Ishqiya : la rencontre entre Sergio Leone et Quentin Tarantino sur Little Bollywood

Clément Costa | 27 février 2023 - MAJ : 07/03/2023 16:28
Clément Costa | 27 février 2023 - MAJ : 07/03/2023 16:28

Revisitant le grand western classique avec une bonne dose de cynisme et d’humour noir, Ishqiya est la révolution artistique à découvrir sur Little Bollywood.

Alors que le public français semble enfin se rendre compte que le cinéma indien est d'une richesse folle, le problème de l'accessibilité se pose désormais. En effet, trouver les œuvres conseillées peut s'avérer particulièrement délicat. C'est pour répondre à ce besoin urgent que la plateforme Little Bollywood a été créée. Toute première plateforme de VOD française consacrée au cinéma indien, Little Bollywood permet de découvrir des centaines de films indiens sous-titrés en français.

Et pour mieux profiter de ce Netflix du cinéma indien, vous pouvez dès à présent participer à la campagne Ulule en cours. Cela vous permettra de bénéficier des tarifs réduits "Early Bird" qui permettent notamment une réduction de 50% sur l'abonnement annuel. Faites vite, la campagne Ulule se termine le 21 mars. Et pour vous guider sur l'immense catalogue qui s'ouvre à vous, Écran Large vous propose une sélections de quelques pépites à voir absolument. Pour commencer, découvrons Ishqiya réalisé par Abhishek Chaubey.

 

Ishqiya : photoEn route pour découvrir Bollywood

 

IL ÉTAIT UNE FOIS À BOLLYWOOD

Au milieu des années 2000, une nouvelle vague portée par de jeunes réalisateurs indépendants et anticonformistes vient secouer Bollywood. Ce mouvement révèle de nombreux artistes extrêmement prometteurs. En tête de liste, on retrouve Anurag Kashyap et Vishal Bhardwaj. Les deux cinéastes sont rapidement remarqués grâce à des œuvres insolentes, violentes, qui brisent toutes les règles de la bienséance. On citera par exemple le brulot politique Black Friday ou l’adaptation shakespearienne ultraviolente Omkara.

Mais ce qui va achever de faire d’eux les figures de proue de ce mouvement sera leur capacité à rapidement s’organiser. Les deux hommes s’auto-produisent et vont également soutenir d’autres jeunes réalisateurs qui ne trouvent pas leur place chez les gros studios bollywoodiens. C’est ainsi que va naître Ishqiya. Réalisateur de seconde équipe et scénariste pour Vishal Bhardwaj sur Omkara et Kaminey, le jeune Abhishek Chaubey se voit confier son tout premier long-métrage.

 

Gangs of Wasseypur - Part 2 : photoDynamiter les clichés 

 

Le cinéma commercial bollywoodien vivait alors une période extrêmement lucrative, cependant les studios misaient tout sur deux genres. D’un côté les éternelles romances qui ont fait la réputation de toute l’industrie. De l’autre le masala d’action, un genre typiquement indien qui vivait un nouvel âge d’or depuis la sortie de triomphes commerciaux comme Ghajini ou Wanted. Dans les deux cas, l’idée était d’offrir avant tout un cinéma familial, le plus fédérateur possible.

Face à cette uniformisation des studios, le cinéma indépendant veut apporter un changement radical. Les films produits par Bhardwaj et ses confrères sont plus violents, plus sulfureux mais également plus politiques. Pour renverser l’ordre établi, ces jeunes cinéastes s’emparent de genres peu exploités en Inde. On découvre alors de nombreux polars, des films fantastiques ou encore de l’horreur.

C’est dans cette logique que le débutant Abhishek Chaubey veut s’attaquer à un genre délaissé par le cinéma indien depuis près de deux décennies : le western. Dans les années 70, le western indien avait connu son heure de gloire suite au triomphe historique du film culte Sholay. De nombreuses productions avaient surfé sur la popularité de ce classique. Cependant la relecture crépusculaire du sublime La Reine des bandits de Shekhar Kapur en 1994 avait à la fois transcendé et tué le genre. Ishqiya avait donc pour ambition de raviver la flamme.

 

Ishqiya : photoQuand un gros studio entend parler de western

 

CHAUBEY UNCHAINED

Non content de se lancer un défi quasiment impossible, Abhishek Chaubey ne se contente pas de faire un western traditionnel. Il veut jouer sur deux tableaux. D’un côté Ishqiya se présente comme un héritier des grandes épopées nobles façon Sergio Leone ou Ramesh Sippy. De l’autre, il doit coller à l’esprit de cette nouvelle vague indienne et contenir son lot de violence, d’obscénités et de provocations. Le film se lance alors dans un exercice périlleux que Quentin Tarantino maîtrise à merveille, jongler entre hommage respectueux et déconstruction de sale gosse.

Pour l’aspect traditionnel, on retrouve effectivement bon nombre des thèmes récurrents du western indien classique. On assiste par exemple à l’éternelle lutte entre les dacoïts, ces bandes armées organisées qui vivent en marge de la société, et les propriétaires terriens. Dans la droite lignée de Sholay, le film s’intéresse à une Inde rurale qui a été abandonnée à la loi du plus fort et aux explosions de violence. Et bien que son tout petit budget empêche le film de faire dans le grand spectacle, le cinéaste nous offre quelques beaux moments de bravoure.

 

Ishqiya : photoLa lumière du changement

 

Mais Ishqiya ne se contente pas d’être une copie fidèle de bon élève. Le long-métrage va tout d’abord renverser l’archétype du héros indien. Là encore, le modèle du western indien avait été imposé par Sholay : des hors-la-loi au grand cœur, portés par des valeurs, un sens moral aiguisé et beaucoup de courage. Abhishek Chaubey nous confronte à un duo de malfrats égarés. Bien qu’ils soient attachants, Babban et Khalu n’ont aucune notion de morale et ne sont même pas particulièrement doués pour le crime.

Naseeruddin Shah et Arshad Warsi, grands habitués des rôles à contre-emploi, incarnent à merveille ces deux bras cassés qui passent leur temps à fuir. Et même si le récit nous dévoile progressivement un certain romantisme naïf chez les deux hommes, ils n’oublient jamais d’être égoïstes, vulgaires et opportunistes. Pas de grande rédemption en vue, le cinéma de Chaubey célèbre une forme d’héroïsme bien peu commune.

 

Ishqiya : photoDes héros en mauvaise posture

 

L’ambition de marier épopée noble et modernité cynique était déjà largement suffisante pour un premier long-métrage. Mais Ishqiya s’avère encore bien plus complexe qu’il n’en a l’air. Non content de dépoussiérer le western indien, Abhishek Chaubey va également convoquer le film noir. Là encore, on y retrouve tous les éléments classiques du genre. Tous les ingrédients semblent réunis : un enlèvement, une demande de rançon, une grosse somme d’argent à trouver d’urgence et une femme fatale.

Une fois de plus, le film ne se contentera pas d’une relecture sage et lisse. Le suspense est généralement déjoué volontairement avec un humour noir décapant. À l’image de ce plan parfait pour kidnapper un homme d’affaires qui vire à la catastrophe de façon grotesque et hilarante. Au final, ce mélange de différents genres fonctionne à merveille et donne vie à une œuvre à la fois drôle et émouvante, sulfureuse et étrangement romantique.

 

Ishqiya : photoUn plan (presque) parfait

 

GIRLS RUN THE WORLD

Si Babban et Khalu nous sont présentés comme les héros de l’histoire, le cœur du récit tourne réellement autour du personnage de Krishna. La jeune femme fascine et intrigue dès les premières minutes. Elle semble être la rencontre passionnante entre Jill dans Il Était une fois dans l’Ouest et un archétype de femme fatale sortie d’un film noir des années 40. Krishna nous est d’ailleurs rapidement présentée comme une femme intelligente mais dangereuse, voire vénéneuse.

Avec le recul, on comprend cependant que la mise en scène nous suggère que cette perception est déformée par le regard masculin de nos héros faillibles. Le premier la voit comme un objet de désir, le second comme une sainte. Ishqiya s’amuse alors à questionner le regard que les hommes portent sur les femmes. Le film tente ainsi de déconstruire cet archétype purement cinématographique voulant qu’une héroïne ne puisse être que séductrice ou pieuse.

 

Ishqiya : photoMagnum force 

 

Et c’est là que le long-métrage trouve sa plus grande force, en refusant systématiquement de porter un jugement moral sur son héroïne. Quoi qu’elle fasse, Krishna a ses raisons. Certaines sont compréhensibles, d’autres bien plus douteuses. Cependant le récit ne va jamais tenter de la punir pour son amoralité, ni même de lui offrir un arc narratif de rédemption.

Elle peut à la fois être une figure de veuve aimante et une femme fatale. Tout comme elle est sincèrement vulnérable mais capable de violence pure. Ce traitement subtil est complexe était jusqu’alors réservé quasi exclusivement aux hommes dans le cinéma indien. Ishqiya annonce une révolution.

 

Ishqiya : photoQui s'y frotte, s'y coupe

 

Pour incarner Krishna, Ishqiya peut compter sur l’incroyable Vidya Balan. Alors qu’elle est encore relativement nouvelle à Bollywood, l’actrice bénéficiera de ce rôle comme d’un tournant majeur dans sa carrière. Elle deviendra alors l’icône féminine de la décennie à Bollywood en portant des films qui mettent les femmes au centre du récit. De l’érotisme outrancier d’un The Dirty Picture au suspense déchirant du sublime Kahaani, sa filmographie a de quoi faire rêver n’importe quelle actrice.

Au final, on retiendra Ishqiya comme un petit bijou indépendant. Un film annonçant un futur grand cinéaste et une future immense actrice. Mais surtout un film qui, malgré ses défauts inévitables d’œuvre de jeunesse, réunit la noblesse des grands westerns et l’insolence d’une contre-culture désabusée. Pour découvrir cette petite merveille, il vous suffit de participer au Ulule de Little Bollywood.

Ceci est un article publié dans le cadre d'un partenariat. Mais c'est quoi un partenariat Écran Large ?

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commentaires
bibou
13/03/2023 à 15:05

génial

Xander
28/02/2023 à 12:08

Juste l'argument western me chauffe bien !

Fabikarpi
27/02/2023 à 14:29

Merci clem de faire découvrir ce genre de chose. j'ai découvert le cinéma indien et j'essaye aussi de faire bouger les choses dans la ville dans laquelle je suis.
Un dossier sur les différentes industries indiennes serait excellent !