Portrait Jean Dujardin

Thomas Messias | 8 mars 2007
Thomas Messias | 8 mars 2007

On peut débuter chez Patrick Sébastien et Laurent Boyer sans être ni antipodiste ni chanteuse braillarde : Jean Dujardin en est la preuve vivante. Touché par la grâce comique pendant son service militaire (il crée un sketch sur son supérieur bas de plafond), cet ancien serrurier-miroitier monte rapidement sur scène. Les débuts se font en groupe, avec la bande des Nous C Nous. Quelques spectacles, une chanson à succès (la bien nommée Nous C Nous), une place de choix chez Sébastien… Sans génie mais avec une bonne dose de volonté, les cinq mecs s'imposent comme les gentils amuseurs du français moyen, créant des personnages hauts en couleur qui font la joie des mômes. Parmi eux, au hasard, citons un surfeur de pacotille adepte de la casse, dont le nom m'échappe.

 

Mais Dujardin a envie de tenter l'aventure tout seul ; et ça marche, puisqu'il l'emporte à trois reprises dans l'émission Graines de stars entre 1997 et 1998. À peine un an plus tard, il se voit offrir le rôle de Jean, alias Loulou, dans le programme court Un gars / Une fille, créée au Canada par Guy A. Lepage. Des millions de Français se reconnaissent dans les aventures d'un couple lambda. L'aventure dure quatre ans et aurait pu se poursuivre encore longtemps, mais Jean Dujardin et sa partenaire (à la scène et désormais à la ville) Alexandra Lamy décident d'arrêter en plein succès. Après 4.500 épisodes, on comprend leur lassitude.

 

 

Après un tel succès populaire, comment se débarrasser de l'étiquette Loulou ? Impossible, a priori. Tout talentueux qu'il soit, Dujardin n'est pas prêt de trouver des rôles de qualité. C'est du moins ce que tout le monde croit. Mais peu à peu, sans faire de bruit, le Jeannot va se creuser sa place. D'abord les modestes Toutes les filles sont folles et Bienvenue chez les Rozes. Ces comédies en demi-teinte ne trouvent pas vraiment leur public mais confirment le vrai potentiel de l'acteur.

 

 

Après un saut chez Laurent Baffie (Les Clefs de bagnole, le film au casting le plus impressionnant de l'histoire de France), les choses sérieuses débutent en 2004. Alors qu'on ne l'attendait pas vraiment dans ce registre, il est un second rôle de choc aux côtés d'Albert Dupontel dans Le Convoyeur, de Nicolas Boukhrief. Un polar noir, très noir, dans lequel il met toute sa classe et son apparente décontraction au service d'un personnage-clé. Pas de quoi se gausser devant une telle prestation. Le miracle a eu lieu : à peine un an après l'arrêt de la série qui l'a transformé en star du petit écran, Dujardin est parvenu à se sortir d'un carcan inextricable. Les propositions se multiplient, mais Jean garde la tête froide. Après avoir joué un anti-mariage convaincu dans Mariages !, il se contente d'apparitions dans les douloureux Les Dalton (il devrait d'ailleurs être Lucky Luke dans le prochain film de James Huth) et La vie de Michel Müller est plus belle que la vôtre (où il joue son propre rôle).

 

 

Alors qu'un acteur comique sur deux cherche son Tchao Pantin, tandis que Michaël Youn clame partout qu'il veut travailler avec Patrice Chéreau, Dujardin prend tout le monde à rebours et replonge dans la gaudriole la plus totale, se fichant bien d'épargner sa crédibilité croissante. Devant la caméra de James Huth, il reprend son personnage de crétin des mers adepte du cassage, pour le plus grand bonheur des petits (et l'agacement suprême des plus grands). Brice de Nice réunit des millions de spectateurs et assoit la popularité du comédien. Devenu bankable, Dujardin aurait pu alors faire Brice 2, Un gars / Une fille : le film et autres catastrophes annoncées. Mais non : il préfère aller s'amuser dans L'amour aux trousses aux côtés de Pascal Elbé, puis dans Il ne faut jurer de rien ! avec Gérard Jugnot et Mélanie Doutey. Deux films qui ne resteront pas dans les annales, mais où le bonhomme est loin d'être ridicule.

 

 

Nouveau projet un peu effrayant : une nouvelle adaptation, quarante ans après, du personnage de Jean Bruce, Hubert Bonisseur de La Bath (alias OSS 117). Rendues hilarantes sous la plume délicate de Jean-François Halin, les aventures de cet agent secret frimeur, raciste et idiot, font le succès d'OSS 117, Le Caire, nid d'espions. Les réactions ne se font pas attendre, comparé à Jean-Paul Belmondo et Peter Sellers, Dujardin explose et révèle une singularité jusque là insoupçonnée. Après avoir vu le film, on se dit que personne d'autre n'aurait pu jouer ce rôle.

 

 

Trois ans après Le Convoyeur, Dujardin revient dans un rôle 100% sérieux. Sauf que cette fois, le héros, c'est lui et lui seul. Dans Contre-enquête, le premier film de Franck Mancuso (scénariste de 36 quai des orfèvres), il est Richard Malinowski, flic et père qui tente de découvrir si l'homme condamné pour le meurtre de sa fille est effectivement le coupable. Portant le film sur ses épaules, il montre qu'il est aussi doué dans le polar que dans la comédie. Aussi bon au cinéma qu'au théâtre (il excellait dans Deux sur la balançoire, où il donnait la réplique à sa chère et tendre). Ce que confirme l'allumé 99 francs, adaptation par Jan Kounen du délicieux roman de Frédéric Beigbeder, dans lequel il incarne Octave, le double de l'auteur, publicitaire cynique et un peu camé. Dujardin semble particulièrement à son aise dans cet univers inédit pour lui. De toute façon, on se demande bien s'il y a un registre dans lequel cet acteur devenu incontournable pourrait ne pas évoluer. Il n'est pas le plus touché par le ridicule de Ca$h, mauvais sous-sous-sous-ersatz des Ocean's. Et, ces jours-ci, il nous régale de nouveau en OSS 117, affinant encore davantage ce personnage qui lui colle désormais à la peau.

On n'a pas fini d'entendre parler de ce mec, à la fois gendre idéal et possible caméléon, dont l'immense capital sympathie n'a pas fini de s'étendre.Et pourquoi pas avec Lucky Luke, qui lui permettra de retrouver James Huth et - on peut rêver - de livrer un divertissement digne de l'oeuvre de Morris.

 

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