Films

Todd Solondz, le cinéaste culte et cruel qui détruit et choque l’Amérique depuis déjà 20 ans

Par Geoffrey Crété
19 octobre 2016
MAJ : 21 mai 2024
6 commentaires
Affiche officielle

La sortie du Teckel rappelle que Todd Solondz est l’une des plus grandes figures du cinéma indépendant américain, depuis Bienvenue dans l’âge ingrat jusqu’à Dark Horse.

En version originale, Le Teckel s’appelle Wiener-Dog : le surnom du chien-saucisse au coeur de l’histoire, mais aussi une référence évidente à Dawn Wiener, héroïne de Bienvenue dans l’âge ingrat moquée et insultée de Wiener-dog par ses camarades, au point d’avoir le surnom tagué au dessus de son casier. Dans l’une des dernières scènes, toute l’école hurlait ce délicat surnom à la pauvre fille, venue sur scène réciter un discours.

 

Photo Heather Matarazzo

 

Ce personnage de victime marginale, interprétée à l’origine par la fabuleuse Heather Matarazzo, est revenu hanter le cinéma de Todd Solondz. Parfois sous d’autres formes, comme dans Dark Horse, même si Dawn elle-même est devenue son égérie. Il a l’enterrée dans la première scène de Palindromes en 2004, et la ressuscite en 2016 pour Le Teckel avec Greta Gerwig pour l’incarner. Le cinéaste a plusieurs fois essayé de ramener Matarazzo dans ses films, mais celle-ci a refusé d’être son Antoine Doinel pour construire une carrière curieuse, passée par Eli Roth et Wes Craven.

 

Greta Gerwig

 

Qu’importe : la filmographie de Todd Solondz fonctionne en miroir, repliée sur elle-même, bien au-delà des acteurs. Les personnages de Happiness reviennent dans Life During Wartime avec d’autres visages, l’héroïne de Palindromes passe par plusieurs corps et âges, Selma Blair incarne la même femme dans Storytelling et Dark Horse – le générique de fin précise bien « Miranda, anciennement Vi ».

Le cinéma de Todd Solondz, c’est l’éternelle boucle du cauchemar américain, comme une vague qui vient constamment s’échouer sur le rivage de l’humanité. Comme l’inquiétante pyramide de la terreur de Bienvenue dans l’âge ingrat : Dawn est insultée par ses camarades, même l’autre souffre-douleur qu’elle tente d’aider, et ressort cette violence sur sa petite soeur en réutilisant les mêmes insultes. Comme les vieux démons de Joy et les autres, plus présents que jamais dans Life During Wartime, dix ans après Happiness.

 

photo Dylan Riley Snider

 

Dans Le Teckel, Dawn recroise Brandon, ce bad boy qui, en menaçant de la violer dans Bienvenue dans l’âge ingrat, cherchait simplement un moyen de lui témoigner son affection. Ils rendent visite à son frère trisomique, évoqué au détour d’une scène dans le film de 1996. Deux décennies sont passées, les acteurs et le cinéma américain ont changé de visage, mais au fond, tout est semblable. La misère a beau changer de forme, elle reste la même. Même avec le poids du temps, même en temps de guerre, même au contact d’un adorable chien.

 

Photo Dark Horse

 

Le Teckel se termine avec Ellen Burstyn, vieille femme aigrie et rongée par ses regrets. Elle pense qu’elle est en train de mourir, mais elle est en réalité assaillie par tout ce qu’elle aurait pu être, si elle n’avait pas été une horrible personne. Le cauchemar est sans fin, l’humanité est un puit sans fond. Le huitième film de Todd Solondz n’est pas son meilleur, mais rappelle que le cinéaste de 57 ans n’a pas dit son dernier mot.

La preuve : lors de la présentation du film à Sundance, des spectateurs outrés par la fin ont hurlé au scandale et quitté la salle quelques instants avant le générique. Même un peu assagi, le réalisateur iconoclaste n’a pas fini de heurter les esprits trop tranquilles. Et qui pourra s’en plaindre ?

 

Photo

 

Rédacteurs :
Tout savoir sur Bienvenue dans l'âge ingrat
Vous aimerez aussi
Commentaires
6 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Totempkof

Forcément commencer par celui-ci c’est pas l’idéal. Ce serait comme voir Femme fatale et ne pas comprendre pourquoi De Palma est considéré comme un grand.
Le meilleur moyen de comprendre Todd Solondz c’est vraiment avec Bienvenue dans l’âge ingrat et/ou Happiness selon moi.

SMQ

A priori, pas vu ses films précédents, mais pour Wiener-dog, je n’ai pas accroché du tout. Y’a quelques bons moments, mais sinon j’ai trouvé ça long, con et sans grand intérêt…Ce n’est que mon avis évidemment.

blop

Merci! Ça me donne envie tout ça. je m’en vais découvrir mister solondz.

Dirty Harry

C’est à la fois sarcastique et acéré, cruel tout en franchissant allègrement toute forme de morale, ce qui en fait un cinéaste assez inédit, pas classable et peu identifiable par d’autres tons et styles qui pourraient lui être affiliées (ce n’est pas du Bunuel, ce n’est pas du Haneke ou du Fassbinder, c’est du Solonz). Je vais courir sur le prochain bien évidemment…

Pog

@blop

C’est plus qu’irrévérencieux. Happiness par exemple, c’est un film assez incroyable et fantastique. Son meilleur pour beaucoup.
Bienvenue dans l’âge ingrat est excellent aussi.

blop

Jamais vu un de ses films.est ce aussi irrévérencieux ? Quelqu’un a des avis sur ses films ?