Albert Dupontel, un réalisateur entre Terry Gilliam et les Frères Coen

David Da Silva | 25 novembre 2009
David Da Silva | 25 novembre 2009

Albert Dupontel est un auteur à part dans le paysage cinématographique français, un réalisateur avec un univers atypique, un mélange d'humour noir décalé et de violence. En seulement quatre films, Albert Dupontel s'est placé à mi-chemin entre Terry Gilliam (un des membres des Monty Python) et les frères Coen. Egalement acteur, l'ancien humoriste est un des meilleurs comédiens français, capable d'incarner des rôles physiques (Le Convoyeur), comiques (Monique) ou dramatiques (Irréversible) avec la même aisance.

 

 

 

Né à St Germain-en-Laye en 1964, fils d'un médecin, Dupontel arrête ses études de médecine pour des cours de théâtre (il fait même partie de la troupe d'Ariane Mnouchkine) et devenir un des meilleurs humoristes français par la suite (avec des sketches cultes comme le bac de philo et Rambo). Mais son vrai désir reste le cinéma,  il commence vraiment à faire l'acteur pour Jean-Michel Ribes (Chacun pour toi avec Jean Yanne) et Jacques Audiard (Un héros très discret). Son objectif n'est pas d'être comédien mais réalisateur, afin d'affirmer sa vision du monde. Il commence par un court-métrage, Désiré, qui le prépare à son plus grand projet, son premier long-métrage Bernie.

 

 

 

Bernie est un orphelin de 30 ans qui décide un beau jour de quitter l'institution dans laquelle il travaille depuis sa majorité. Il désire découvrir la vérité sur sa naissance. Intelligent, drôle, violent, gore, ce premier long-métrage nous raconte une histoire classique dans une forme complètement barrée, qui joue autant sur la noirceur que sur le burlesque (les séquences où Bernie trucide ses victimes à la pelle). C'est d'ailleurs un des aspects qui peut rapprocher ce film de Brazil de Terry Gilliam, un des films préférés de Dupontel. Fausse comédie mais vrai conte noir, ce film rencontre un joli succès à sa sortie et s'impose comme un vrai film culte avec des scènes hilarantes : Bernie mange la tête d'un canari, Bernie qui tabasse une employée de la DDASS avec une gouttière...

 

 

 

En France, le deuxième film est toujours très attendu (surtout que Bernie avait obtenu une nomination au César de la meilleure première œuvre) et Dupontel décide de rendre hommage aux frères Coen. C'est un secret pour personne, l'auteur français est un grand fan et son Créateur est très proche de Barton Fink avec John Turturro : un auteur, contraint à l'isolement pour écrire en un temps restreint, se retrouve face au syndrome de la page blanche et au mystère de la création. Le film atteint aussi souvent la folie des Monty Python avec le chevalier chargé d'une croisade particulière (comme dans Sacré Graal), les rencontres avec un Jésus persécuteur (La Vie de Brian) jusqu'au clin d'œil avec la présence de Terry Jones dans le rôle de Dieu. Le réalisateur se fait vraiment plaisir avec ce film, la caméra multiplie les plans tordus, beaucoup de plongées, de caméras subjectives...

 

 

Le Créateur est un gros échec en salles et Dupontel de s'exiler à Hollywood pour faire son premier film américain. Seulement, après 5 ans de travail, la forte personnalité de Dupontel n'arrive pas à s'entendre avec les exécutifs des studios et il décide de venir tourner en France le scénario qu'il avait écrit pour eux, Enfermés dehors. Cartoon live à la Tex Avery comme il le définit lui-même, cette histoire d'un SDF (qui n'est finalement qu'un prolongement de Bernie) qui assiste malgré lui au suicide d'un policier à qui il vole l'uniforme est un gros délire où l'influence de Gilliam et des Monthy Python se fait sentir avec l'humour noir décalé et outrancier. On retrouve aussi leurs influences par l'utilisation en abondance, pour le cadre, d'un objectif grand angle à courte focale qui permet un cadrage larges d'objets rapprochés et d'accentuer les perspectives. Mais Chaplin, Harold Lloyd, Buster Keaton et même Frank Capra comptent parmi les autres références du réalisateur. Même si Dupontel affirme que ce film est un peu son Baron de Munchausen à lui, on pense aussi beaucoup à un autre film de Gilliam, le magnifique Fisher King. Le film est un succès au box-office et l'acteur peut penser tranquillement à son prochain film, Le Vilain qui sort chez nous le 25 novembre 2009 et qui est précédé d'une réputation plutôt flatteuse.

 

 

 

La filmographie d'acteur d'Albert Dupontel est également placé sous le signe de la prise de risque car l'acteur essaie de favoriser les projets artistiquement ambitieux ou originaux comme La Maladie de Sachs de Michel Deville (qui lui vaut une nomination au César du meilleur acteur), Irréversible de Gaspar Noé, le polar très réussi de Nicolas Bouhkrief Le Convoyeur ou Avida de Benoit Delépine et Gustave Kervern. Il a également été nommé au César du meilleur acteur pour sa prestation magnifique dans le gros nanar de Jean Becker Deux jours à tuer (qui n'est qu'un pompage honteux d'un film danois magnifique, After the wedding de Susanne Bier).

 

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