Cannes 2006 - Jour 9

Vincent Julé | 26 mai 2006
Vincent Julé | 26 mai 2006

Aux jours 4 et 5, je faisais du Selon Charlie de Nicole Garcia, une arme de destruction massive anti-française et le seul film bien de chez nous en compétition officielle. Du grand n'importe quoi, puisque le festival a amené depuis son lot de productions françaises – par commodité allons jusqu'en Belgique – en lice pour la Palme. C'est aussi ça d'avoir la tête dans le guidon (et pour certains plus bas), de vivre uniquement de cinéma, de courir d'une projection à l'autre avec pourtant l'impression d'attendre continuellement, de gérer son emploi du temps non plus jour après jour mais bien d'heure en heure. Alors que cette 59e édition vit ses derniers soubresauts (sniff Dany !), ses derniers films (Le Labyrinthe de Pan, déjà vu d'ailleurs par quelques privilégiés !), le bilan de cette semaine cinématographique s'avère à la fois riche et douloureux. À l'image du cas Richard Kelly avec Southland Tales, les films présentés ne peuvent en aucun cas avoir une vie propre. En effet, chaque film est lié malgré lui au précédent et au suivant. Une baisse de rythme entre deux pâtisseries rose fluo, et c'est l'assoupissement devant Marie-Antoinette. Deux minutes de retard au check point, et Babel restera une utopie jusqu'en octobre. Et qui dit badge bleu, dit pas de Scanner Darkly. Des choix de films, soit personnels soit incontournables, qui se révèlent alors sources de frustration, voire même de remords lorsqu'ils impliquent de rater un film de la compétition. Attendez-vous donc à ce que la future Palme d'or n'ait pas été chroniquée au sein de ces lignes. Pas très professionnel, hein ?

Après Selon Charlie (eurk !) et Flandres (eurk ! mais pour de bonnes raisons), ce sont ainsi pas moins de trois films « in french » qui se sont succédés au Grand Théâtre Lumière, où la vue en plongée donne parfois le vertige. Surtout le matin, sans petit-déjeuner. Après son triptyque Un couple épatant/Cavale/Après l'amour (et maintenant lisez les titres d'une traite), l'acteur-réalisateur belge Lucas Belvaux revient avec un drame à la fois social et cocasse. Retour aussi pour Xavier Giannoli moins d'un an après son Aventure, pour une histoire d'amour vache et tendre où il réussit l'exploit de rendre supportable à la fois Gérard Depardieu et Cécile de France. Ovation et applaudissements jusqu'à la fin du générique, comme d'ailleurs pour Indigènes, film de guerre à message et au casting 100% beur, 100% français.


La raison du plus faible (2006, Belgique) – Compétition
Réalisateur : Lucas Belvaux

Résumé : À Liège, pour pouvoir offrir une mobylette à la femme de leur copain Patrick, trois hommes vont tenter un très gros hold-up. Evidemment, rien ne se passera comme prévu.

Avis : De longues séquences de paysages industriels puis d'hommes qui s'affèrent aux machines, le film prend ses marques, le spectateur aussi, pour bien s'ancrer dans une réalité sociale. Et lorsque les acteurs entrent dans le champ, surtout Eric Caravaca et Natacha Régnier, ils semblent surjouer les gestes et les paroles du quotidien. Pourtant, les bons mots, les répliques fonctionnent et une alchimie se crée au milieu de ce portrait de groupe, à en devenir drôle, cocasse… réaliste ? C'est pourquoi lorsque l'idée d'un hold-up émerge dans ce petit monde, il est traité avec la même approche entre gravité et inconscience. Malheureusement, Lucas Belvaux prend cette histoire de braquage avec le même sérieux cinématographique que beaucoup d'autres avant lui, et déçoit donc à proposer, ou même chercher, une alternative originale.

Note : 6/10


Quand j'étais chanteur (2006, France) – Compétition
Réalisateur : Xavier Giannoli

Résumé : Alain, 50 ans, est chanteur de bal à Clermont-Ferrand. Il fait aussi les comités d'entreprise et les inaugurations. Il est mondialement connu à Clermont-Ferrand et cela lui suffit. La chanson était toute sa vie lorsqu'il rencontre Marion. Marion a 27 ans. Elle est agent immobilier, vient d'arriver dans la région. Elle a un enfant de 4 ans. Elle était perdue quand Alain l'a trouvée.

Avis : Le troisième film de Xavier Giannoli est la réponse parfaite au surestimé Jean-Philippe avec Johnny Hallyday. Au bout du rouleau, en tant que chanteur et en tant qu'homme, Gérard Depardieu livre une prestation en mode mineur, où ses habituelles envolées laissent place à des moues, des silences et toujours le dernier mot. Toujours un aveu de faiblesse même, car il n'a plus besoin de carapace pour se protéger ou pour ne pas être déçu. En effet, il a déjà bien vécu et cette rencontre avec une Cécile de France perdue ne se veut rien d'autre qu'une belle rencontre. À l'image des chansons ringards chantés avec douceur par l'acteur, le film raconte toujours la même histoire mais avec poésie, tendresse et mélancolie. Une jolie surprise.

Note : 7/10


Indigènes (2006, France) – Compétition
Réalisateur : Rachid Bouchareb

Résumé : En 1943, alors que la France tente de se libérer de la domination nazie, le parcours de quatre « indigènes », soldats oubliés de la première armée française recrutée en Afrique. Abdelkader, Saïd, Messaoud et Yassin, réputés pour leur courage, sont envoyés en première ligne. Argent, amour pour la France ou pour l'armée française, foi en la liberté et l'égalité, leurs motivations divergent pour un même combat, libérer la France, les armes à la main.

Avis : Au casting, les quatre (et seuls ?) acteurs beurs bankable de France, allant du meilleur à l'honorable : Sami Bouajila, Jamel Debbouze, Roschdy Zem et Samy Naceri. Presque une obligation pour soutenir un tel projet, et donc budget, aux mains d'un réalisateur inconnu du grand public. Un devoir aussi pour eux, afin de réhabiliter les soldats algériens tués et/ou oubliés pendant la Seconde Guerre mondiale. Et force est de constater que le message passe. Plusieurs fois même. En effet, entre deux explosions impressionnantes, les acteurs prennent souvent la pose pour discourir sur un ton solennel. « D'où viens-tu, toi ? » « Du fin fond de la misère », répond gravement Jamel. Sans jamais tomber dans la caricature, le film se révèle parfois trop démonstratif ou trop artificiel. Mais de cette académisme dans la forme, il se révèle surtout fort utile dans le fond.

Note : 6/10

Bonus : c'est même plus drôle si vous trouvez la réponse à mes devinettes du premier coup à chaque fois.

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