Il faut voir la suite parfaite de ce western fou : Dedh Ishqiya

Clément Costa | 26 mai 2023
Clément Costa | 26 mai 2023

Quatre ans après un premier volet qui avait dépoussiéré le western indien, Dedh Ishqiya est une suite parfaite. Une claque à découvrir sur Little Bollywood.

En 2010, le jeune cinéaste Abhishek Chaubey dépoussiérait le western indien avec Ishqiya. Son film retrouvait la gloire des grands récits épiques à la Sergio Leone tout en y apportant un ton sulfureux, provocateur et résolument moderne. Après quatre années de réflexion, le réalisateur offre à ses deux anti-héros de nouvelles aventures avec Dedh Ishqiya. Il offre ainsi aux spectateurs une véritable leçon de ce qui fait une suite parfaite. Un long-métrage abouti, ambitieux et qui n'a pas peur d'affronter des thématiques périlleuses.

Si la saga Ishqiya est restée trop longtemps inédite en France, elle est désormais accessible dans son intégralité sur Little Bollywood. Cette toute première plateforme de VOD française uniquement consacrée au cinéma indien offre un vaste catalogue de pépites cachées. L’occasion rêvée de découvrir Bollywood avec un tout nouveau regard.

 

Dedh Ishqiya : photoComment ça, t'as jamais vu Dedh Ishqiya ?

 

ON NE CHANGE PAS UNE ÉQUIPE QUI GAGNE

Quand Ishqiya est devenu un des succès surprises de l’année 2010, le jeune cinéaste Abhishek Chaubey a été immédiatement propulsé au rang des auteurs à suivre de près au sein de l’industrie bollywoodienne. Plutôt que de surfer rapidement sur un bref effet de mode, il va prendre quatre longues années pour réfléchir à ce qui deviendrait la suite de son western mémorable. Et lorsqu’il livre Dedh Ishqiya, le réalisateur semble avoir compris à la perfection ce qui est attendu d’une grande suite.

Il va ainsi chercher à reprendre les codes du film précédent et à les réinvestir très intelligemment. Comme pour le premier opus, cette suite sera un mélange explosif de genres et de registres. Le western embrasse là encore le film noir et la romance sulfureuse. La comédie grinçante y côtoie le drame déchirant. Et Abhishek Chaubey nous réserve également une surprise supplémentaire en allant convoquer cette fois-ci une certaine tradition du cinéma d’auteur à l’indienne.

 

Dedh Ishqiya : photoHere we go again

 

Afin de bâtir l’identité de ce qui est désormais une saga, le réalisateur va reprendre avec beaucoup de fidélité certains des motifs du premier volet. Comme dans le film précédent, Dedh Ishqiya s’ouvre ainsi sur une séquence rocambolesque lors de laquelle un de nos héros creuse sa propre tombe tout en racontant une blague. Un plan absurde de kidnapping viendra là encore perturber le récit. Et une fois de plus notre duo de bras cassés va confondre amour, désir et manipulation dans des relations complexes et dangereuses.

Il y a dans cette suite une envie évidente d’embrasser le style Ishqiya et de le porter fièrement comme l'héritage d'une pop culture en pleine transformation. Comme toute suite réussie qui se respecte, Dedh Ishqiya nous invite d'abord en terrain connu. Une aventure suffisamment familière pour que l'on s’y sente à l’aise dès les premières minutes. Abhishek Chaubey évite cependant avec brio le piège de la redite superficielle et désincarnée.

Bien plus qu’un simple exercice visant à brosser les fans dans le sens du poil, Dedh Ishqiya va progressivement détourner chacun de ses motifs pour mieux nous égarer. Les grandes lignes semblent similaires, mais la destination est subtilement différente. Et les séquences familières au goût initial de déjà-vu vont toujours finir par nous surprendre dans la manière dont le cinéaste les détourne.

 

Dedh Ishqiya : photoUne virée mémorable

 

BIGGER AND LOUDER

La formule classique des suites hollywoodiennes et de toujours faire plus grand, plus bruyant, plus spectaculaire. S’il ne tente jamais d’être un blockbuster, Dedh Ishqiya applique tout de même cette logique à sa mesure. D’un point de vue purement technique, cette suite est largement plus aboutie que le premier volet. Une mise en scène bien plus soignée, des costumes et des décors qui nous en mettent plein les yeux.

Cette fois-ci, Abhishek Chaubey quitte l’esthétique très pulp et rurale du premier film pour assumer un virage bien plus noble et littéraire. Le cinéma d’auteur bengali n’est jamais loin, tout comme la poésie ourdou qui est tout simplement au cœur du récit. Le cinéaste s’assure cependant de conserver l’identité trouble de la saga. La forme est certainement plus gracieuse, mais l’écriture conserve son aura sulfureuse.

 

Dedh Ishqiya : photoComme un air de Devdas

 

Toujours dans cette logique de créer une suite plus grande et plus explosive, Dedh Ishqiya mise sur des enjeux bien plus conséquents. Le premier volet voyait notre duo principal trouver refuge chez une veuve énigmatique. Même si le récit contenait des enjeux politiques et dramatiques déchirants, tout se jouait à échelle humaine. Il s’agissait avant tout de plonger dans l’intimité des protagonistes.

Pour ce nouvel opus, on quitte le triangle amoureux afin de suivre cinq personnages tous liés les uns aux autres d’une certaine façon. La tension est omniprésente et les conflits oscillent entre affrontements physiques et joutes verbales. Notons enfin que les séquences d’action, en particulier la fabuleuse fusillade finale, débordent d'ambition et d'envie de spectacle. Dans une explosion jubilatoire de violence et de cynisme, Abhishek Chaubey signe une conclusion absolument grandiose.

 

Dedh Ishqiya : photoUn duo comique terriblement efficace

 

LES DÉSAXÉES

Bien au-delà d’une simple ambition formelle, Dedh Ishqiya voit les choses en grand du côté de ses thématiques principales. Le long-métrage précédent abordait déjà une réflexion passionnante sur le rôle la femme indienne, sa place en société ainsi que sa représentation au cinéma. Pour la suite, Abhishek Chaubey achève de nous présenter ses héros masculins comme étant des hommes faibles et égarés. Babban et Khaalu ne dépasseront jamais leur condition de bandits de pacotille, incapables de rester lucides face à un objet de désir.

La nouvelle figure masculine du film est incarnée par le gangster Jaan Mohammed, campé par un superbe Vijay Raaz. Mais là encore, le cinéaste ne peut s’empêcher de le tourner en ridicule. Il nous présente un personnage viril, toxique et inculte. Face à ces différentes facettes du patriarcat, Chaubey sublime ses deux héroïnes. Madhuri Dixit et Huma Qureshi incarnent avec grâce et puissance une forme de sororité qui peut triompher de tout.

 

Dedh Ishqiya : photoUne héroïne forte qui occupe toujours le centre de l'image

 

S’il y a cependant un seul axe d’analyse à retenir pour Dedh Ishqiya, c’est bien celui de la romance secrète et pudique. À de nombreuses reprises, le film se réfère subtilement à une nouvelle scandaleuse intitulée Lihaaf écrite par la romancière Ismat Chugtai en 1942. Fidèle à l’esprit du livre, Abhishek Chaubey va lui aussi mettre en scène à demi-mot une relation lesbienne entre ses deux héroïnes. Unies face à un patriarcat qui cherche à les instrumentaliser par désir ou par avidité, elles n’ont pour seule échappatoire que leur amour aussi profond que délicat.

Censure oblige, rien n’est jamais explicité. Tout se joue sur les regards, les silences et les sous-entendus. Mais la relation spéciale qui unit les deux héroïnes fait office de contraste salvateur. Une touche de bienveillance au milieu de ce monde aride fait de cynisme et de brutalité. Cette sensibilité inattendue constitue probablement la plus grande force du film. Sans oublier qu'il s'agissait d'une prise de risque folle pour l’industrie bollywoodienne qui était encore extrêmement réticente à aborder ce type de sujets au début des années 2010.

 

Dedh Ishqiya : photoComplicité fascinante et bien plus encore

 

Près d’une décennie plus tard, Dedh Ishqiya apparaît toujours comme la suite idéale dont personne n’osait rêver. Plus noble, plus grand, plus ambitieux, le film coche toutes les cases. Avec le temps, des films comme Aligarh ou Kapoor & Sons suivraient ses traces en mettant en scène plus frontalement des personnages homosexuels. De son côté, Abhishek Chaubey reviendrait vers le pur western en 2019 avec Sonchiriya, œuvre crépusculaire qui reste à ce jour son chef-d’œuvre absolu.

Pour rappel, vous pouvez découvrir Ishqiya et Dedh Ishqiya dès maintenant sur Little Bollywood. Vous trouverez sur la plateforme un catalogue particulièrement riche et varié. Une occasion inespérée de découvrir un tout nouvel horizon cinéphile encore très peu exploré en France. Retrouvez toutes les offres d’abonnement en cliquant directement sur le lien.

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commentaires
Dentscie
30/05/2023 à 14:52

C'est moi ou l'actrice en couverture de l'article ressemble vachement à Pam Grier dans Jackie Brown ?


29/05/2023 à 13:43

C est une pub déguisée ou le film vaut vraiment le détour ? Et sauf erreur de ma part je n ai pas trouvé le film avec l option recherche de lit le bollywood

AdeleP
27/05/2023 à 22:34

Je n'ai vu ni l'un ni l'autre, une lacune à combler absolument ! En revanche j'ai vu Sonchiriya, splendide western violent et quasi mystique dont je recommande chaudement le visionnage.

Sk
27/05/2023 à 13:32

ça donne envie