épargné. On se croirait presque dans une suite tardive du Paris, Texas de Wim Wenders tant certaines images nous le rappellent, et Harry Dean Stanton aussi. Grande réflexion sur le sens de la vie et l'illusion de notre existence face à notre mortalité programmée, le film est bouleversant et on hallucine quelque peu devant la maitrise de son sujet par le réalisateur tant sur le fond que sur la forme. Un film tourné en famille puisqu'il invite David Lynch dans un rôle particulièrement touchant et le grand Tom Skerritt, dans celui bref mais marquant d'un ancien militaire, permettant ainsi à deux acteurs d'Alien de partager une dernière fois l'écran. Le film est beau, très beau, et très émouvant tout autant qu'intelligent. Il fait partie de ces oeuvres qui restent à l'esprit longtemps après leur projection et nous sommes encore sidérés de sa dimension prophétique concernant Harry Dean Stanton qui nous livre ici un formidable testament. Et c'est qu'il va nous manquer le bougre.

 

Photo Simon et ThéodoreSimon et Théodore

 

SIMON ET THEODORE :

Changement de registre avec Simon et Théodore, le deuxième film de Mikael Buch, comédie dramatique à la After Hours qui nous propose un portrait de personnages quelque peu originaux. Entre Simon, qui sorte de l'asile et dont la femme rabbin attend le premier enfant, et Théodore, jeune adolescent perturbé qui n'a jamais connu son père, la rencontre va être explosive. Enfin, ça c'est sur le papier, parce que in situ, le film souffre quand même de quelques défauts d'écriture et de rythme qui nuisent quelque peu au plaisir que l'on peut ressentir. Il ne s'agit pas tant du fait que le film hésite toujours entre la comédie et le drame, cet écart étant plutôt agréable, mais plus que Simon et Théodore n'encadre jamais réellement son sujet, passant une moitié du film en compagnie de la rabbin et de la mère de Théodore (très bonnes Mélanie Bernier et Audrey Lamy ceci dit),ce qui nuit à l'impact de la relation entre les deux personnages-titre qui n'a donc jamais vraiment le temps d'éclore et se permet quelques raccourcis un peu embêtants. N'en reste pas moins une bonne direction d'acteurs (Félix Moati en tête, impeccable), quelques beaux moments mais une écriture trop mécanique qui désincarne son récit nous gâche quelque peu le tableau. Dommage.

 

Photo l'échange des princessesL'échange des princesses

 

L'ECHANGE DES PRINCESSES :

Le film qui ouvrira le festival ce soir, et que nous avons en avance ce matin, est une très belle surprise et l'on regrette qu'il soit présenté hors compétition. Deuxième réalisation cinéma du romancier Marc Dugain, L'échange des Princesses accumule pourtant des handicaps qui pourraient le tuer dans l'oeuf : un film d'époque avec un budget serré et des héros enfants. Or, il n'en est rien, le film est un petit miracle. Revenant sur l'accession au trône de Louis XV qui, à 11 ans se vit marié de force à la fille du roi d'Espagne, âgée de 4 ans, pour éviter toute guerre entre les deux pays, le long-métrage nous propose une vision désanchantée de l'aristocratie que nous n'apprenons pas dans nos livres d'école où tout est manipulation de l'humain au profit du système. Une histoire assez dramatique, à laquelle se rajoute celle, en parallèle, de Mademoiselle de Montpensier, 12 ans, mariée de force au futur Roi d'Espagne, qui montre avec beaucoup de subtilité et de sensibilité l'exploitation d'enfants au profit d'une "cause" qui les dépasse, à savoir la perpétuation de leur dynastie. Des enfants déjà blasés, plongés dans un ennui mélancolique depuis leur plus jeune âge, presque déjà mort et qui devront se conformer, ou non, à leurs responsabilités. Outre un Olivier Gourmet très bon comme d'habitude, et un Lambert Wilson parfait de bout en bout, ce qui impressionne dans le film c'est la qualité des jeunes comédiens qui, du plus âgé à la plus jeune font preuve d'une maturité de jeu saisissante. Alors que généralement un enfant comédien rime avec embarras, leur interprétation toute en nuance, toute en regards et en respirations en font de vraies figures et une expérience assez troublante. Lorsqu'une jeune fille de 4 ans rêvant au prince charmant parle comme une adulte entre deux sourires innocents, cela marque forcément. Bien que le film souffre de quelques faiblesses de rythme dans sa seconde partie, L'échange des princesses est une très, très bonne surprise qu'il ne faudra pas rater lors de sa sortie en salles le 27 décembre prochain.


On le voit, cette nouvelle édition du Festival de Saint-Jean-De-Luz commence sous les meilleurs auspices et nous a déjà réservé de grands moments. C'est dire si on a hâte d'être à demain. A suivre donc...

 

 

Photo FIF st jean de luz

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